Dans le cadre de la journée internationale des Roms le 8 avril dernier, Amnesty International France a organisé pour la 2ème édition, le 11 avril, un événement festif et militant sur la place de la Bastille. De 14h30-16 h30, des personnalités politiques, des artistes et des Roms ont pris la parole pour témoigner de leurs parcours afin de lutter contre les préjugés. L’intérêt d’un tel événement est de donner une vraie place aux Roms, que ce soit en matière de logement, d’emploi et de droits. Ils veulent simplement croire en l’avenir, ni plus et ni moins.
En Europe, il y aurait entre 7 et 10 millions de Roms et 18 000 dans l’Hexagone. Pour la petite histoire, c’est lors du premier Congrès mondial tzigane d’avril 1971 à Londres que la communauté a choisi le 8 avril comme date de célébration pour l’ensemble de la communauté Rom dans le monde. Une opportunité de faire connaître la culture et leur histoire, très méconnue des Européens.
Dès 14h30, l’orchestre d’origine bulgare l’Orchestra Chakaraka a démarré en fanfare. Attirés par la musique, les passants se sont arrêtés rapidement près de la scène pour voir le chanteur emblématique surnommé « Gocho », de son vrai nom Georgi Gadzeh. Cet orchestre créé en 2011, est composé de 7 musiciens vivant pour la plupart dans des squats (caravanes ou cabanes). En sortant de scène, Gocho a laissé la place à d’autres intervenants tels que Sarah Nemtanu violoniste franco-roumaine. On a pu ainsi écouter le témoignage musical de Spartacus Dumitru, jeune héros du film Spartacus et Cassandra, lycéen et militant pour l’association la voix des Roms. Côté politique, Didier Guillaume maire de Choisy-le-Roi (Val de Marne) s’est exprimé sur son projet d’insertion pour une vingtaine de famille Roms. Autre prise de parole celle d’Aline Archimbaud, sénatrice de Seine-Saint-Denis engagée pour l’insertion des Roms.
« C’est très impressionnant quand les policiers arrivent en masse »
IMG_20150411_151549Retour sur le parcours de Gocho sans trop rentrer dans le détail, il raconte son arrivé en France. Il montre au début quelques signes de timide et d’hésitation, mais il se lance : « ça fait 14 ans que je suis en France plus exactement le 7 janvier 2000. Je suis venu seul et j’ai vécu durant 7 ans à Toulouse. Aujourd’hui, je vis depuis 2007 près de Bordeaux. Nous vivons dans des caravanes. Je travaillais à l’époque comme ferrailleur. Il y a encore 15 jours, je vivais sur un terrain. Nous étions 150 personnes ». Gocho a été désigné comme « chef du clan », car c’est lui qui s’exprime le mieux en français. « Nous avions de l’eau et de l’électricité. Mais le 29 mars dernier, la police est venue à 6h du matin pour nous expulser. Une partie des personnes sont parties vivre à plusieurs dizaines de kilomètres et l’autre est restée en banlieue bordelaise. Nous avons trouvé un autre terrain qui se trouve face d’un cimetière. Nous avons de l’eau et mardi  prochain sera posée l’électricité, et nous attendons les bennes à ordures ce week-end normalement ». Pour  Gocho et les membres de sa communauté, les expulsions sont très difficiles à vivre au quotidien. Ils vivent perpétuellement dans la peur. « C’est très impressionnant quand les policiers arrivent en masse » explique-t-il. Gocho a 42 ans, il a une femme et 3 enfants. Il y a aussi sa mère et 4 petits-enfants. Etant le seul à travailler, il a en charge toute la famille. Aujourd’hui, il est traducteur pour le cinéma et chanteur dans Orchestra Chakaraka.
Dans le public, un visage familier, c’est celui de Véronique Decker qui n’est autre que la directrice de l’école élémentaire Marie Curie à Bobigny (93). Cette femme milite pour la cause des Roms depuis des années. Nous avions l’occasion de se rencontrer l’année dernière lors de l’hommage rendue à Melisa, une fillette de 8 ans, décédée en février 2014 dans un incendie. En février dernier, les parents sont revenus dans leur ancien campement pour lui rendre hommage, même si sa sépulture se trouve en Bulgarie. Et si cette directrice d’école est venue participer à cet événement d’Amnesty International c’est pour faire passer un message : « je pense qu’il est important de rappeler que l’intégration est l’une des tâches de la France à l’égard de tous ceux qui la rejoignent et que l’esprit du 11 janvier dernier doit venir jusqu’à l’intégration des Roms. Cette communauté est mal considérée en France. Les derniers arrivants sont toujours rejetés par ceux qui les ont précédés. Il y a 50 ans, on traitait les Arabes de “crouillat”, et bien maintenant on demande des autobus spéciaux ».  Elle fait référence à la polémique retentissante qui a eu lieu à Montpellier, où un délégué syndicat FO a proposé une navette spéciale pour les Roms.
« Nous ne connaissons pas très bien nos droits »
Dans son intervention Jacques Debot, « écrivain manouche » comme il se définit, est fervent militant de la cause Rom : « Je n’ai pas pu écrire de discours aujourd’hui, car hier j’ai dû écrire un courrier contre cet abruti de chauffeur de bus de Montpellier qui a voulu faire un bus pour les Roms, car parait-il que les Roms sentent mauvais et qu’il faudrait une navette spéciale. J’ai donc appelé le syndicat et j’ai eu un responsable. Je lui informe que cette affaire avait fait du bruit au niveau européen. Je lui demande si Jean-Claude Mailly [Secrétaire Général du syndicat Force Ouvrière] est au courant de cette polémique, le responsable au téléphone me dit, on ne va pas mêler Jean-Claude Mailly. Ce responsable me dit que peut-être Dominique Granier n’avait pas dit cela ; et j’ai donc appelé le journal la Gazette qui me dit que sur cette histoire leur dossier est en béton et que lors de l’interview de Dominique Granier, ils lui ont fait répéter plusieurs fois sur ses propos et qu’il les avait bien maintenus. Vous pouvez lire mon courrier sur le site de Mediapart. En tout cas, on n’a pas entendu Jean-Claude Mailly sur cette affaire » conclut-il.
Liliana Hristache, présidente de l’association Roms Réussite (Montreuil) porte une tenue traditionnelle colorée et un foulard attaché pour maintenir ses cheveux longs. Elle prend la parole avec aisance et détermination : « Je suis arrivée en France en 2004 avec ma famille, mais cela a été dur de s’intégrer. J’ai vécu plusieurs expulsions dans des bidonvilles. On a également vécu la mendicité et le travail difficile. Dans les cabanes, nous étions sans eau et sans électricité. Que ce soit sur les terrains ou dans les cabanes les conditions de vies sont difficiles notamment quand la police arrive à 5h du mat en nombre conséquent et frappe pour nous dire de sortir sans nous laisser prendre nos affaires. Une fois ma fille a oublié sa peluche dans la cabane, la police ne nous a pas laisser la récupérer ».
Elle ajoute : « Cet événement a été difficile à surmonter, ma fille a beaucoup souffert. Et, c’est pour cela que j’ai décidé de créer une structure associative afin de soutenir ma communauté, mais cela ne se fera pas sans votre aide. Nous avons besoin aussi d’autres associations et des collectivités locales, car sans toutes ces structures, nous n’allons pas  réussir ».  Elle ajoute : « Nous ne connaissons pas très bien nos droits et c’est pour cela que nous n’entendons pas réclamer nos droits. C’est pourquoi avec votre aide, nous allons réussir l’intégration des Roms en France et dans le monde entier ».
Hana Ferroudj

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