Crèmes, rouges à lèvres, mascaras… Charlotte a joué la cobaye, en acceptant des tests in vivo de produits cosmétiques. Et voici comment cela se passe.
Avant que vous achetiez tous vos produits favoris et les dernières nouveautés, les cosmétiques sont testés sur des personnes. J’ai été l’une d’entre elle. Payés 20 euros de l’heure, ces tests m’ont permis d’arrondir des fins de mois parfois difficiles.
Arrivée à Paris, les débuts n’ont pas été simples : pas beaucoup de travail et beaucoup de frais. Pour gagner un peu d’argent facilement, sur les conseils d’une amie, je me suis inscrite pour réaliser des tests cosmétiques pour une grande entreprise française.
Les démarches sont très simples. On s’enregistre sur un site pour devenir « volontaire ». Une fois inscrit dans la base de données, un rendez-vous est fixé pour une visite médicale. Après vérification de votre santé et de l’état de votre peau, une sorte de fiche technique est remplie : la couleur de votre épiderme, votre réactivité au soleil, votre capacité à courir sur un tapis (pour des tests sur la transpiration oui oui)… Puis, un premier mail tombe. « Vous êtes sélectionnée pour l’étude ». C’est parti !
Dans la salle d’attente blanche immaculée, je suis étonnée par la grande diversité du « panel », comme l’indique l’institut. Blanches, noires, métisses, jeunes, vieilles… De l’étudiante en galère à la mère de famille, les volontaires viennent de milieux très différents mais toutes ont la même motivation : gagner de l’argent et vite.
Lors d’un test sur la tenue d’un gloss, nous sommes convoquées pour trois heures. En attendant, je bois un verre d’eau. Malheureuse ! Une ancienne me gronde. Interdiction de boire un quart d’heure avant le début des tests… La jeune femme chargée des tests nous rejoints. Elle nous applique le produit sur les lèvres, puis photo de la bouche, attente, photo de la bouche, prise d’une boisson, photo de la bouche, ingestion d’un sandwich et d’une pomme, photo de la bouche. C’est fini.
Durant ces trois heures assez longues, une quinzaine de femmes sont réunies dans une même pièce. Nous sommes toutes affublées d’un rouge à lèvres violet qui ferait peur à la plus entreprenante des cagoles.
Il y a les habituées, les « anciennes », qui sont souvent femmes au foyer ou à la retraite. Très disponibles, elles s’inscrivent à un maximum de tests qui leurs sont proposés. Elles s’embrassent, se racontent les dernières nouvelles. Jacqueline, une maman active, explique à renfort de grands gestes et de rires combien elle se sent mieux depuis qu’elle a quitté son mari. Elle exhibe des photos de son nouvel appartement en cours de rénovation. Gênée mais malgré tout captivée, j’ai envie d’en savoir plus. « Là, c’est la salle de bain. J’ai fait sauter la baignoire et il va y avoir une douche à la place », détaille fièrement la blonde.
Un groupe de femmes voilées discutent sur le prix des produits alimentaires et échangent leurs bons plans. Au milieu d’elles, une sexagénaire BCBG prend part à la conversation et donne son point de vue sur les aliments choisis par ses amies d’un après-midi. Elle est en train de lire un livre détaillé sur l’apport de chaque fruit et légume pour l’organisme. Elle passe pour l’intello du groupe. L’une d’entre elle, intriguée par mon ordinateur me demande ce que je fais. Elle me demande si je ne sais pas où trouver un stage dans l’informatique pour son fils.
Une quadragénaire qui travaille pour la SNCF se plaint à qui veut bien l’entendre de ses conditions de travail terribles et de son petit pavillon de la Garennes Colombes. Car oui, elle aussi vit en banlieue… S’ensuivent des propos plus croustillants les uns que les autres : la France aide trop les gens, les allocations sont données à n’importe qui, la gauche au pouvoir fait n’importe quoi… Dans un coin, une jeune qui vient pour la première fois pique du nez dans un magazine.
La dernière photo sonne la fin du test. Tout le monde se précipite alors à l’extérieur (après avoir soigneusement enlevé ce truc infâme et collant des lèvres), pour s’en retourner à ses activités…
Charlotte COSSET

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