Le premier livre d’Aya Cissoko raconte son histoire. Celle d’une fille de 8 ans dont la vie bascule après un incendie criminel. Son père et sa sœur y perdent la vie. Aya est élevée par sa mère et se jette à corps perdu dans la boxe. Elle y excelle et devient championne du monde. Danbé (dignité en bambara) obtient le Grand prix de l’héroïne Madame Figaro. Un téléfilm d’Arte retrace son parcours.

Raconter une invisible, une héroïne du quotidien

L’histoire est belle. Mais, avec le recul des années, l’écrivaine garde les pieds sur le ring. « Danbé c’est la success story de cette gamine qui donne bonne conscience aux blancs en disant  »vous voyez avec beaucoup d’effort on y arrive en France. La preuve, regardez Aya Cissoko ! ». J’ai bien senti qu’il y avait une tentation de m’ériger en modèle, en icône ».
Pour son second opus, l’écrivaine prend des risques. N’ba prend la forme d’un dialogue franco-bambara entre une fille et sa mère. Aya Cissoko rend hommage à une femme de ménage, une invisible. Dans les années 70, Massiré Dansira est aux antipodes du swag en vigueur : afro, chemise flashy, pantalon patte d’éléphant. Elle arrive en France, sur la pointe de ses tongs en plastique, vêtue d’un boubou.

Photo : Aaron Kocevar

Une plongée sans concession au cœur de la Diaspora malienne

Massiré Dansira s’affranchit des barrières de sa condition féminine, malgré le déracinement et la confrontation violente avec la culture d’accueil. Elle incarne une génération de femmes qui portent avec dignité les scarifications de la cruauté de la vie. Après la mort de son mari et la disparition de deux de ses quatre enfants, elle s’oppose aux hommes de son clan. Ils veulent la renvoyer au Mali.
La dame de fer déjoue outrages et humiliations jusqu’à son dernier souffle. « Ma mère a une lecture très claire de la tradition. Très vite elle se rend compte qu’elle est dans le vrai ! Avec une patience surhumaine, elle fait le dos rond. Les hommes [de sa famille] ne lui ont jamais pardonné le fait qu’elle leur résiste. Ma mère a prouvé qu’une femme pouvait faire aussi bien voir mieux  qu’un homme. Le jour de sa mort, ils sont tous venus lui demander pardon ».

Une identité française réconciliée

N’ba donne les recettes d’une réconciliation française. Ce livre est à mettre entre les mains des mamans, des femmes et des ados dégoutées de voir leur mère se tuer à la tâche et atteindre la retraite avec de l’arthrite. Enfin, étudier le parcours de Massiré Dansira c’est analyser l’émancipation d’une féministe de l’ombre.
Elle meurt après avoir entamé une demande de nationalité française. Le lecteur comprend qu’il a traversé, au fil des pages, la vie d’une femme française qui, au gré des épreuves, a atteint un niveau de sagesse difficilement atteignable. Aya me livre, en guise de testament, une phrase de Massiré qui prend le meilleur de ses identités réconciliées : « Allier la science des noirs à celles des blancs, c’est deux fois plus de chance de l’emporter face au destin ».

Le livre de la maturité

Avec N’ba Aya Cissoko fait entrer, avec une tendresse d’écorchée vive, les daronnes dans la littérature française. Ces figures bien trop longtemps occultées du roman national.
Balla Fofana

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