Et si on laissait la voiture dans le garage et on arrêtait de se prendre la tête à calculer la marge d’avance que l’on doit avoir afin de ne pas arriver en retard en prenant le RER ? C’est ce que j’ai fait en prenant le vélo pour faire Paris-Bondy. Zoom sur un itinéraire pas si infaisable que cela, même un soir de pluie.

Pari a été pris en conférence de rédaction. Un « Paris Bondy à vélo, chiche Yousra » ?! Je ne suis pas du genre à me défiler devant un défi !

Ce jour de décembre, je suis accompagnée de Charles Maguin, le président de l’association Paris en Selle,  pour réaliser mon challenge. Il milite activement pour promouvoir le deux-roues dans la capitale. Dans la cour de son immeuble parisien, plusieurs vélos sont disponibles. Il prend le « hollandais », je prends le  « vélo de randonnée ».

Nous partons donc à l’aventure. Départ à 18h30. Nous avons emprunté le chemin d’un certain nombre de cyclistes, invisibles de la société, comme l’ont théorisé les médias américains. Sous les petites gouttes, brassard fluo sur le bras gauche pour être bien vus notamment dans les virages, gourde et vin chaud pour la survie, gants pour que le froid ne nous paralyse pas et baskets bien ficelés pour éviter de tomber bêtement.

Pistes cyclables : Paris en retard par rapport à d’autres grandes villes européennes

Depuis Château d’eau, direction Stalingrad pour récupérer le canal de l’Ourcq. Encore faut-il sortir de la jungle parisienne… Entre certains bus qui ont oublié la vague idée de l’espace vital et des automobiles qui serrent la piste cyclable, le cycliste avance et a comme privilège un mètre d’avance quand le feu passe au vert. La belle affaire. Qu’en est-il des pistes cyclables ? « Paris est très en retard par rapport aux autres grandes villes européennes telles que Londres ou Copenhague. Regarde, il y a des discontinuités partout », m’explique Charles. « Mais de nouvelles pistes cyclables sont en train d’être aménagées. Là, on est obligé de contourner le camion pour récupérer la piste ». Afin de doubler les voitures et récupérer une autre piste, nous sommes obligés de passer par le trottoir pour rejoindre l’espace « sécurité ». « Généralement, quand il n’y a pas de pistes cyclables, on sert à droite. Les pistes cyclables sont beaucoup trop souvent sur une partie du trottoir alors qu’elles devraient prendre la place des stationnements de voitures par exemple« . On se retrouve mêlés aux piétons auxquels on indique notre présence à coups de sonnette.

Voies peu éclairées, panneaux d’affichage insuffisants

Nous voilà arrivés au niveau de la Villette, grand espace de promenade du XIXème arrondissement. « Dans les balades nocturnes, tu as la poésie urbaine du canal et des usines, la surprise tonitruante du train qui passe, des tronçons paisibles et bien éclairés pour une part importante… », raconte Charles. La piste lisse est entrecoupée de pavés qui secouent les cyclistes que nous sommes. On croise une famille qui ne nous voit pas. Une partie de ce chemin n’est pas éclairée. On prend la direction Nord, on suit presque les chemins de fer, sauf que l’on est à un mètre du canal et on a sans cesse l’impression de s’approcher du vide jusqu’au moment où on reprend confiance. Encore faut-il bien savoir conduire un vélo. La pratique du vélo en milieu hyper urbain nécessite des infrastructures et un peu d’apprentissage. Un bon vélo est un investissement. Les pistes aménagées sont assez rares. C’est le cas près du théâtre de Pantin par exemple où l’endroit est éclairé. « Il a fallu qu’on demande à une passante l’endroit où on était, s’agace Charles. Ce n’était même pas précisé. Pour améliorer le lien entre la banlieue et la capitale, de simples panneaux d’affichages suffisent. Cela permettrait de savoir où on est et à quelle distance en minutes de sa destination ».

On s’enfonce dans les profondeurs du chemin sans lumière. « Ce n’est pas rassurant pour une personne seule. En pleine zone industrielle, même si le chemin est tout tracé, on ne sait pas où on va. Heureusement, j’ai rechargé mon portable« . Cela ne nous empêche pas d’admirer le street art des deux rives. Notre moment d’absence est interrompu par les gens, parce qu’il y a effectivement des gens qui empruntent ces pistes, habitués à courir, à marcher, à prendre l’air, à pédaler. On rencontre un homme, bien couvert : »Je fais ce trajet tous les jours matin et soir. C’est plus économique« . On oublie que le Pass Navigo n’est pas une affaire de tous. On est passé à côté de l’autoroute A3 et A86. Charles et moi nous nous sommes rappelés les heures passées dans la voiture à patienter nerveusement que le trafic reprenne. Si on avait pensé à prendre le vélo à l’époque, on serait sûrement déjà arrivé ! On passe en dessous du pont de la Bergère. Éclairé, c’est un endroit prisé en été. Encore faut-il qu’il soit accessible.

15 kilomètres en 35 minutes !

Avec Paris en Selle, Charles veut décloisonner la capitale par le vélo. « Avant je conduisais ma voiture pour me rendre à la fac. Mon frère, lui, y allait à vélo. Depuis que j’ai compris l’évidence de ce moyen de transport, je me demande si on veut nous limiter dans notre élan en apportant guère d’intérêt à ce moyen de transport, pourtant peu coûteux au final pour les collectivités ». L’idéal pour Paris en Selle serait qu’il y ait un réseau de pistes cyclables franciliennes sécurisées et bien identifiées qui permettent de connecter le centre de l’agglomération à la périphérie parisienne. C’est ce qu’a fait Londres par exemple avec son réseau de Cycling Super Highways, qui transportent à certains endroits plus de passagers que les bus.

Au total, nous avons parcouru 15 km avec une vitesse située entre 15 à 20 km/h en moyenne, une vitesse plutôt tranquille, avec quelques pauses pour discuter et admirer le paysage urbain. Paris-Bondy nous a pris environ 35 minutes, seulement 15 minutes de plus que le RER Saint-Lazare Bondy. C’était sans compter les lunettes imbibées d’eau, les cheveux trempés, les pieds mouillés jusqu’au os. Mais Pari réussi !

Yousra GOUJA

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