Nour* est une jeune femme d’environ 35 ans, blonde, les cheveux au carré, lunettes vissées sur le nez, veste et pantalon d’hiver. Souriante et affable, la parole est posée et choisie dans un français parfait. Langue qu’elle maitrise en plus de l’anglais, de l’arabe et du kurde. Nour est institutrice, elle et sa famille sont originaires d’un petit village à 50 kilomètres de Kobané près de la frontière turque, région à majorité kurde.
L’histoire de son périple commence par le labyrinthe de l’administration en charge de l’immigration en France. En 2010 elle arrive en France avec son époux. Mariés depuis 2008, Nour est alors enceinte. Leur demande de visa est rejetée, ils sont expulsés et renvoyés par charter en Syrie. Nour met au monde son premier enfant en juillet 2010. C’est un garçon. En octobre 2012, une petite fille naît. Les deux enfants de Nour naissent en Syrie. Autour de son village, elle et chacun des frères de son mari possèdent 20 hectares de terres, exploitations de coton, sylviculture et sites de forage d’eau. Le père de son mari finance la construction d’une école, qui accueille deux cents enfants. Nour enseigne dans cette école. L’éducation dispensée ne suit pas la ligne dictatoriale du régime El Assad. L’éducation dans l’école de son village est libre.
À l’été 2014 elle voit à l’horizon les forces armées de Daesh fondre sur le village, « pour planter leur drapeau ». Immédiatement elle prend ses deux enfants, une valise, un peu d’argent caché et s’enfuit à pied vers Kobané. Avant de franchir la frontière turque et de rejoindre son frère en Turquie, elle lui confie ses deux enfants en bas âge pour rejoindre seule en bus le port d’Istanbul. Elle prend alors le bateau avec 150 autres réfugiés en direction d’Athènes. La traversée dure quelques jours. Elle prend ensuite la direction de l’Allemagne avant de rentrer à nouveau en France. Son périple s’achève en décembre 2014. Deux mois plus tard elle donnera naissance à une petite fille.
Les journées sont longues
Son mari la rejoint en mai 2015. Elle et son mari obtiennent les visas pour résider en France. Ses enfants restés en Turquie lui manque. La famille attend la procédure de regroupement familial pour être réunie. En attendant ils logent dans un hôtel, « le quatrième en un an ». Régulièrement, il leur est demandé de faire leur valise et de partir, pour atterrir dans un autre hôtel. La vie dans les hôtels à Paris est rude. Ils vivent « avec les cafards et les souris » dit-elle. « Les douches sont collectives, la cuisine partagée ». La chambre se constitue seulement d’un lit pour elle, son mari, et le bébé, d’un wc, et un lavabo. Les journées sont longues et « il n’y a pas la télé ».
La journée, ils vont « au jardin public » pour faire jouer leur enfant. Ils reçoivent quelques aides. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) leur alloue « 280 euros par mois », par adulte. Ils se déplacent « pour les colis alimentaires ». L’association Revivre les soutient dans leurs démarches. Ils sont allés « au CICR » (Comité international de la Croix-Rouge), qui ne les a pas reçus, mais leur a donné « un numéro de téléphone » pour faire avancer la démarche de regroupement familial. « Mais le numéro de téléphone sonne toujours occupé » se plaint-elle. Finalement l’association Revivre leur a expliqué qu’ils vont devoir encore patienter « trois mois » avant de revoir leurs enfants. Ils n’ont pas été réunis depuis près de deux ans.
Elle évoque la différenciation de traitement accordé aux divers réfugiés, certains sont logés directement dans des appartements stables. Son souhait le plus cher est « de retourner vivre en Syrie », où elle « possède 20 hectares », pour y reconstruire sa vie. Interrogée sur les attitudes des forces militaires kurdes qui ont repris l’ensemble de la région à Daesh, elle affirme« qu’il n’y a plus personne dans les villages » mais « elles se comportent bien ».
Texte : Guillaume Montbobier/Photo : Sameer Saran
*les prénoms ont été modifiés
 

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