Les Lyonnais vivent avec deux fleuves qui s’embrassent dans les anciens terrains vagues devenus nouveaux quartiers, deux collines historiques qui se font face en s’évitant cordialement. C’est d’ailleurs en pente qu’il faudra se rendre pour aller voir du bon foot à Lyon, bien sûr si nous ne possédons pas les moyens de se rendre dans le Parc OL à partir de la saison prochaine. Il faudra aller plus précisément dans le 9e, à la Duchère « la troisième colline »
Ce quartier populaire de la ville a visuellement changé de visage en l’espace de dix ans. Banlieue ou quartier enclavé par la hauteur, la Duch’ a comme beaucoup de quartiers vu ses grandes tours s’effondrer laissant place à des ensembles plus cohérents architecturalement. La Duch’ a tout de même gardé son identité forte, loin des rues haussmanniennes de la presqu’île, avec un quartier qui puise son dynamisme dans sa jeunesse.
En face de la Halle Stephane Diagana, le stade Balmont fourmille dans une ambiance bonne enfant, le club phare du quartier affronte l’équipe 2 de l’Olympique lyonnais en guise de dernière journée du championnat de CFA. Une semaine avant, les Ducherois avaient obtenu le Graal à Auxerre, une montée en National profitant du faux pas de l’ex-pensionnaire de ligue 1 Grenoble. Les sang et or devenaient officiellement le deuxième club de la région.
« Revons plus haut, la Duch en National »
À l’entrée du stade, une affiche nous rappelle l’imminence de l’euro organisé en France, ce samedi 4 juin c’est la fête du football lyonnais, une fête populaire, où on distribue gratuitement des t-shirts avec « Revons plus haut, la Duch en National ». Un rendez-vous immanquable avec l’histoire de ce quartier, nombreux sont les ducherois qui se claquent des bises dans la tribune principale, les gones curieux sont là, les journalistes de la région sont aussi venus nombreux.
Un parfum de national et de friture de la buvette de l’entrée gagne ce stade, le coup d’envoi donné par le maire du 9e ainsi et l’adjoint au sport de la Ville amuse les spectateurs une voix s’élève dans le public « Monsieur le Maire 200 000 c’est pas assez ! » sur le ton de la blague, on rappelle aux pouvoirs publics le devoir de suivre ce club amateur qui se présente au portes du professionnalisme.
« On surveille les notes des gamins »
La Duch’ monte en National et n’échappera pas à la réalité économique, même si un des formateurs des U17 nous rappelle la doxa du club « On surveille les notes des gamins ». Comme une piqûre de rappel sur ce qui constitue l’identité de la Duch, « ici le lien de confiance est fort on est fier de nos jeunes et il y a un vrai travail avec eux pour en faire des bonnes personnes avant d’être de bons footballeurs ». De bons footballeurs la Duchère en a fait éclore pas mal depuis sa création en 1964 par des Pieds Noirs, Sabri Lamouchi ou Éric Abidal font partie de cette liste d’illustres noms passés par la colline
Le match se déroule avec un engagement assez fort sans véritables mauvais gestes, l’équipe CFA de l’OL est en vacance et le 11 habituel est remplacé par des jeunes pas encore vraiment formé, les futurs grands de l’OL produisent tout de même quelques combinaisons intéressantes, devant un public de connaisseur, il y a cette voix discordante celle qui est présente dans beaucoup de stades d’amateurs « Découpe le ! »  La Duchère c’est aussi un public qui donne de la voix, dans une ambiance qu’on ne retrouve pas dans les enceintes bling-bling de ligue 1, ici des gens viennent voir du foot sans prise de tête sans en attendre milles et une paillettes.
C’est L’OL qui ouvre le score, une surprise qui ne décourage pas un public qui continue à encourager leurs héros qui reviennent de très loin comme nous le souligne Jonathan Lesig Manager général : « on sort d’une saison dernière où on s’est sauvé à la dernière minute. Cette année on a gardé quasi le même effectif avec quelques renforts bien choisis ».
Et si les performances n’étaient pas qu’une question de moyen ? Le manager général préfère parler de projet de long terme, avec un président de club Mohammed Tria qui a installé une nouvelle dynamique depuis 8 ans. Le foot mais pas que, voilà comment nous pouvons décrire l’imprégnation du club dans son quartier. Avec de nombreuses actions menées auprès de la jeunesse comme la sensibilisation autour de la citoyenneté l’accompagnement des stages, les visites d’entreprises, de musées, des sessions job dating, un ensemble d’actions basées autour de l’effort du respect et du travail qui fait que l’As Duchère est bien plus qu’un club de foot de quartier. Du foot du social et des performances rien n’est incompatible à la Duch qui va devoir changer de braquet la saison prochaine.
Les moyens de l’ambition
L’accès en National induit donc un budget en hausse de 500 000 euros, un budget qui se discute jusqu’au conseil municipal de Lyon ou Emmanuel Hamelin conseiller municipal LR a débattu de vive voix avec Gerard Collomb maire PS des subventions accordées au club. Pas assez de subventions comparés à d’autres clubs plus fringants de l’agglomération, en attendant il y a une nouvelle saison a préparer avec des joueurs phare qu’il faudra convaincre de rester. Fierté combativité détermination solidarité à l’image des habitants de la colline : la vie de groupe à la duchèroise a été le moteur de cette année historique.
Deux gros club pro dans une ville est ce faisable ? La Corse avec Bastia et Ajaccio sont des exemples uniques en France avec leurs clubs de foot éparpillés dans les étages inférieurs du professionnalisme. En Europe Madrid ou Milan sans parler de Londres logent beaucoup de clubs qui s’affrontent dans des derbys de haute intensité. En Argentine le riche et prestigieux River Plate affronte le populaire et historique Boca Junior dans des derbys intenses… Imaginez ça entre Rhône et Saône…Lyon a déjà son gros club et son gros derby avec le voisin vert de Saint Étienne.
Est-ce que la capitale des Gaules peut héberger deux gros clubs de foot ? En attendant sur son terrain c’est la Duchère qui renverse la situation en infligeant 4 buts à la classe biberon de L’OL. Le manager souligne « qu’il n’y a pas d’animosité avec l’OL, qui reste une référence en France, nous ne sommes pas concurrentiel nous sommes sur un autre format de club sur Lyon ».
La Duch’ a pris son billet pour rêver plus haut dans son stade qui n’a pas forcement les capacités du parc OL mais qui est suffisamment riche en histoire pour vivre des soirées foot comme on les aime, en attendant de rêver plus grand…
Saïd Harbaoui

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