À l’occasion de la première projection en France du spectacle Drops of Breath, la compagnie DK-Bel organisait, le week end dernier, un rassemblement à la maison de quartier de l’ourcq à Pantin. 

Difficile de trouver cette petite maison de quartier nichée entre les tours d’immeubles. Sur place, une porte entrouverte et une affichette « maison de quartier » indique discrètement l’adresse. Un brouhaha émerge de l’intérieur. Dans la grande salle décorée par des enfants et des artistes, un spectacle de danse se met en place. Une musique lancinante envahie la pièce. Un danseur glisse tout doucement au centre de la salle. Très vite, un danseur en situation de handicap le rejoint. Une personne valide et une personne en fauteuil s’associent pour danser et défilent deux par deux. Entre danse contemporaine et hip hop, une tension se crée entre les danseurs. Le danseur invalide entame une lutte contre son corps affaibli. Son visage est crispé et ses gestes, parfois maladroits, sont néanmoins gracieux. La danse semble être un exutoire pour les artistes. La musique, toujours plus lascive, impose un silence de plomb dans la salle.  Malgré quelques maladresses dues aux mouvements imprévisibles du danseur invalide, une vive émotion se fait ressentir chez les spectateurs.

Le dernier danseur fait son apparition. Au ras du sol, il avance. Un enfant de deux ans environ, le suit et s’agrippe fermement à lui. Improvisation ? Peut-être…  Il poursuit sa danse, avec l’enfant toujours accroché. L’enfant dans les bras, il fait un dernier mouvement de break dance. La musique s’éteint progressivement. L’enfant ponctue la fin du spectacle de sa petite voix : « encore !!! ». Fou rire général dans la salle.  Applaudissements chaleureux. Une pause bien méritée les attend près d’un goûter.

Dans cette ambiance familiale où tout le monde semble se connaître, un autre atelier de hip hop fait son show. Vient ensuite un orchestre de musique brésilienne, la batukada, où là encore une personne handicapée défie son corps paralysé. D’un pied, il bat un rythme irrégulier sur une percussion brésilienne.

Corinne, professeur d’EPS à Villiers-le-Bel (95), est la co-fondatrice de la compagnie DK-Bel, créée en 2004. Leur volonté est depuis le début de « fédérer autour de l’art ». Pour elle l’art est ouvert à tout le monde, peu importe l’origine, l’âge, ou bien même la condition physique. « Chacun apporte à l’autre, on partage, on échange. On a tous une richesse en nous à partager ». Marwin, lui, est danseur et  fait partie de la compagnie depuis trois ans. Pour lui ce projet est une bonne chose : « on est moins sur soi, on est à l’écoute de l’autre. ». L’harmonie du spectacle et la relation entre les corps valides et invalides est singulière. « S’adapter l’un à l’autre pour avoir une cohésion et crée de l’émotion » est pour lui ce qu’il y a de fondateur dans cette compagnie.

WP_20160312_17_26_01_ProLa cohésion. C’est aussi ce qu’à voulu créer Sophie, co-fondatrice de la compagnie DK-Bel, avec sa performance sous l’eau Drops of Breath. Après avoir arrêté son métier de professeure d’EPS à Villiers-le-Bel, elle est devenue chorégraphe professionnelle. Accompagnée d’artistes chypriotes, grecs et français, elle prépare depuis un an sa performance, Drops of Breath. Elle confie que « tout était une difficulté, dans ce spectacle : les personnes en situation de handicap ne savaient pas nager, il fallait beaucoup de sécurité, inventer un système sonore pour aller sous l’eau etc… ». Non seulement il fallait assurer la sécurité des danseurs mais aussi des spectateurs qui assistaient sous l’eau à la performance. Pour la première fois en France, elle projette sur grand écran le spectacle. Malgré quelques problèmes techniques liés au projecteur, on  admire l’exploit. Certains danseurs comme Irina, paralysée des jambes, ne savaient pas nager, mais elle a dû apprendre à plonger. « Ça a été une expérience unique pour moi. On m’a donné une impression de liberté, et des sensations dans mon corps que je n’avais jamais ressenties auparavant. C’était comme une renaissance » confie-t-elle en grec.  Sophie, la chorégraphe, a relevé le défi d’une rencontre entre les éléments, entre deux univers. Émue, elle reconnaît que ce spectacle « a changé la vie de certains danseurs et de certains spectateurs ».

À elles deux, les chorégraphes parviennent à sublimer le corps dans tous ses états.

Pénélope Champault

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