Le BBC, dans une mouvance citoyenne, a été l’occasion à un certain nombre d’acteurs politiques de faire face à l’interpellation frontale de la jeunesse issue des quartiers populaires sur des questions liées aux problématiques internes à nos banlieues. La discrimination à l’embauche et à l’adresse, l’islamophobie, le phénomène radicalisation, le contrôle au faciès, le droit de vote des étrangers, la pénurie de mixité sociale dans les habitats… autant d’inégalités sociales se succédant, rendant compte d’une situation plus que calamiteuse malgré les différentes insurrections populaires qui ont germé dans nos quartiers.
Alors cette dernière émission de la saison a un double objectif : clôturer un cycle et entamer une transition en douceur. Tout un symbole, le Bondy Blog né dans les quartiers de la République, dans un contexte social difficile en 2005, invite celle qui est en charge de répondre à ces questions sociales relatives à la ville en tant que secrétaire d’État depuis le mois de février : Hélène Geoffroy. L’ancienne député-maire de Vaulx-en-Velin (69) a un parcours universitaire des plus brillants, diplômé d’une maîtrise en mécanique à Paris VI, elle parvient à obtenir son doctorat à l’École Polytechnique de France, pour au final être chargée de recherche en mécanique à l’ENTPE (École nationale des travaux publics de l’État).
Un parcours atypique pour débuter une carrière en politique, mais la secrétaire d’État, originaire de la Guadeloupe, dit avoir grandi dans une famille où la politique était au centre des discussions  « Dans ma famille, lorsque j’étais plus jeune nous aimions parler de politique et réfléchir sur des questions de société … D’où mon premier engagement comme militante à Vaulx-en-Velin et ma conviction qu’il faut s’investir dans sa ville si on veut la transformer ». Ayant écrit une lettre publiée dans le JDD le 8 mai 2016 s’intitulant Lettre ouverte aux habitants des Quartiers populaires, elle rappelle que le gouvernement est à l’œuvre sur les thématiques liées à l’emploi, la formation, l’éducation dans les banlieues.
Le malaise d’être de gauche et d’être au pouvoir
Opposé à la déchéance de nationalité, elle vote contre pour s’asseoir le jour suivant au poste de secrétaire d’État succédant ainsi à Mme El Khomri. Un autre symbole fort de la présidence Hollande, venant d’une banlieue ayant elle-même connu les émeutes en 1990, Mme Geoffroy considère avoir impulsé un politique de la ville pérenne de reconstruction favorisant les classes moyennes qui ont irrigué le reste de la population, même si ça ne se voit pas. On l’interroge sur les promesses non tenues de Hollande, une en particulier celle du vote des étrangers. Engagement phare de la campagne, elle lui a permis de grappiller des points auprès de ceux travaillant à la prospérité du pays, désireux aussi de pouvoir jouir du privilège de donner une direction à la nation.
Elle rétorque, en toute sincérité, ne pas être favorable au projet, et qu’elle ne le réutiliserait pas pour 2017 le jugeant aujourd’hui obsolète et inadapté à la situation actuelle de la France : « En 1981, nous avions une immigration venue pour reconstruire le pays, ce n’est pas le cas aujourd’hui, nous avons des personnes françaises dans nos quartiers populaires, et des étrangers faisant le choix ou non de la France ; moi je propose que l’on facilite l’accès à la nationalité française pour ceux qui le souhaitent … De toute façon nous n’avions pas la majorité ».
On lui demande aussi de réagir sur la sortie de Patrick Kanner, ministre des Sports et de la Ville, rapportant qu’il y aurait en France, une centaine de quartiers similaires à Molenbeek. « Je n’aurai pas choisi cette formule, je ne crois pas qu’il y ait des quartiers entiers signes de radicalisation ; ce qui est sûr c’est qu’il y a des jeunes qui se radicalisent, et c’est une souffrance collective ». Au fur et à mesure que le temps passe, les questions s’enchaînent la ministre joue le rôle d’un pompier éteignant les incendies causés par ses comparses. Un malaise, un poids, un bilan de déclarations ratées dont Mme Geoffroy se serait bien passée et qu’elle parvient à couvrir par le martèlement que le gouvernement est au travail.
La transformation physique, mais échec sur l’humain
La ministre admet « le quartier à Vaulx-en-Velin où la construction a été finalisée, est le quartier où on vote le moins » la rénovation urbaine se fonde sur une philosophie, celle de la volonté de transformer les habitats pour redonner une dignité à ceux qui y habitent. Pourtant, ce que demande principalement les jeunes et les intéressent est la question de l’emploi et de leur avenir. Réponse du gouvernement : garantie jeune et zone franche. « On s’est rendu compte que les exonérations fiscales ne sont pas suffisantes pour permettre à ces jeunes d’entrer dans le monde du travail ». Une population surdiplômée à laquelle on répond qu’elle n’a pas le bon profil, le bon CV. « Depuis ma rentrée en exercice, j’ai laissé une opération visant à insérer ces jeunes dans l’emploi, tous les jeunes bac+3 et qui sont inscrits aux services publics de l’emploi des quartiers de la politique de la ville pour les mettre en lien avec l’entreprise ».
La garantie jeune, dégainée par la ministre, est ce dont le gouvernement se montre fier ayant obtenu des résultats satisfaisants selon ses dires. « Nous avons des taux de réussite de près de 60 % pour ceux qui en bénéficient depuis deux ans, notamment à Bondy ». Elle soutient aussi la loi El Khomri, malgré son rejet en bloc par la population.
Vient sur la table la question de l’éducation et de la formation. On se souvient de ces écoles délabrées à Marseille, révélées dans un reportage de Libération, où plus proche le lycée Mozart à Blanc-Mesnil (93), classé meilleur lycée de France, a été plongé dans le froid, les chauffages tournant au minimum poussant les élèves à faire blocus. Se joint à cela la pénurie de professeurs compétents, l’orientation calamiteuse des lycéens, le manque de filières adaptées au marché du travail et la difficulté à trouver un emploi après l’obtention du diplôme. « Sur la question du bâti, parfois les écoles n’ont pas été faites en même temps alors qu’elles ont 40 ans comme les ZUP, j’ai réussi à trouver les financements nécessaires pour rénover les écoles de la République, l’Éducation nationale, avec qui je travaille de paire, investie en terme enseignants pour répondre au déficit présent en Seine-Saint-Denis ».
La refondation des écoles, si elle est nécessaire, n’est pas suffisante, la promesse de François Hollande de s’investir pour les jeunes est en marche, mais peine à créer une réelle dynamique en ville, l’agenda du gouvernement ne laissant de place pour les ZUP que pour les opérations de comm. Pour Hélène Geoffroy il reste un an et demi pour donner à la politique de la ville un sens, axé sur l’humain, sinon il faudra encore se lamenter sur un sempiternel échec de la gauche à concrétiser les espoirs du peuple de gauche.
Jimmy Saint-Louis
Bondy Blog Café diffusion samedi 4 juin, à 10h sur LCP et à 18h40 sur France Ô.

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