Yanis a enfin trouvé une école, après des semaines d’angoisse et de recherches. Entre les blagues scientifiques et les fashion victimes BCBG, Yanis doit maintenant se faire sa place. 
Patience. Persévérance. Voilà les mots d’ordre qui ont hanté l’esprit de Yanis ces dernières semaines, « c’était mental, hein ». A quelques jours de la rentrée, il n’était affecté dans aucun établissement. Son excellent dossier scolaire et sa mention bien au bac n’y faisaient rien. Rentré de vacance plus tôt, il a sillonné les lycées proposant des prépas MPSI (mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur) : « à chaque fois je faisais la queue, à chaque fois j’expliquais ma situation, à chaque fois je déposais mon dossier dans un tas d’autres dossiers et à chaque fois on me disait qu’on me rappellerait si une place venait à se libérer ».
Le mardi précédent celui de la rentrée, il effectue sa ronde quotidienne des lycées parisiens. Alors qu’il s’apprête à reprendre les transports pour rentrer chez lui, il se rend compte qu’il est tout proche d’un lycée proposant la prépa qu’il convoite et qu’il lui reste la photocopie d’un dossier. Sa mère, présente dans ce périple, lui propose de déposer ce dossier qui leur reste entre les mains. Après tout ça ne coûte rien, enfin si : ce lycée est privé et l’année coûte 2 500 euros.
La secrétaire de la prépa le reçoit. Il lui déballe son discours qu’il connaît, à force, par cœur. De son côté, elle lui répète la même chose : qu’elle est désolée, mais qu’il n’y a plus de place au sein de la prépa. Sans grande surprise. Néanmois, cette fois elle prend la peine d’ouvrir le dossier de Yanis avant de le mettre dans la pile. « Elle était d’emblée très agréable et compatissante, mais quand elle a pris connaissance de mes notes, elle s’est montrée encore plus ouverte à une possible évaluation du dossier ». C’est ainsi qu’elle a négocié un entretien avec la proviseure de l’établissement. Au cours de ce rendez-vous, Yanis a de nouveau mis sa motivation, ses notes et sa détresse sur la table.
Un professeur de mathématique rejoint Yanis et la proviseure, il décrypte le bulletin et confirme que Yanis a « largement » le niveau pour intégrer cette prépa : « c’est bête hein, mais ça faisait pas de mal de l’entendre de la bouche d’un prof parce que la situation a fait que, j’avoue, j’ai un peu perdu confiance en moi ces dernières semaines ». Suite a cet entretien, Yanis comprend qu’il a moyen d’intégrer cette prépa, mais le problème reste le même : son admission au sein de cet établissement dépendra du désistement d’un autre étudiant.
Vendredi. 14H30. Le téléphone sonne, il s’agit du lycée qu’il a visité mardi : « Monsieur *** j’ai le plaisir de vous annoncer qu’une place s’est libérée dans notre lycée ». Joie. Satisfaction. Bonheur. Paix. Soulagement. Il faut s’y rendre au plus vite pour effectuer l’inscription. Il y est dans l’heure :« je n’ai jamais foncé à l’école aussi rapidement ! ».Yanis dispose d’un établissement, enfin.
Le même jour, un autre lycée l’a également contacté. Celui-ci était public. D’un point de vue financier c’était forcément plus intéressant, mais concernant le trajet quotidien, c’était tout autre chose : 35 minutes supplémentaires (sans compter les problèmes techniques, les malaises de voyageurs, les colis suspects, les intempéries, les obus de la Seconde Guerre mondiale, les présences de chameaux sur les voies).
Un curé et un dress-code
Lundi. Une réunion de prérentrée est organisée. Les hostilités commencent par le directeur qui souhaite la bienvenue aux nouveaux étudiants. Jusqu’ici rien de surprenant. Le micro passe alors entre les mains… du prêtre de l’établissement. « À partir de ce moment-là, on m’a perdu, s’amuse Yanis, j’étais conscient du fait que c’était une école “de tradition catholique”, mais je pensais que ce n’était qu’une appellation. En soit, ça ne change strictement rien à mon cursus, mais j’étais pas prêt quoi ». Puis, comme dans n’importe quelle réunion de prérentrée, la parole est donnée aux profs, aux secrétaires, qui expliquent rapidement le déroulement de l’année, blablabla.
Lors de cette réunion, Yanis rencontre pour la première fois ses futurs camarades. D’après ses dires, la règle du masculin qui l’emporte n’a jamais été aussi confirmée qu’en milieu scientifique. Dans sa classe, on compte 6 filles pour 39 garçons. Il constate que ses camarades de classe ne lui ressemblent pas tellement culturellement et socialement parlant. « Je ne critique pas hein, je constate c’est tout » prévient Yanis. À 17 ans, il s’habille au lycée comme il s’habille dans la vie : t-shirt, sweats, jeans, baskets. En somme, le look basique d’un jeune de son âge. Et pourtant, « dans ce lycée, certains des mecs sont en mocassins, chemise, pull col V au-dessus de la chemise quand il fait frais ».
Dès le lendemain, les cours démarrent. Yanis fait alors plus ample connaissance avec ses camarades croisés la veille lors de la prérentrée. Comme tout premier jour qui se respecte, les discussions tournent, pour la plupart, autour de banalités : sympathie des profs, contenu des assiettes à la cantine, temps passé dans les transports. À ce propos, Yanis est amené à expliquer qu’il n’habite pas Paris intramuros, mais de l’autre côté du périphérique. Et il n’est pas le seul. Plusieurs camarades se manifestent. Géographiquement, il est vrai qu’ils habitent également de l’autre côté du périphérique. Économiquement, cette périphérie se montre plus prospère : Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret, Issy-les-Moulineaux.
Ces divergences sociales n’intimident pas pour autant la détermination de l’intéressé : « à partir du moment où il y a moyen de bien s’entendre et de travailler efficacement, que les mecs soient habillés en The Kooples, en survêt Tachinni ou en kilt, au fond ça ne change rien ».
Sarah Ichou

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