L’intrigue débute lorsque Jacqueline, une vache tarentaise (précision utile puisqu’il a semblé bon à mes voisins de le répéter tout au long du film), est sélectionnée pour participer au « Concours international de bovins », demande rejetée à plusieurs reprises par la direction du salon de l’agriculture. Fatah (joué par Fatsah Bouyahmed), propriétaire de l’animal, est épris de sa vache et voit dans cette convocation la consécration suprême, puisqu’il perçoit le salon parisien comme « La Mecque des agriculteurs ».
Ébahi par cet événement, le village consent à aider financièrement Fatah dans son périple, alors que ce dernier n’a jamais quitté son village. Après avoir été jusqu’au port algérien dans un camion à bétail, avoir traversé la Méditerranée en bateau, il entreprend de parcourir la France à pied avec Jacqueline.
De Marseille à Paris, Fatah et sa « deuxième femme » rencontrent la diversité des situations qui composent la France : quartier populaire phocéen, fermière esseulée, fêtes rurales, manifestations d’agriculteurs, châtelain dépressif… Grâce à sa joie de vivre et à son humour parfois maladroit, Fatah marque les esprits et attire la sympathie du grand public. Réseaux sociaux et journaux nationaux s’emparent de l’histoire de Fatah et de sa vache Jacqueline, alors que le paysan algérien en est encore à utiliser les cabines téléphoniques qu’il trouve sur son chemin afin de donner de ses nouvelles au petit village dont il porte l’honneur, grâce au taxiphone communal.
Au cours de son périple, parfois dérouté par le décalage culturel, Fatah devra combattre sur plusieurs fronts : arriver en temps et en heure au salon de l’agriculture et conserver l’amour de sa femme suite à une turbulence conjugale. Pour mener à bien ces missions, Fatah sera épaulé par son beau-frère Hassan (Jamel Debouzze) qui a pris ses distances vis-à-vis de son village natal et Philippe (Lambert Wilson), un châtelain sur la paille. L’improbabilité de ce trio, composé d’un paysan algérien, d’un gérant de taxiphone et d’un bourgeois, est soulignée par Jamel Debouzze qui s’écrie : « je me retrouve entre Cheb Mami et le Duc de Windsor ».
Tout comme pour son premier film en tant que réalisateur, Né quelque part, Mohamed Hamidi aborde le thème très sérieux de l’immigration, avec humour et légèreté. Les différences culturelles sont racontées de manière inattendue, attachante et pleine de tendresse, dans une période où la sphère publique manque d’optimisme.
De nombreux rapprochements entre ce film et La Vache et le prisonnier (1959) peuvent être établis. Mais à la place du fermier français joué par Fernandel et son fort accent méridional, nous retrouvons Fatah et ses paroles aux tonalités magrébines. La performance de ce dernier doit d’ailleurs être mise en valeur. Sa capacité à nous faire pleurer de rire sur un plan, puis, sur le second, à nous arracher des larmes d’émotion est remarquable. Le côté attachant de son personnage est d’ailleurs mis en avant par Philippe qui déclare « Après avoir traversé la mer, après avoir traversé la France, Fatah, vous avez traversé nos cœurs ».
Ce voyage original d’un homme et de sa vache (pour les fans du personnage, le bovin est aujourd’hui retourné dans sa ferme de Fontainebleau) a su conquérir aussi bien les enfants que les personnes les plus âgées de la salle de l’UGC. Ce succès est dû à un savant mélange entre humour, découvertes culturelles et amours, alliance explicitée par Fatah : « Quand je reviendrai au pays, je pourrai te parler d’amour, comme les Français. Eux n’ont pas honte ».
Tom Lanneau
La Vache, primé au festival de l’Alpe d’Huez, sera en salles le 17 février
httpv://youtu.be/fQf2dvMiOb4

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