Marie* est professeur des écoles à Paris. C’est sa deuxième année d’enseignement. Ce métier, elle a toujours rêvé de l’exercer. Mais, elle était loin d’imaginer d’être confrontée à de tels dysfonctionnements. Rencontre.

« Jusqu’au 8 septembre, je n’avais pas de poste ». La rentrée scolaire a commencé tardivement pour Marie. Un peu déçue, car l’an passé, elle avait une classe à l’année, des habitudes de travail. Cette année, c’est très différent.

En avril dernier, elle effectue ses vœux d’affectation. À la fin des vacances scolaires, cette jeune professeur des écoles n’a toujours aucun poste, malgré les différents mouvements d’affectation. « Fin août, j’ai téléphoné à l’inspection académique pour avoir des nouvelles », l’institution lui dit qu’elle est « mise à disposition de circonscription », soit en attente d’un poste.

Quelques jours plus tard, on lui attribue une classe de CM2 « j’ai alors commencé à préparer les cours pour cette classe ». Mauvaise nouvelle, le jour-J, elle apprend qu’elle n’est plus sur ce poste car « réservé aux  TR-Brigades » (les TR-Brigades étant les professeurs assurant des remplacements de longue durée contrairement aux TR-ZIL, qui eux le font pour de courtes durées).

Marie est alors envoyée en petite section en « renfort » une première fois. Puis une deuxième fois, mais en se rendant à son poste elle est contactée en chemin pour le remplacement d’une enseignante malade, pour une durée de deux jours, dans une autre école. La rentrée commence bien, Marie n’est pas au bout de ses surprises.

La semaine suivante une nouvelle affectation lui est attribuée. Elle doit alors compléter des professeurs en temps partiel. L’enseignante a cinq niveaux de classes élémentaires différents, quatre classes et ce, dans trois écoles différentes. « Il faut préparer les leçons, la manière de les aborder avec les élèves, s’occuper de l’organisation de ses journées et tout ce qui est pratique comme les photocopies … et la correction qui prend beaucoup de temps ». C’est tout un programme qu’elle doit préparer pour chacune de ses classes. La charge de travail, le temps de préparation sont important d’autant qu’elle enseigne des matières différentes à chaque classe ou alors une matière à des niveaux distinct.

Chaque jour, Marie enseigne à une classe différente. Cette organisation la déstabilise « je suis là une journée par semaine, je subie l’organisation du prof qui est là dans la semaine. Je ne peux pas organiser ma classe à ma façon et on m’a imposé les matières à enseigner ». Ces conditions de travail ont un impact sur son moral « je ne le vis pas très bien. J’ai commencé l’année en ne voulant pas aller travailler. Certains élèves ne me considèrent pas comme leur prof mais comme leur remplaçante ». Marie doit aussi gérer des classes difficiles, comme la plupart des jeunes enseignants. Elle estime que ces élèves, souvent en difficulté « ont besoin d’un référent et pas de le partager. Ils ne sont pas capables de partager leur affectif au référent […] J’ai du soutient, ce sont des écoles difficiles donc des écoles où on se sert les coudes ».

Malgré tout, Marie est lassée « ce n’est pas comme ça que j’ai envie d’être institutrice. Je n’arrive pas à m’investir. J’ai besoin de reconnaissance et de m’investir pour mes élèves ». Pour elle, le problème est bien plus profond « l’éducation nationale a besoin d’organisation et de réalisme de la profession, d’avoir des profs qui soient sur le terrain » et ajoute « ce n’est pas une question de moyen mais de logistique ».

Sebastien SIHR (secrétaire général du syndicat Snuipp Fsu) connait bien la situation que Marie, et d’autres professeurs des écoles remplaçants subissent. «On demande que ces professeurs aient un allègement de service et qu’ils ne fassent pas les APC  [Ndlr activités pédagogiques complémentaires]», cette mesure s’applique déjà pour les enseignants du second degré selon le syndicaliste. Seulement, pour le moment le ministère « n’a pas répondu positivement ».

 *prénom modifié

 Imane Youssfi

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