Ils étaient une centaine, hier à Los Angeles, à manifester en faveur de la Palestine et contre les attaques israélienne, à l’occasion de la visite du président des Etats-Unis en Californie. Mehdi était là.

Il n’y avait pas de signe particulier. Jusqu’à hier soir, au dernier moment. Un homme a accroché une feuille blanche sur la porte de l’immeuble. Il y avait écrit que le président Obama viendrait demain, à Trade Tech College, juste à côté, et que les rues du quartier seraient bloquées. Le mec a aussi accroché le mot dans l’immeuble, prêt d’une annonce d’un canapé désossé à acheter presque gratos. Il n’y avait pas d’autre signe avant-coureur. Peut être, si, cette nuit, quand des grues se sont mises à installer du béton un peu partout sur la route. Des gros blocs blancs de béton, avec des trous comme des visières au milieu.

Après, les services secrets ont commencé à inspecter les voitures laissées à l’abandon pour la nuit. « Je pensais que ça n’existait que dans les films, mais ça existe en vrai » a dit un homme qui passait par là. Il était une heure du matin. Il y avait beaucoup de bruits, des pelleteuses et le métro aérien qui avait encore le droit de braver la ville à fond. Jusqu’au matin, le quartier s’est fait brosser. « C’est le président des États-Unis quand même, c’est normal » a dit un autre gars, un taxi.

photo 2 (1)photo 2 (1)Ce quartier de Downtown Los Angeles est déchiré par les toxicos qui hallucinent. Par les SDF qui, dans une rue, à côté de là, dorment chaque nuit, tous suffocants. Par des gars qui fument de la marijuana sans trop se préoccuper du reste. C’est un quartier où il faut savoir marcher droit. « C’est pas une surprise qu’il vienne dans cette fac, explique une étudiante. Ce n’est pas encore le ghetto et ce n’est pas les quartiers chics non plus. Il y a de tout, ici, mais surtout des gens défavorisés« .

La chaleur se lève finalement, le beau matin. Le quartier est impraticable pour les voitures et les bus. La vie continue quand même tranquillement : les gens qui vont au travail et les SDF qui galèrent à trouver un truc à bouffer. Obama doit arriver à 13h, dans la cour de la fac, pour faire son discours, la dernière étape d’une tournée de deux jours en Californie. Des étudiants avaient été invités à retirer des tickets, gratuitement, pour assister au discours, la veille.

photo 3La police a disposé quelques barrières et des cordons de sécurité. Et puis, des manifestants « pour la Palestine libre » ont joint la fête, à la dernière minute. Ils viennent de Long Beach ou d’East LA. Parfois, ils viennent de beaucoup plus loin. Tous en voiture. Ils se sont garés sur les parkings alentours. Ils sont américains et latinos pour la plupart. Ils disent : « Migrants et Palestiniens, tous unis !« . Ils n’ont pas d’âge, parce qu’ils ont tous les âges. Ils ont préparé des banderoles, écrites à la main : « BASTA » ou « Les USA doivent cesser d’aider militairement Israel. Gaza libre ! ». En les voyant arriver du bout de la rue, la police a renforcé ses troupes. A fermé les derniers carrefours qu’ils restaient.

Un jeune homme, militant jusqu’aux dents, dit : « Regardez tous ses policiers qui nous oppressent et qui empêchent nos faits et gestes : c’est la même situation que vivent les Palestiniens !« . Il y a des drapeaux palestiniens qui flottent dans les airs. Des drapeaux américains, mexicains et pleins d’autres aussi. Une autre jeune femme crie au micro : « Je suis heureuse de vous voir si nombreux sous cette chaleur ! Des jeunes, des vieux et des gens qui viennent du monde entier !« .

photo 4 (1)C’est quand les slogans reprennent que l’organisateur, un grand mec baraqué avec une keffieh au cou, dit aux activistes : « Les services secrets ont décidé de changer l’itinéraire de Barack Obama, il ne rentrera pas par ici, mais continuons !« . Les gens se mettent à crier : « Viva Palestina ! » et « La Palestine doit être libre, des montagnes jusqu’à la mer« . Une palestinienne prend le micro et témoigne, les yeux pleins d’horreur : « Je suis d’Hebron et si on est tous ici aujourd’hui c’est pour les enfants palestiniens qui sont tués chaque jour par l’armée israélienne« .

Finalement, les gens ont tous crié, ironiquement : « Hey Obama, qu’est ce que tu dis ? Combien d’enfants as-tu tué aujourd’hui ?« . Pendant ce temps, Obama, protégé des slogans sismiques, termine son discours. Et puis, il repart comme il est venu, discrètement, par un passage indéterminé, avec ses troupes et ses voitures qui l’isolent du reste du monde. Un dernier dit, en insistant : « Obama a vraiment eu le prix Nobel de la paix ? Vraiment ?« . Et les autres répondent : « On reviendra« .

Mehdi Meklat

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