La boxeuse multi-titres, vice-championne olympique aux Jeux de Rio, responsable associative, maman et chef d’entreprise nous reçoit dans sa salle de boxe et inaugure « Le grand entretien du Bondy Blog ». Il vous sera proposé chaque vendredi pour faire la connaissance d’une personnalité marquante pour le Bondy Blog. Action !

Extraits de l’entretien avec Sarah Ourahmoune 

Sur sa médaille d’argent aux Jeux olympiques de Rio :

« A Rio, ça a été très particulier. Les Jeux, c’est une compétition à part, hors du commun. Ca a été très fort très émotionnel parce qu’il y avait cette médaille, qui représente beaucoup, vingt ans de travail, énormément de sueur, de larmes, de joie, d’obstacles mais en même temps c’était aussi mon dernier combat. J’étais partagée entre la joie de cette médaille et en même temps la nostalgie de me dire que c’était la dernière fois sur le ring, sur le podium face, au public. Une sensation très bizarre. C’était très fort (…) Beaucoup de fierté, beaucoup beaucoup de fierté ( de la part de ses parents, nldr) C’est vrai que quand j’ai commencé, on n’imaginait pas une évolution aussi importante de la boxe féminine ».

Sur sa place à l’INSEP :

« 2002, l’INSEP, c’était un de mes objectifs. J‘avais vraiment besoin de l’intégrer. Pour moi , c’était la terre des champions, une belle fierté que de pouvoir l’intégrer. Il y a eu un concours d’entrée en juin. On vous met sur un ring face à un adversaire et on vous observe, on voit si vous avez des capacités à faire du haut-niveau. Après, il y a un entretien pour travailler sur le double-projet : études et sport . Ca a été très rapide. Au départ, j’étais censée dormir à l’INSEP tous les soirs mais j’ai eu besoin de rentrer chez moi, de me ressourcer et de sortir de cette bulle trop sportive. Ca a un coté enfermant. Pour moi, ça a été compliqué car la sphère familiale est importante et je me retrouvais dans un milieu où on ne parlait que de sport et que de performances. Même les études étaient tournées autour du sport, j’avais besoin de sortir de tout ça. Je suis retournée chez moi et d’ailleurs, c’est à cette période que j’ai décidé d’arrêter la boxe. Trop de boxe tue la boxe ! Je n’arrivais plus à suivre les études et on me proposait que des formations dans le sport ».

Sur les championnats du monde de 2008 :

« Je boxe en finale une Chinoise en Chine. J’enchaîne les combats pendant une dizaine de jours avec mort subite. Je passe les tours jour après jour. Je me retrouve en finale, un niveau que je n’avais jamais atteint. Bien sur qu’on vise un podium, mais pour moi une médaille de bronze aurait été un bel objectif. Le combat se déroule plutôt bien, j’avais le sentiment de gagner. Les juges en ont décidé autrement. Ils ne comptaient pas mes touches et quand je mettais des points, ils les lui attribuait. A la fin du combat, je suis déclarée perdante et j’apprends quasiment neuf mois après que mon adversaire était dopée. Je reçois un message sur mon blog d’une fille qui suivait la boxe mais que je ne connaissais pas. Elle me demande si j’ai reçu ma médaille car la Chinoise n’est plus numéro une. Du, coup je me renseigne et je vois dans le classement que je suis numéro 1! Sur le coup, je me dis qu’ils se se sont rendus compte qu’ils m’avaient volée !  Mais en fait, pas du tout! Comme elle a été contrôlée positive, ils lui retirée la médaille d’or. (…) J’ai reçu la médaille par la Poste et j’ai renvoyé la médaille d‘argent à la Russe ! Très particulier de recevoir cette médaille par la poste ! »

Sur le sport comme vecteur d’intégration selon certains :

« Moi, je suis née en France je n’ai pas eu besoin de m’intégrer ; je me sens française à 100 %. Ce sport a été une passion et pas un moyen d’intégration.  Le sport comme valeur éducative oui c’est vrai je le vois bien dans mon travail et ce que j’ai vécu le sport m’a apporté ces valeurs éducatives solides, la discipline, la rigueur, le goût de l’effort mais en termes d’intégration, c’est ridicule ».

Sur son entreprise :

« J’ai un volet séminaire et team building où j’utilise la boxe comme outil de développement personnel. L’autre volet c’est le développement de gants de boxe. Là, ça s’ adresse au grand public. Les gants sont connectés à des capteurs qui permettent de mesurer l’activité. Dans une deuxième version, ce sera des programmes d’entraînement et des compétitions sous forme de e-game. Pour tout ce qui est séminaire et développement personnelle, l’activité est opérationnelle depuis début 2012 et les gants connectés, le premier prototype est là. Je passe à la version 2 avec pour objectif  de la commercialiser dans un an. »

Sur son engagement dans les quartiers :

« C’est très important et encore plus maintenant que je suis une athlète et médaillée. Je vois bien que j’ai un rôle modèle et une responsabilité, que je suis un peu plus écoutée qu’avant. C’est un devoir, c’est une vraie responsabilité. En même temps, je me dis que dans ma vie j’essaye d’être droite, ça prend du sens c’est logique et je l’assume pleinement. Aux jeunes dans les quartiers populaires, je leur dis d’oser surtout, de faire sauter les freins. Très souvent, on est dans l’autocensure, de foncer, quand on a des rêves, faut y aller. Comme tout le monde, j’ai des peurs. Même dans l’entreprenariat, je touche à un domaine que je ne connais pas bien, le digital. Tous les jours, j’ai peur. J’y vais au pire je raterai, pas grave et je pivoterais sur autre chose ».

Propos recueillis par Nassira EL MOADDEM et Fethi ICHOU

Crédits photo : Florentin COTI

 

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