« Je suis un homme parmi 7 milliards d’autres. Depuis 40 ans, je photographie notre planète et la diversité humaine et j’ai le sentiment que l’humanité n’avance pas. On n’arrive toujours pas à vivre ensemble. Pourquoi ?». Yann Arthus-Bertrand nous apporte sa réponse en 3h11. Avec Human, le réalisateur a la prétention de dévoiler le visage de l’humanité à travers une multitude de témoignages.
L’amour occupe une place centrale dans les déclarations. Ce sentiment dit universel est présenté sous toutes ses formes. Lorsqu’un jeune s’émeut en racontant un dîner de famille, le discours se veut anecdotique. Nous nous étonnons ensuite de voir une dame rire de son divorce et de sa liberté retrouvée. Les invités se suivent, si différents, mais si semblables. La thématique est déclinée selon les vécus et les cultures des protagonistes. La folle allure à laquelle se chevauchent tranches de vie anodines et grandes épopées font la force et la faiblesse de ce film.
« Mon mari a deux femmes » annonce une femme africaine alors que l’on s’endormait presque. Celle-ci se réjouit du fait qu’elle s’entende bien avec la deuxième moitié de son époux. Cette réalité insoutenable pour certains devient alors le quotidien assumé d’autres. Le spectateur ne peut qu’écouter sans juger.
Katie, une trentenaire américaine, nous invite dans son intimité. Celle-ci nous parle de « l’amour de sa vie » : Jen. Katie est lesbienne bien qu’elle ait prié chaque jour afin de ne pas l’être. Son père disait en effet des homosexuels qu’ils finiraient en enfer. Dans ce panorama, Yann Arthus-Bertrand donne la parole à ceux que la société tente de faire taire. Ainsi, le reporter offre notamment la chance à une prostituée de nous expliquer ses choix, ses raisons. Il est une nouvelle fois question d’amour. Cet amour porté à ses enfants qu’elle doit nourrir par tous les moyens. Bien que le sujet soit tabou, nous nous retrouvons contraints de comprendre.
Parce que l’amour des siens devient parfois la haine des autres, le documentaire n’omet pas de dresser des portraits moins lisses. Une épouse qui sourit en parlant de son défunt mari qu’elle a assassiné. Un frère qui se réjouit du nombre de personnes qu’il tue en hommage à son benjamin.
Le documentaire se veut moins lyrique et plus actuel lorsqu’il traite du contexte politique de notre époque. Human prouve que derrière chaque arme se trouve un être. Des humains  emportés par des envies de vengeance. « Je n’ai pas peur de la mort si c’est au nom de mon père ou pour la Syrie ». Ce discours déstabilisant est tenu par un enfant d’une dizaine d’années, devenu machine de guerre.
« La vie est déjà finie »
Yann Bertrand joue avec les images. Sa théorie du « vivre ensemble » ressemble presque à une jolie propagande. En dressant côte à côte les témoignages d’un père israélien et d’un père palestinien, le réalisateur éveille les consciences. Deux pères de deux camps ennemis qui souffrent de la perte de leurs enfants, mais qui choisissent tous les deux de ne pas céder à la revanche. La symbolique est si mignonne que l’on n’y adhère sur le moment. Le message est si simpliste qu’il s’oubliera rapidement.
« C’est dans mon sang de partir, cela vaut le coup ! » clame un migrant nord-africain. Une nouvelle fois, les témoignages ont un écho particulier. Les mots sont justes, car dits avec le cœur. Un réfugié afghan résume la problématique : « Où est mon pays ? C’est un champ de bataille. Je ne demande pas votre aide. Laissez-moi simplement vivre. »
Les inégalités entre le Nord et le Sud sont au cœur des débats. L’argent est un sujet moins tabou pour ceux qui n’en ont pas. Un vieil homme africain offre une citation émouvante, car authentique. Il analyse sa situation d’agriculteur précaire par ces termes : « La vie est déjà finie ». Human offre un autre regard sur cette Terre qu’on ne voit qu’à travers les yeux de l’Occident. Une représentante de ce tiers-monde demande de l’aide aux « leaders de ce monde ». Sa plainte est suivie d’une courte vidéo où l’on observe une multitude de tours s’élevant jusqu’au ciel. Voici notre supposée réussite.
La leçon de vie touche presque à sa fin. Le coup de grâce arrive au moment où est posée la question de son sens. Les paroles sont touchantes. À ce moment précis l’envie de parler à ces sages nous envahit. Les personnes à l’écran semblent plus belles et plus sincères que nous. Comme s’ils étaient ce que nous ne sommes plus : humains.
« On a parlé de paix, tout est dit » est le point à la ligne. Tout au long de ce documentaire, le spectateur se retrouve face à des regards poignants, incisifs. Face à des personnes qui sont nos reflets, mais que l’on voit comme des obstacles à notre bonheur. Une réelle envie de changer les choses s’empare de nous durant ces trois heures. L’espoir d’être un « citoyen du monde » nous galvanise. Puis, la lumière du cinéma se rallume. Notre conscience s’éteint et nos défauts réapparaissent. Les rares spectateurs de ce documentaire en réalité fictif se lèvent à l’unisson puis se dispersent sans un regard, sans un au revoir. Human est une utopie.
Oumar Diawara

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