Le monde regorge de collectionneurs en tout genre : timbres, voitures, livres…. Tristan Youn et Nicolas Teris, responsables de l’association Mo5.com se sont intéressés à un type de collection pour le moins originale : celle des jeux vidéos. Interview.

Bonjour, pourriez-vous vous présenter ?

Tristan : Je m’appelle  Tristan Youn, je suis coresponsable avec Nicolas de cette exposition.

Nicolas : Moi c’est Nicolas Teris je suis responsable du programme médiathèque pour l’association MO5.com et co-responsable pour l’exposition du Paris Games Week cette année.

En quoi consiste votre association ?

Tristan : MO5.com est une association de collectionneurs rétro. Le but de cette association est d’ouvrir à terme un musée de l’informatique et du jeu vidéo. On considère qu’il est nécessaire de préserver la mémoire de tous les jeux vidéo et de l’informatique que les gens ont connu et dont ils se sont servis. On s’est rendu compte qu’il y a quelques collectionneurs privés qui gardent leur collection pour eux. Nous souhaitons partager notre savoir, nos connaissances et nos machines.

Quel est votre fonctionnement ?

T : Comme toute association on fonctionne avec des bénévoles. Les gens viennent quand ils peuvent et font ce qu’ils peuvent.

A quelle(s) manifestation(s) êtes-vous présent ?

T : Tous les ans on est présent à la Japan Expo, Paris Games Week ainsi qu’au Video Games Live cette année.

Nicolas : Ça dépend des événements. Parfois on peut être invité comme ça a été le cas il y a deux ans à la Gamescom (salon allemand de jeux vidéo). Les jeux vidéo français étaient à l’honneur, donc on nous a demandé de venir faire un stand de jeux rétros avec des jeux fran7 notamment. Sinon on organise beaucoup d’expositions dans les médiathèques, des animations, des événements organisés par les équipes culturelles pour permettre au public de retrouver les sensations des anciennes consoles.

À ces différentes occasions, comment s’opère le choix des jeux ?

T : Ça dépend qui nous contacte. On peut avoir carte blanche auquel cas c’est moi qui choisis les machines et les jeux, soit on nous indique un thème et parfois on nous demande des machines et des jeux bien précis.

Comment s’est déroulé votre exposition à la Paris Games Week ?

T : On a voulu faire un mini-Game Story. Game Story c’était une exposition au Grand Palais il y a trois ans. Il s’agit de notre plus grosse exposition. On a souhaité faire quelque chose dans le même thème, c’est-à-dire qui s’étalerait sur toute l’histoire du jeu vidéo. On a voulu remettre les jeux et les machines qu’on a dans le contexte de l’époque.

Le succès a semble-t-il été au rendez-vous. Quelle a été la suite ?

T : La suite ça va être encore des expos comme, Paris Games Week, Japan Expo, etc. Après on a un travail de fond qui est la création d’un musée des loisirs numériques consacré aux jeux vidéo, à l’informatique etc.

N : La suite directe aussi c’est que Game Story s’est exporté au Canada, au musée de la civilisation. C’est un Game Story adapté au Canada avec des machines qu’on ne trouve entre autres qu’aux États-Unis et au Canada. D’autres pays sont intéressés. Si les choses se font on essaiera de s’adapter avec les machines locales qu’il y a sur place.

Préserver le patrimoine vidéo-ludique, est-ce un objectif réaliste ? N’y a-t-il pas déjà des jeux perdus à tout jamais ?

T : Il y a sûrement des machines parmi les toutes premières qui ne fonctionnent plus et qu’on ne peut pas réparer, soit parce qu’on n’a pas ce qu’il faut, soit parce qu’on n’a pas les connaissances. Mais même si on nous n’avons pas tout ce qui existe, on en a une grande partie. Donc ça permet de garder en mémoire ce qu’a été le jeu vidéo à telle époque. Par exemple par rapport aux années 1970, même si on n’a pas toutes les machines qui ont pu exister à cette époque, on en a une très grosse partie. Ça permet quand même de savoir ce qu’était le jeu vidéo à cette époque.

N : Après le problème c’est qu’effectivement il y a des machines et des jeux qu’on ne retrouvera sans doute jamais. Il y a des éditeurs qui ne gardent pas de traces de leur travail. Une fois qu’un jeu est sorti, ils passent rapidement à autre chose. Certains éditeurs nous ont contacté pour organiser un événement autour de l’anniversaire de l’une de leurs mascottes parce qu’ils n’avaient pas conservé d’archive autour de ce personnage.

L’industrie du jeu vidéo tend vers la dématérialisation ? Que pensez-vous de cette tendance ?

T : En tant que joueur ça m’intéresse parce que ça me permet d’avoir des jeux sans avoir à les pré-commander dans un magasin. Ça peut être difficile de les trouver en version physique. Par contre, en tant que collectionneur ce n’est pas quelque chose que je vois d’un bon œil car il faut d’abord acheter la version numérique et si c’est possible la conserver sur un support physique qui lui ne va pas forcément bien vieillir. Si on se procure sur ordinateur un jeu qui n’existe qu’en version numérique et qu’on le garde sur un disque dur, il n’est pas dit que le disque dur vieillisse bien et que d’ici cinq ou dix ans il soit toujours utilisable. Comme on n’a pas de recul, c’est un risque à prendre pour la préservation de ces œuvres.

N : Avec le numérique aujourd’hui la préservation est virtuelle. On n’est plus maître du stockage. Tout se stocke en ligne et il suffit que le propriétaire de cet espace de stockage décide de tout fermer pour que tout disparaisse en même temps.

Qui est susceptible d’être intéressé par l’association MO5 ?

T : Tout le monde, toutes les personnes qui s’intéressent un minimum à l’histoire des jeux vidéo, toutes les personnes qui sont nostalgiques ou qui voudraient découvrir. On a des membres très jeunes qui ont 14-15 ans et qui adorent ce qu’on fait car ça leur permet de découvrir à quoi jouaient leurs parents à leur âge. Toutes les personnes peuvent être intéressées, même celles qui ne sont pas joueuses. Je me souviens de familles qui venaient à Game Story parce que les enfants voulaient y aller et les parents ont découvert ce qu’était le jeu vidéo dans son ensemble. Ils ont trouvé ça intéressant même s’ils n’étaient pas joueurs. C’est de la culture populaire.

N : On retrouve souvent sur les expos des parents qui montrent à leurs enfant à quoi ils jouaient quand ils étaient plus jeunes. Du coup l’association peut intéresser tout le monde et être une porte d’entrée dans l’univers du jeu vidéo qui est souvent aujourd’hui décontextualisé. Quand un gros jeu sort, la communication n’est pas faite sur toute la culture qui va avec. Quand on met en avant nos machines et nos jeux, on essaye de les contextualiser dans leur époques ou leurs thématiques.

Pensez-vous pouvoir donner aux adultes l’envie de découvrir des jeux ou de s’y remettre ?

T : Ça dépend des expositions. Par exemple à Geekopolis on a fait une exposition avec pour thème Alien. Beaucoup de gens ont découvert des jeux sur les extraterrestres qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils ont trouvé géniaux. C’est aussi une partie de notre mission de faire découvrir aux gens des œuvres numériques qu’ils ne connaissaient pas.

N : Sur les expositions il y a des gens qui terminent un jeu, retournent au salon, jouent et se disent que ça peut être intéressant. Après soit chez eux ils essayent de retrouver le jeu, parfois il y a,  je l’espère, des parents qui ressortent leur vieille console pour faire des parties plus longues ou faire découvrir des jeux à leurs enfants.

Quelle est votre madeleine de Proust et pourquoi ?

T : Je dirai le premier Sonic sur Mégadrive. Ce n’était pas mon premier jeu mais c’est le premier jeu et la première machine qu’on m’a offert. Ma première console à moi.

N : Je dirai Super Mario Land sur Game Boy, sans doute parce que cette console a été l’une des premières que j’ai possédé et que ce jeu a été l’un des premiers que j’ai terminé en battant ma grande sœur. C’était donc une fierté.

Propos recueillis par Olufemi Ajayi

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