Sa musique mélange le rock des années 80′, une pincée de disco 70’s et quelques gouttes de funk. Son groupe, formé avec son meilleur ami Patrick Gemayel et dont le nouvel album, White Women a vu le jour le 12 mai 2014, se pose en exemple de l’amitié arabo-juive. À 35 ans, David Macklovitch, le chanteur du duo chic d’électrofunk Chromeo a derrière lui un parcours hors du commun. Rencontre avec un caméléon des classes sociales, partagé entre musique, écriture de thèse et enseignement à l’université.

Night by Night, c’est lui. Lorsque David Macklovitch prend un avion de New York –où il habite désormais– pour venir à Paris, c’est avec un plaisir non dissimulé qu’on le retrouve, à l’Hôtel Amour. Son « pied-à-terre parisien », tant il apprécie l’endroit. Aussitôt que la moitié du groupe Chromeo pousse la porte d’entrée, on gagne quelques degrés… Dans la véranda à la lumière tamisée, éclairée à l’aide de quelques bougies, lorsque sa silhouette longiligne apparaît, l’atmosphère s’électrise soudain. Sourire imparfait, mais à tomber, regard énigmatique, look travaillé et soigné avec haut blanc (laissant entrevoir le début de son torse), collier avec anneau solitaire, veste noire, jean taillé sur mesure et petites boots impeccablement cirées.

« With a little bit of life experience, the right clothes and the right appearance »

À ce moment-là, cette phrase sortie de Bonafied Lovin’ prend tout son sens. Il s’installe devant vous, bien à son aise dans cet « endroit magique où l’on peut croiser des personnalités telles que Emmanuelle Alt ». En citant la rédactrice en chef de Vogue, on pressent déjà le passionné de mode. Nous y reviendrons. Pourquoi Paris ? Parce que cette ville lui manque, « pour pouvoir entendre, parler, échanger dans la subtile langue qu’est le français ». Mais Lutèce, il s’y rend aussi parce qu’il y fait « de bonnes séances de shopping ». Ou plutôt « shaüppinng », comme il le prononce si étrangement. Un délicieux accent hétéroclite issu du Maroc, de la France, du Canada, des USA.

Plurioriginaire

Afin de comprendre cette intonation aux sonorités singulières, revenons quelques années en arrière : né à Montréal, d’une mère marocaine, traductrice, et d’un père canadien, linguiste, ils quittent le pays direction Grenoble. Pour son frère -le mondialement célèbre Alain Macklovitch, alias A Trak- comme pour lui, c’est d’abord un bonheur. David, âgé de quatre ans y restera jusqu’à ses six ans. Mais ses parents ne s’acclimateront pas vraiment à l’ambiance locale, un brin trop étroite pour eux. Ils abandonneront alors le tout pour revenir vivre au grand air… Au Canada.

Montréal semblera leur convenir définitivement, puisqu’ils y sont toujours aujourd’hui. David, lui, suit le mouvement, sans perdre de vue ses objectifs. En 2002, son master en langue et littérature française en poche, le brillant étudiant de McGill décide de prendre un billet pour NYC, motivé à conquérir la grande pomme. Depuis l’avion qui le mène aux USA, en observant les lumières qui éclairent sa future conquête, une pensée : « à nous deux maintenant ». Pari réussi : deux ans plus tard, il dispensera des cours de langue française, de traduction et de littérature à l’Université Columbia (où il décrochera même le titre du ‘prof le plus sexy de l’année 2010’) et au Barnard College, sans oublier ses aspirations d’artiste pour autant.

Et pluridisciplinaire

Dès le 19 juin 2007, date de sortie de Fancy Footwork, le deuxième album de Chromeo, David avancera doucement sur la scène musicale. En plus d’être diplômé et cultivé, curieux de tout, ce grand gentleman d’1m90 possède par ailleurs le don de charmer les femmes d’une manière incroyable. Sûr de lui mais pas arrogant, un sex-appeal de tonnerre. « I got the kind of love that knocks you down », comme il le glisse si bien dans I’m Not Contagious. Et doté d’un humour décalé, bien qu’il réfute totalement un quelconque second degré dans ses chansons…

Pourtant, ses clips ont l’art de nous faire doucement sourire. Avec Patrick Gemayel (l’autre membre tout aussi explosif de Chromeo) jouant dans Tenderoni un livreur de pizza perdu qui déguste, heureux, un soda dans sa camionnette, on sent l’esprit d’autodérision de ceux qui peuvent se le permettre sans jamais passer pour ridicules, puisque talentueux. Et lorsque le duo apparaît à l’écran en costume de policiers, rebelles, rejetés par leur équipe et leur direction, dans le clip du très dansant Hot Mess, on n’a qu’une envie, c’est de leur dire merci. D’être si différents, de tordre le cou au conventionnel. Mais bon, le beau gosse préfère le premier degré. « Le franc-parler » dit-il, citant Montaigne au passage. De la littérature française, il affectionne tout particulièrement Proust, Pascal, Claude Simon, Robbe-Grillet, Barthes, Céline, Mallarmé ou encore Duras. « Du très canonique, quoi ».

Un autre domaine semble aussi fasciner ce touche-à-tout, à l’origine du magazine Vice en France : « Dave », ou « Dafed » comme le surnomment ses plus proches, est un féru de mode. Doté d’un sens du style parfait, quand son planning lui permet (c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas en train d’écrire sa thèse pour obtenir le PhD, son doctorat en philosophie, ni en train d’enregistrer en studio, ni en live dans un coin de la planète), l’éphèbe n’hésite pas à assister à des défilés… Une bonne info pour toutes ces fans prêtes à « mourir pour lui » (c’est en tout cas ce qu’elles affirment haut et fort sur son Facebook ou son Twitter). Placide face à cet amour féminin qui lui vient de tous les coins du globe, il balaie néanmoins le tout d’un simple « même pas vrai, voyons ! ». Réservé malgré son succès, l’artiste garde bien les pieds sur terre. Conscient que la réussite peut être éphémère, il n’hésite pas à confier ses peurs. « Et si demain tout cela s’arrêtait ? Que ferais-je de mon costume Gucci à 2000€ ? Je le revendrai sur eBay ? ». S’ensuit un éclat de rire qui nous donne envie de l’embrasser.

Un cœur à prendre ?

D’aucuns, peut-être dans l’espoir d’avoir une chance avec lui, pensent qu’il serait gay. Baissant les yeux sur son verre, David semble perplexe. Réfléchit. « Que dire… Tant mieux ? Quoi qu’il en soit, j’ai une affection particulière pour les gays ». Pas de quoi polémiquer : au fond, de toute façon, le seul et unique amour de sa vie, c’est celui qui le lie à sa maman. Il n’y a qu’à parcourir les paroles de Momma’s Boy pour comprendre. Dans ce titre, il expose une théorie selon laquelle un garçon cherchera toujours dans les yeux de sa douce le même regard que celui de la femme qui l’a mis au monde. À l’inverse, il pense qu’une jeune fille souhaite éternellement trouver en son mari des réminiscences de son papa…

Ça, c’est son point de vue. Personnellement, qu’il ne ressemble pas à notre père ne fait aucunement obstacle à notre désir de le demander en mariage. Car avec sa façon de replacer ses lunettes gros foyer tout en expliquant qu’il aime « mélanger le chic et le vulgaire… Aller dans une soirée underground limite dirty puis, le lendemain, apprécier avec la même intensité une coupe de champagne dans un lieu huppé de la planète », il y a de quoi fondre. Pas de cases, pas de clichés. David Macklovitch, en dandy international, casse les idées reçues, les clans sociaux et nous ouvre les yeux sur un monde de possibilités.

Pegah Hosseini

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