Le RER B a longtemps été la vitrine de la région parisienne. Cette ligne parcourt au quotidien près de 80 km en reliant le sud, Saint-Rémy-Lès-Chevreuse ou le nord, l’aéroport Charles-de-Gaulle. Aujourd’hui, la ligne est saturée, les accidents et pannes fréquentes, malgré les rénovations récentes. Pietro Guatieri, conducteur de RER et rédacteur d’un mémoire sur le sujet, nous donne quelques éléments d’explications.

« La B c’est un peu chaotique », résume Pietro Guatieri. Assigné au dépôt de gare du Nord, le conducteur travaille sur les lignes B, D, H et K depuis bientôt 15 ans. « J’ai vu pas mal de choses changer », confirme-t-il notamment sur la ligne du RER B, co-exploitée par la SNCF et la RATP. Plusieurs choses expliquent la dégradation de la ligne selon lui. «  On est resté pendant plus d’une vingtaine d’année dans un état végétatif au niveau du chemin de fer, il y a eu très peu d’investissements, affirme le conducteur. L’Etat s’est désengagé de ses chemins de fer. » Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de près de 30% entre 2000 et 2012 selon ses chiffres.

Parallèlement, le nombre de passagers lui augmente. Chaque jour, plus de 870 000 voyageurs prennent le RER B. Un chiffre qui a augmenté et que le nouveau comptage réalisé récemment devrait bientôt confirmer. « Les gens utilisent de plus en plus le train pour se déplacer dans Paris, affirme Pietro Guatieri. On a transformé la ligne B en grand métro permettant ainsi aux gens les plus proches d’avoir des dessertes cadencées et des trains qui s’arrêtent à toutes les gares. » Un point positif pour les Parisiens intramuros mais qui dessert le reste de la région parisienne selon Pietro Guatieri. « Les voyageurs qui habitent au-delà d’Aulnay-sous-Bois sont moins bien desservis parce que les trains qui étaient semi-directs n’existent plus.  Ils ont très peu de train où ils trouvent des places.  D’ailleurs, dans les rénovations de train on supprime de plus en plus les places assises et ceux qui habitent plus loin sont ‘punis’. La vraie origine du RER, réseau express régional, est dénaturée. »

« On arrive toujours au maximum de ce que l’on peut faire »

Face au constat de multiplication d’incidents techniques – 44% des incidents en 2012 sur la ligne ont été dus à des problèmes d’exploitations – et d’engorgement de la ligne les pouvoirs publics tentent de trouver des solutions : augmentation du nombre de wagons par train, augmentation de la fréquence des trains, construction de garages et des lieux de retournements… Mais pour notre connaisseur de la ligne, le problème est plus compliqué à régler. Il s’agit d’un manque d’investissement mais pas seulement : « On arrive toujours au maximum de ce que l’on peut faire », pose-t-il. Selon lui, la capacité des lignes est quasiment à leur maximum, les trains roulent collés, la seule solution serait pour lui la création de nouvelles voies mais « Paris est un vrai gruyère et construire des tunnels ça coûte cher. »

« Pour l’avenir on se pose des questions, explique ce conducteur de RER. On se rend compte que l’immobilier se développe autour des grandes gares. Je regarde ça avec un œil dubitatif parce que je ne sais pas comment on va pouvoir transporter ces gens. On voit que la ligne est déjà saturée et on construit encore. On est dans une massification de l’habitat dans la petite couronne. » Selon une étude de la chaire « Ville et immobilier» de l’université Paris-Dauphine, la population de Paris intramuros a augmenté de 85 000 habitants entre 1999 et 2008. Selon l’INSEE, l’unité urbaine de Paris est passée de 9 554 192 habitants en 1990 à 10 460 118 en 2010.

Les difficultés rencontrées sur les lignes pèsent sur les voyageurs mais aussi sur les conducteurs. Ils témoignent régulièrement de l’agressivité des voyageurs qui les prennent à partis et parfois viennent même les aborder dans leurs cabines « On sent que les usagers sont énervés par les problèmes de la ligne mais on a l’impression qu’ils sont surtout résignés, souligne Pietro Guatieri. C’est vrai que malheureusement nous on ne peut pas faire grand chose pour eux, on est avec eux dans le même bateau. Pour nous aussi quand la ligne fonctionne mal forcément ça ne va pas. Comme eux on voudrait avoir du matériel neuf, on voudrait avoir des lignes qui fonctionnent bien, rentrer chez nous à l’heure… »

Alternatives

Si l’évolution des conditions de circulations sur les lignes de RER le questionne, ses conditions de travail aussi. Pietro Guatieri revient sur l’évolution de la profession : « Un conducteur c’est fait pour rouler et on se rend compte que maintenant on ne roule pas beaucoup, pas très vite et on s’arrête à tous les arrêts ce qui créé beaucoup de ruptures de séquences, regrette-t-il. Par exemple, sur un aller-retour Saint-Rémy on peut faire jusqu’à 80 arrêts ça commence à  faire beaucoup. C’est dur nerveusement, on est sur des possibilités d’erreurs accrues. »

Si le bilan n’est pas tout rose, son mémoire de près de 200 pages soulève tout de même des propositions. « Une idée que la SNCF étudie depuis plusieurs années est d’étaler les horaires de travail des salariés de la région parisienne afin de lutter contre le phénomène de saturation des transports », écrit-il dans son mémoire. Décaler les horaires d’embauche de 15 à 30 minutes permettrait de décongestionner sensiblement le réseau en heure de pointe, selon la directrice générale SNCF Transilien, Bénédicte Tilloy. Une expérience qui a été réalisée à Rennes et qui « a permis une baisse de 5% du taux de charge durant l’hyper-pointe du matin. » Pietro Guatieri soulève aussi la solution du télétravail. Il en conclut dans son mémoire : « Les déplacements doivent être repensés afin, non pas, d’adapter les réseaux de transports franciliens à une demande sans cesse croissante, mais d’adapter certains de ces déplacements aux capacités maximales de ces réseaux. »

Charlotte Cosset

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