Ce samedi, à Aubervilliers, on fêtait le retour de la fille prodige. La médaillée d’argent aux Jeux olympiques de Rio Sarah Ourahmoune. Rencontre avec des Albertivallariens fiers de la championne.

Il est pratiquement 14 heures, l’heure du rendez-vous de l’évènement et déjà, une foule considérable s’est massée à quelques pas du dernier stand, celui du « Boxing Beats ». Tout a commencé vers dix heures ce samedi matin. Des chapiteaux blancs ont été installés bordant les allées du square Stalingrad d’Aubervilliers. Ici, comme chaque rentrée, le forum des sports annuel de la ville rassemble associations et clubs sportifs locaux venus faire la promotion de leurs activités. « Boxing Beats », lui, n’est déjà plus un club inconnu. Cette association sportive de boxe anglaise créée en 1999 a connu un ascension fulgurante grâce notamment à un palmarès des plus prestigieux : des titres de champions de France de boxe féminine, une participation aux Jeux Olympiques de 2008 à Pékin et depuis cet été, cette médaille d’argent aux Jeux de Rio remportée par celle que tout Aubervilliers est venu saluer : Sarah Ourahmoune. Les habitants n’ont pas pu passé à côté de l’annonce de la venue de championne, inscrite sur toutes les affiches de cette septième édition du forum des sports.
Accueil en fanfare
Sur le ring, des jeunes du « Boxing Beats » offrent aux spectateurs quelques combats d’exhibition sous l’oeil des caméras, le temps de faire patienter avant l’arrivée de celle que tout le monde attend. Parmi cette foule, il y a Marie, la cinquantaine, habitante d’Aubervilliers depuis plus de trente ans. « Moi, Sarah, je la connais depuis 1996 quand elle commençait tout juste. Personne n’aurait pensé qu’elle irait aussi loin ». Marie aussi « a fait de la boxe » comme elle dit. « Mais pas beaucoup, à mon époque c’était choquant qu’une fille en fasse, d’ailleurs même Sarah en a souffert au début. Aujourd’hui, les mentalités ont changé ».
CrbfbmbXgAA3maAAu pied du ring, malgré le soleil implacable, le foule continue d’affluer. Les uns s’épongent à coup de mouchoirs, d’autres se ventilent à l’aide des flyers conçus pour l’occasion. Et puis il y a cette voix, celle de l’animateur du forum : « Sarah arrive, l’accueil se fera à la porte du square ». On se fraie un chemin, on se presse un peu jusqu’aux portes grillagées. Une allée étroite où l’on distingue l’écharpe tricolore de la maire Myriam Derkaoui. Aujourd’hui, à Aubervilliers, l’expression « accueil en fanfare » n’est pas galvaudée : dès l’arrivée de la championne, quelques musiciens font résonner leurs cuivres et leurs tambours qui accompagnent Sarah Ourahmoune et la foule compacte de ses admirateurs. On traverse tout le square, avant un retour au ring où la médaillée d’argent et la maire d’Aubervilliers prennent place devant la foule.
« Je ne vous attendais pas aussi nombreux »
Sur le ring, Meriem Derkaoui inaugure le retour de celle qu’elle appelle par un affectueux « Sarah« , retraçant son parcours. « Sarah s’entraînait avec obstination et beaucoup de travail ». Cette jeune fille qui, dès 1996, avait comme elle dit « poussé les portes de la salle de boxe d’Aubervilliers avec la ferme conviction d’y trouver [sa] place« , à une « époque où il ne faisait pas bon d’être une femme et de pratiquer la boxe ». Pourtant elle a persévéré, elle s’est entraînée pour devenir championne de France puis médaillée d’argent au J.O. « Je ne vous attendais pas aussi nombreux », confesse la vice championne olympique, timide. « Je n’ai même pas préparé de discours ». Parmi les Albertivillariens, c’est l’émotion au moment où, celle qui a fait ses premiers pas de boxeuse dans l’une des salles de la ville, dévoile la fameuse médaille si magnifiquement acquise. Puis, Meriem Derkaoui remet à la digne représentante olympique une autre médaille, celle de la ville d’Aubervilliers avant de conclure son discours et d’inviter les habitants à une séance de dédicace.
CrbniS9XgAAZUdbC’est une longue file qui prend forme devant le stand du « Boxing Beats ». Attablée sous le chapiteau, émue et un peu gênée de cet afflux, Sarah signe ses autographes, échange avec les habitants qu’elle a côtoyé des années durant. Petits et grands, tous, veulent les quelques mots signés des mains de la championne qui a, aujourd’hui, troqué ses gants contre un stylo blanc. Il y a Karima, accompagnée de ses deux enfants. La mère de famille est venue un peu plus tôt pour inscrire les petits au karaté. Ils sont restés un peu plus longtemps pour voir celle qu’elle nomme « le symbole d’Aubervilliers ». Oussama, 15 ans, avoue qu’il ne connaissait pas Sarah avant. »C’est avec la médaille qu’elle a eu que je l’ai connue, je l’ai vue sur BFM ». Rayane, abonde dans son sens. « Oui c’était sur BFM. On nous a dit qu’elle était d’Aubervilliers, ça nous a fait plaisir que quelqu’un d’ici gagne une médaille aux JO. » La même fierté anime Wahiba, employée municipale.« Nous sommes fiers de l’image que donne Sarah d’Aubervilliers et de tout le 93. Quand on voit ce que l’on dit tout le temps de la Seine-Saint-Denis, tous les clichés que l’on colporte, des femmes comme Sarah, c’est bien, c’est de l’air frais ! »
Au milieu de la longue file, en sens inverse, se faufilent Mickaël et Quentin, tous deux serrent dans leur main la précieuse photo dédicacée par la championne. Ils sont heureux de l’avoir vue, malgré une certaine amertume. « Elle aurait mérité d’avoir une médaille d’or, c’est dommage, elle n’était pas loin. Surtout là, elle prend sa retraite. » Un sentiment tempéré par son frère, Mickaël. « Une médaille d’argent aux J.O, c’est déjà génial! » Tous deux posent leurs regards sur le précieux autographe signé par Sarah Ourahmoune. Un autographe qu’ont pu aussi décrocher Rabah, Sophie et leurs deux enfants tout heureux d’avoir rencontré la championne. « On sent tout de suite que tout ça, ça ne lui monte pas à la tête, elle est gentille et disponible », affirme Sophie. Un peu avant 16 heures, le square se vide peu à peu, le forum, son événement principal, s’achève et les Albertivillariens sont tous fiers d’avoir pu assister au retour de leur championne.
Ahmed SLAMA

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