Le collège Lavoisier, à Pantin (93), compte 718 élèves dont 100 sont répartis dans cinq classes de Segpa (Section d’enseignement général et professionnel adapté) pour les élèves en difficulté. Depuis 2007, les enseignants de l’établissement se battent pour avoir deux postes de CPE (Conseiller principal d’éducation) titulaires à temps plein. Comme tous les ans maintenant, mais plus encore cette année devant cette situation qui n’évolue pas, les professeurs se sont mis en grève le 13 avril et ont été soutenus dès le lendemain par les parents pour une opération « collège sans élèves » de trois jours durant lesquels aucun cours n’a été assuré.
Une délégation de parents et d’enseignants a été reçue par la DSDEN (Direction des services de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis) qui a considéré que le collège était suffisamment doté. Après une nouvelle manifestation devant le rectorat le mercredi 6 mai, la mobilisation se poursuit, un préavis de grève reconductible a été déposé pour le 20 mai.
700 élèves, pour un CPE
« Les élèves de Segpa ne sont pas comptabilisés dans les chiffres du rectorat pour l’attribution des CPE. Selon lui, nous avons 618 élèves, plus ces derniers qui sont censés être dirigés par le directeur de la Segpa », explique François Barge-Prieur, jeune professeur de mathématiques. « Ceci dit, dans les textes, un CPE c’est jusqu’à 600 élèves ». La mobilisation est ancienne et cyclique. « On se bat pour un CPE qui ne soit pas un remplaçant. Chaque année depuis huit ans, nous sommes obligés de nous mobiliser, et on obtient juste le renouvellement d’un second CPE stagiaire sur un an ». Ce poste est central dans la vie du collège, « il est le garant de la bonne gestion de l’établissement, et le superviseur direct de tous les assistants d’éducation ». Il gère aussi les moments de vie scolaire entre les cours.
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Céline Guyot, membre de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) abonde dans ce sens. « Il s’occupe de tout ce qui se passe à l’extérieur de la classe, les temps de cantine, de permanence, les intercours, à l’aide d’une équipe de surveillants ». Il fait de la discipline, donc, mais pas seulement, « il a également un travail d’information, on a des petits de sixième qui ont besoin d’être renseignés. Il appelle les parents en cas d’absence. C’est très compliqué de gérer 700 élèves et de s’occuper d’une équipe de surveillants quand vous êtes tout seul ».
Une chance pour l’établissement, depuis quelques années, le même CPE vacataire était renouvelé. Hélas, il a obtenu le concours, et cette fois ci son contrat n’a pas eu de suite. Pour elle, au delà de la situation du collège, il existe une réelle inégalité territoriale. « En Seine-Saint-Denis, le ratio est de 600 élèves pour un poste alors que sur Paris on voit des collèges qui ont deux CPE pour 400 élèves ».
Selon François Barge-Prieur, Lavoisier est « un exemple de collège qui fonctionne sur un modèle de mixité sociale ». D’après les enseignants, les populations aisées n’ont que peu développé les stratégies d’évitement tant décrites par les sociologues de l’éducation. Malgré tout, le manque de moyens se fait sentir. L’établissement n’entre pas dans le cadre des politiques d’éducation prioritaire « A l’échelle de Pantin, on est un collège plutôt favorisé. On est exactement à la frontière, pas assez « pauvres » pour rentrer dans les dispositifs REP [Réseau d’éducation prioritaire], et du coup on ne bénéficie d’aucune aide » ajoute-t-il.
Un collège qui va bien
Au-delà de cette revendication, les parents d’élèves se plaignent d’un problème bien connu à l’école en Seine-Saint-Denis, le non remplacement des enseignants absents. « A l’heure actuelle, au collège Lavoisier il y a 2000 heures d’absence par an. Cela représente trois semaines par classes » déclare Céline Guyot. Par ailleurs, la professeure de latin, partie en congé maternité, n’a pas été remplacée pendant deux mois, et aucun cours n’a pu être assuré. « On ne comprend pas comment il est possible qu’une institution ne soit pas en mesure de répondre à des absences longues durée prévisible. On s’est rendu compte qu’il y avait les TZR [Titulaires sur Zone de Remplacement], mais dans le département il y en a très peu, et beaucoup sont utilisés sur des postes à temps complet, on en a d’ailleurs deux sur l’établissement. Après une mobilisation très forte des parents, on a trouvé un étudiant stagiaire qui va à mi-temps donner des cours de latin », tempête-t-elle.
Parents et enseignants se retrouvent donc dans cette lutte, mais les doléances, au fond, sont diverses, comme dans de nombreux collèges de Seine-Saint-Denis. Céline Guyot conclut en affirmant : « On défend un établissement public de qualité et ça nous rend tristes de voir à quel point on laisse partir un collège qui va bien ».
Mathieu Blard

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