Depuis deux ans, l’association Siniman Films organise « Quartiers lointains », un programme itinérant de courts-métrages. Le 16 février se tenait le lancement de la troisième saison, au Ciné 104 à Pantin (93).

À ne pas confondre avec la bande dessinée de Jiro Taniguchi, Quartiers Lointains est un programme itinérant de courts-métrages du Sud au Nord de l’hémisphère, porté par l’association Siniman Films. Le 16 février, à 20 heures au ciné 104 à Pantin, les gens s’empressent de faire la queue face à un comptoir. Des couples, des amis, des familles se retrouvent dans ce hall où réalisateurs, journalistes, acteurs, danseurs, amis des lettres et de l’expression cohabitent le temps d’une soirée. Un enthousiasme flagrant est palpable en ce temps où les grises mines sont normalement de sorties.
« Ce sont 3 fictions et 1 documentaire de 4 réalisateurs talentueux. Dernière notre initiative il y a aussi la démarche, lorsqu’on se déplace dans des petites salles, c’est de sensibiliser à d’autres images qui ne circulent pas assez… Vous savez, c’est deux ans de vie, parfois une idée pour ensuite finir au placard ou sinon ça ne tourne qu’en festivals. L’idée c’est d’amener vers le grand public des films qui nous ont plu, cette année c’est axé sur : l’amour à la française ».
D’après la présidente de l’association  (et blogueuse) : Claire Diao, ce thème était évident à la suite des attentats qui ont secoué la France en novembre, puis la Tunisie. Cet événement s’inscrit donc comme une ode au vivre ensemble, à ce sentiment qui nous unit, quel que soit l’endroit d’où l’on vient. La 3e saison de Quartiers lointains démarre avec le court-métrage : Le retour de Yohann Kouam. On suit une bande d’adolescents qui se cherche parmi les codes urbains omniprésents. Le retour de l’aîné de l’un entre eux va chambouler cette mécanique bien huilée, en cassant les repères de ce jeune homme, perdu dans la recherche de sa propre sexualité. « Ce qui m’a inspiré c’est le fait d’avoir moi-même grandi en banlieue. J’ai eu une scolarité dans un milieu bourgeois, ce qui m’a donné le recul nécessaire pour faire ce film. Dès que je rentrais au quartier, je voyais des codes, que je ne voyais pas dans mon lycée et vice versa… J’ai remarqué qu’en banlieue il y avait ce côté où il fallait surenchérir la virilité, ce qui peut pousser parfois comme dans mon court-métrage à des actes répréhensibles ! » confie le réalisateur.
On passe du déni de l’homosexualité à l’expression d’une romance par le biais d’un couple sourd dans : Le sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo. Le silence est relayé par un ballet de danse contemporaine au cœur des sens et de l’expression. « Il y a beaucoup d’influences qui viennent de ma vie personnelle, une relation de 10 ans. C’est un film thérapie, auquel j’ai incorporé la langue des signes, car je suis danseur et je m’y intéresse depuis longtemps. Lorsque que j’ai commencé à écrire : Le sens du toucher, je me suis dit que cela pourrait tout mélanger. Ce court-métrage est une façon d’illustrer que toutes ces histoires d’amour ou rapports humains, sont des choses qui se passent aussi dans le non verbal et c’est ce qui nous connecte ».
photo 2On quitte cette fiction pleine de lyrisme et de poésie pour ce vaudeville à la sauce méditerranéenne. Avec Destino de Zangro on suit Medhi un caméraman à la petite semaine qui va se confronter à une blessure, un amour laissé brutalement en suspens lors d’un mariage. Ce film alterne les situations cocasses dans le malheur de ce jeune homme. « Comme tout un chacun, on connaît des déceptions sentimentales et je me suis imaginé quel serait le pire cauchemar pour un mec… Je me suis dit que c’était d’aller au mariage de son ex. J’aime bien faire de la comédie oscille entre différents sentiments. Le but c’était illustrer ces interrogations, tout le monde se demande à la fin : est-ce que c’est vraiment fini ? Je me suis amusé à recréer les retrouvailles d’un couple dans le moment le plus improbable qui est un mariage » livre Zangro.
Détresse, fou rire et frustration dans cette idylle mise entre parenthèses. La réalité éclipse la fiction et l’on se tourne pour finir sur le documentaire : Vers la tendresse d’Alice Diop. Des hommes se mettent à nu dans un témoignage sur leur sexualité et le rapport homme-femme. Leurs réponses sont imbriquées dans de profonds codes sociaux culturels liés à leur propre éducation. L’amour est un sujet tabou qui est remplacé par des relations superficielles centrées sur le plaisir de la chair. On rencontre un jeune homosexuel qui peine à trouver son idéal, car ses partenaires sont dans le déni de leur sexualité. Le documentaire s’achève avec un couple qui s’assume complémentent. Qui s’aime dans l’ombre d’une chambre d’hôtel et qui n’échappe pas à cette sentence : Pour vivre heureux, vivons cachés ! « Au départ je réfléchissais à un film de fiction autour des relations amoureuses dans les quartiers et pour ça j’ai fait des entretiens documentaires avec des gens que je connaissais dans mon entourage… J’ai rencontré ces 4 jeunes hommes tous originaires de Seine-Saint-Denis et j’ai posé des questions très simples : c’est quoi la tendresse ? C’est quoi l’amour ? Qu’est-ce c’est qu’une relation avec une femme ? À partir de ces questions hyper simples, j’ai enregistré une ou deux heures d’entretien avec chacun d’entre eux. Je me suis aperçu que j’avais une matière assez intéressante et riche à travailler, mais sous l’aspect d’un documentaire » confie la réalisatrice.
Le programme s’achève avec cette touche d’amertume, on a vu des films qui sortent des sentiers battus, mais on en veut d’autres, car dans leurs complexités ces films nous ressemblent.
Lansala Delcielo
Les prochaines projections :
les 18 et 19 mars 2016 à Montmorillon et Poitiers (86)
New York en mai
Berck-sur-Mer en juin
Afrique du Sud en septembre/octobre
à la Manufacture 111 de Paris, le 25 septembre
ainsi qu’au Mali, au Sénégal et au Burkina Faso. Plus d’infos
Crédit photo : Ti-Lan Photographies


      

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