On peut dire ce qu’on veut du foot, s’en tamponner le coquillard, et même s’enfermer dans une grotte à l’approche de l’Euro, il y a des matchs qui valent le coup d’œil. Pour le jeu, bien sûr, celui de mardi était plaisant à suivre, mais pas seulement. Pour le côté dramaturgique. Les Anglais ont le sens du timing. Ils quittent la compétition quatre jours après avoir voté pour la sortie de l’Union européenne. Brexit sportif, l’équipe marche au pas de l’oie. La petite histoire du foot rencontre la grande histoire de l’Europe, avec des similitudes étonnantes.
Pourtant, l’Islande n’était pas franchement favorite, malgré un début d’euro intéressant pour une formation sur le papier faiblarde, mettant en échec Hongrie et Portugal en poule et tapant l’Autriche, quand les Angliches boudaient les performances convaincantes comme une séance à Bruxelles. Mais enfin, on se disait que les costauds hommes du nord retourneraient rapido à la pêche sur leur caillou froid de 330 000 habitants et laisseraient jouer pépère les professionnels. Surtout quand Rooney plantait l’ouverture du score à la 5e minute en transformant un péno sur une faute de Sterling.
Mais non, à la cinquième, un certain Ragnar Sigurdsson rendait à l’Albion la monnaie de sa pièce. Longue touche à faire pâlir un lanceur de troncs d’arbres écossais détournée de la tête par un copain, reprise du plat du pied. Et paf, rebelote à la 18e minute. Kolbeinn Sigthorsson, joueur du FC Nantes qui a planté cette saison 3 buts en 26 matchs, statistique famélique pour un avant centre trompe un gardien Anglais qui renoue avec la bonne vieille tradition anglo-saxonne des fautes de mains. A ce moment du match, ça sent comme un sondage.
Les Britanniques pourraient sortir, mais pas grand monde n’y croit. Pas même eux, à en voir leur attitude. Pas dangereux pour deux sous, dominateurs sans réussite, à peine capable de balancer des pétards en tribune plus proche du bon vieux drop que de la frappe en lucarne. Et puis, les Islandais, solides derrière, ont la baraka et l’envie des grands soirs. La mi-temps ne change rien. La probable gueulante de Roy Hodgson, le coach British, s’avère peu efficace. Les changements apportés, pareil. Ni l’entrée du talentueux Jack Wilshere, du sympathique bad boy nourri à la binouze et la junk food Jamie Vardy, ou du mouflet de 18 piges Marcus Rashford ne modifient le cours du match.
La dimension métaphorique de cette partie de foot dépassait l’entendement. Jusqu’au dernier moment, les « Three Lions » n’y croyaient pas. Affolants de calme et de sérénité, ils poussaient sans forcer, continuant tranquilou les mines de forains direct en gradin ou dans les bras d’un goal Islandais surpris qu’on lui tire dessus aussi mollement, et les tentatives d’accélération systématiquement contrées par des tacles plus ou moins réguliers. C’est à la toute fin qu’on les a sentis s’agiter. Trop tard. Comme les citoyens du Royaume-Uni, du genre, « on déconnait, en fait on veut bien rester un peu, au moins jusqu’en quarts de finale ». Et comme il fallait boucler la boucle, et sortir avec panache, Roy Hodgson (l’entraîneur), en David Cameron du ballon rond a annoncé dans la foulée sa démission.
Les vrais analystes du foot nous opposeront que les Islandais sont bien organisés tactiquement depuis le début de l’Euro. Que les Britishs sont cruellement inefficaces, et que le coach n’a pas su dégager une équipe type. Les vrais analystes politiques nous diront que le Brexit était prévisible. Que les tabloïds ont bien gentiment préparé le terrain, avec des campagnes diffamatoires sur les méfaits de l’Europe, et que le Premier ministre a eu des velléités eurosceptiques. Tous auront sûrement raison. Ce qui est certain, c’est que pour la deuxième fois en quatre jours, les Anglais vont nourrir des regrets.
Mathieu Blard

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