À la veille de l’examen par le Sénat d’une proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, nous avons examiné de près le Manifeste contre le gaspillage d’Arash Derambarsh.

« Que faut-il pour changer le monde ? Une idée » écrit Mathieu Kassovitz en préface du Manifeste contre le gaspillage d’Arash Derambarsh. Dans ces pages, l’acteur n’hésite pas à comparer son « petit frère » à Coluche. « Je suis gêné par cette comparaison. Je ne fais pas pas ça pour la gloire, je ne veux qu’aider les gens » avoue de son côté celui qui porte ce projet solidaire depuis plus d’un an.

Il est vrai que la personnalité de l’homme prête parfois à confusion. Présenté comme naïf, attachant mais borné jusqu’à en être agaçant, Arash Derambarsh déborde d’énergie lorsqu’il s’agit de défendre la cause pour laquelle il lutte. Dans son ouvrage, il rappelle la triste réalité du gaspillage alimentaire en quelques chiffres alarmants. Parfois répétitifs, voire approximatifs, ils expriment néanmoins un problème majeur : « un tiers de la production totale de nourriture de la planète passe à la poubelle », « 40 kilos de denrées consommables sont jetés quotidiennement par chaque supermarché » ou encore « 800 000 euros de nourriture partent à la poubelle ». À ces chiffres vertigineux viennent répondre les 753 000 signatures européennes de la pétition « Mettons fin au gâchis alimentaire » lancée sur Change.org.

Des desseins politiques ?

Certaines mauvaises langues prêtent à l’auteur de ce manifeste un engagement intéressé, une volonté de se mettre en avant afin de gravir plus rapidement les échelons du monde politique. Souhaitant être le plus transparent possible, le conseiller municipal se défend : « je n’ai aucun mandat, je touche zéro euro et je n’ai aucun pouvoir, hormis d’être conseiller. Je ne me suis pas présenté aux élections départementales des Républicains. Mon rendez-vous est pris pour 2020 avec les Municipales de Courbevoie, en attendant, je travaille ». Lorsque l’on pointe du doigt le titre « Comment j’ai fait plier la grande distribution en quatre mois » présent dans son manifeste, l’homme ne joue pas dans la fausse modestie. « Pourquoi mentir ? J’ai fait plier la grande distribution. Au début j’étais tout seul, pourquoi aurais-je honte de le dire ? Léa Salamé, dans On n’est pas couché, m’a reproché d’être nombriliste alors qu’il y a cinq pages de remerciements dans mon livre » se justifie-t-il. Il est vrai que l’auteur compte de nombreuses personnalités parmi ses soutiens. Sont ainsi cités, entre autres, Johnny Hallyday, Omar Sy ou encore Youri Djorkaeff.

Couv-PrixSi son engagement en politique dérange, Arash Derambarsh se justifie en expliquant qu’il ne souhaite « qu’éveiller les consciences des citoyens » et regrette l’attitude de certains de ses confrères : « certains élus pensent plus à leur poste qu’aux gens. Ils ne veulent pas céder la place aux plus jeunes ». Des jeunes qui, comme lui, font preuve d’acharnement pour arriver à leur fin.

« J’ai voulu créer un cadre légal pour notre action en demandant que les supermarchés aient l’obligation de donner leurs invendus à l’association de leur choix au lieu de les jeter » explique l’auteur de 36 ans dans son Manifeste. La loi qui sera votée demain ne concernera que 5% des producteurs de déchets alimentaires (42% sont des ménages).

Mais cela est déjà un grand pas selon lui. Il n’est plus question de reculer, quitte à froisser les dirigeants de grandes surfaces. « Vous voyez l’énergie que l’on perd dans tout cela ? On ne va pas perdre encore plus de temps. On ne veut plus voir de produits javellisés et c’est pourquoi nous passons aux choses sérieuses même si ça ne me fait pas plaisir d’engueuler des gens qui ont parfois l’âge de mes parents », assure-t-il.

Cette proposition de loi comprend plusieurs points parmi lesquelles figurent « L’obligation de recourir à une convention pour les dons réalisés entre un distributeur de denrées alimentaires et une association caritative, l’interdiction de la javellisation des invendus ainsi que l’information et l’éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles ». Si l’issue est officiellement incertaine, l’élu ne se fait aucun doute : la loi a été votée à l’unanimité en décembre et le sera à nouveau mercredi ».

« Une loi nationale, européenne et enfin mondiale »

D’ailleurs, si son projet a débuté à Courbevoie, Arash voit plus loin et opère depuis quelques semaines un tour d’Europe afin que la loi dépasse les frontières francophones. « La première urgence est d’agir à l’échelle locale, puis nationale, européenne et enfin mondiale » écrit-il dans son livre, déterminé à éradiquer la faim dans le monde.

Si beaucoup soutiennent le projet de loi de Arash Derambarsh, comme par exemple la Croix Rouge ou Action contre la faim, au départ, il ne s’est pas fait que des alliés. Ainsi, en février 2015, un communiqué d’associations comme Disco Soupe, œuvrant contre le gaspillage alimentaire a fait part de leur mécontentement. En effet, ces derniers expliquent qu’une loi ne serait pas la meilleure solution car elle ne permettrait pas de régler le fond du problème. Face aux critiques, l’homme politique se fait philosophe : « certaines personnes ne comprennent pas le monde. Moi, je suis bon prince, je les valorise dans mon livre. Ce ne sont pas des ennemis ».

Les vrais adversaires seraient alors les élus et les dirigeants de la grande distribution qui entretiennent de bonnes relations. « Les supermarchés ne veulent pas de cette loi parce qu’en jetant, ils récupèrent de la TVA. Ils distribuent ensuite de nouveaux aliments de meilleure qualité et gagnent plus d’argent. Les politiciens qui sont leurs amis ne s’en soucient pas. En 1992, Ségolène Royal était déjà Ministre de l’Environnement. En vingt-quatre ans, qu’a t-elle fait pour la vie des gens ?», demande celui qui cherche à « faire ».

« Faites du bruit », conseille souvent Arash Derambarsh, véritable machine des réseaux sociaux avec près de 130 000 followers sur Twitter. « C’est ça la réalité quand le système est  vérouillé. En décembre 2014, les médias me disaient que le gaspillage alimentaire était un ‘serpent de mer’, que tout le monde s’en fichait. S’il n’y avait pas eu de signatures, je n’aurais pas continué. Cela marche car cela concerne les gens qui ont compris la magouille et je suis persuadé qu’il y aura un effet boule de neige. La fraternité va se généraliser, vous verrez ».

Après un vice de procédure en août 2015, l’Assemblée nationale a finalement voté à l’unanimité la nouvelle proposition de loi contre le gaspillage alimentaire le 9 décembre dernier. Celle-ci prévoit non plus la permission aux grandes surfaces de donner leurs invendus à des associations mais l’obligation de le faire. Ce mercredi 3 février 2016, c’est au tour du Sénat de se pencher sur la question.

Oumar Diawara

Articles liés