Traiter du djihad à travers la fiction n’est pas une mince affaire tant le sujet est ancré dans la réalité de notre quotidien. C’est pourtant le défi que s’est lancé la réalisatrice Cheyenne-Marie Carron. En toute indépendance, elle a auto-produit le film La Chute des Hommes.

Ce drame raconte l’histoire de Lucie (Laure Lochet), une jeune femme qui part à l’étranger pour travailler sur les parfums. A l’aéroport de ce pays inconnu, elle rencontre Younès (Nouamen Maâmar), un chauffeur de taxi qui la livre aux mains de ravisseurs islamistes dont fait partie Abou (François Pouron), djihadiste d’origine française. Long de 2h20, le film raconte cette chute à travers le point de vue de ces trois personnages. Lucie est une jeune femme de son temps. Pleine de vie, on l’observe d’abord dire « au revoir » à ses proches avec une naïveté qui ne la quittera jamais. Cinéma oblige, rien ne se passe comme prévu. Un collègue qui devait la réceptionner à l’aéroport a un empêchement. C’est alors qu’elle rencontre Younès. En grandes difficultés fiancières, l’homme pourtant pieux accepte la proposition d’islamistes qui lui promettent de l’argent s’il leur « livre une Occidentale ». La chute débute alors.

Un message politique

L’ambition de La Chute des Hommes est évidemment patriotique. Les terroristes sont décrédibilisés. Dans de nombreuses scènes, nous les voyons plus ridicules qu’effrayants avec leurs « Allahu akbar » gênants et leurs caméras qui ne fonctionnent pas. De l’autre côté, le personnage de Lucie qui se voulait solaire laisse la place à une femme au visage de plus en plus assombri. On la voit forte et courageuse, sans doute trop. A travers ses mots, un message délivré à ces Français qui partent en quête d’un autre idéal : « Tu crois ce qu’ils te disent ? Tu es juste un futur corps dans un fossé ».

C’est bien ici que le film de Cheyenne-Marie Caron trouve son utilité. A travers les personnages de Lucie, Younès et en particulier d’Abou, la réalisatrice s’adresse à la jeunesse perdue. Dans La Chute des Hommes, nous observons des Français, de souche comme d’ailleurs, qui retrouvent la fierté d’être des hommes en faisant couler le sang. Mourir en martyr est leur rêve. A l’écran, nous observons Abou perdre peu à peu ses convictions fragiles. Mais l’endoctrinement, très bien mis en avant, prend le dessus sur lui. Finalement, en décrédibilisant les djihadistes, la fiction perd en crédibilité mais gagne en profondeur morale.

Le cinéma au service d’une foi

Différentes clés de lecture se cachent derrière ces trois chutes. Cheyenne-Marie Carron n’hésite pas à faire endosser ses propres opinions à ses personnages. La critique de la politique actuelle n’est pas voilée quand Lucie parle de « ces gens qui font la guerre sans nous ». Celle du port du voile, non plus. Et c’est peut-être là que les prises de position, très religieuses, de la réalisatrice pourront en déranger certains. Le film s’éloigne d’une histoire déjà longue et complexe en faisant dire à l’épouse de Younès qui est nue : « Je ne veux plus me couvrir. Si tu m’aimais, tu me donnerais de la liberté, tu m’emmenerais dans une démocratie ». Plus tard, le destin propose une « rédemption » au personnage d’Abou. Après avoir frôler la mort, l’homme conclue son récit en chantant « je vous salue Marie », la main sur une icône orthodoxe.

Cheyenne-Marie Carron ne s’en cache pas, c’est une réalisatrice patriote chrétienne. Elle met son œuvre au service de sa foi. Son précédent film, L’Apôtre, racontait l’histoire « d’Akim, jeune musulman appelé à devenir imam qui voit son identité bouleversée alors qu’il est touché par l’amour du Christ ». Ce dernier avait subi des déprogrammations. Bien que ce nouveau projet échappe aux excès du prosélytisme cinématographique, le message de la réalisatrice a le défaut de pouvoir être mal interprêté.

La Chute des Hommes reste un film dramatique qui pose des questions utiles car actuelles et préocuppantes. Cette chute est aussi la chance de pouvoir découvrir des acteurs talentueux en pleine ascension.

Oumar DIAWARA

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