Après Paris et la Guyane, la Seine-Saint-Denis est le troisième département français le plus touché par le virus du sida. Au centre de dépistage de l’hôpital André-Grégoire de Montreuil, des médecins luttent quotidiennement contre ce fléau, entre campagnes de prévention, consultations parfois délicates et moyens insuffisants. Reportage.

Des affiches de prévention contre le VIH, la tuberculose ou encore les hépatites virales ornent les murs du Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic du VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (CeGIDD) de l’hôpital André-Grégoire de Montreuil. Au milieu de la salle d’attente, des prospectus informant sur l’utilité du préservatif et l’importance des tests de dépistage sont proposés aux patients.

Situé au bout du couloir, à gauche de l’entrée principale, ce centre, ouvert en avril 2016, est un endroit discret mais facile d’accès. « Ici, on aborde des problématiques intimes, c’est pourquoi la confidentialité est essentielle », explique Pauline Penot, médecin et coordinatrice du CeGIDD.

En Seine-Saint-Denis, 450 nouveaux cas de VIH chaque année

Troisième département français le plus touché par le VIH après Paris et la Guyane, la Seine-Saint-Denis voit 450 nouveaux cas de VIH être détectés chaque année, soit 2,5 fois plus que dans le reste du pays. Les homosexuels masculins (26%) et les primo-arrivants constituent les populations les plus touchées par le virus. Pour 30 % des personnes infectées, la maladie est diagnostiquée à un stade avancé.

Autre chiffre inquiétant : 40% des migrants atteints par le sida ont contracté la maladie après leur arrivée sur le territoire. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une grande partie d’entre eux n’est pas arrivé en France avec le VIH, indique Pauline Penot. Cela peut s’expliquer par les mauvaises conditions d’accueil que nous leur offrons ». Une explication partagée par Cécile Winter, médecin au sein du service de médecine interne et des maladies infectieuses. « Les difficultés financières peuvent aggraver les risques de contracter le VIH, estime-t-elle. Comme pour toutes les maladies, plus vos conditions de vie sont difficiles, plus vous êtes exposés ».

Prévenir, diagnostiquer, traiter

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Pauline Penot, médecin et coordinatrice du CeGIDD.

Face au constat, dramatique, le rôle du centre est triple. Il mène régulièrement des campagnes de prévention pour informer sur le VIH, les hépatites virales et autres infections sexuellement transmissibles (IST). « Nous sensibilisons des lycéens et nous les faisons venir ici pour leur expliquer notre action, rapporte Pauline Penot. Nous sommes également allés à la rencontre des prostituées du bois de Vincennes avec l’association AIDES. Notre objectif est d’informer au mieux les personnes ». A ces campagnes de sensibilisation, s’ajoute un travail de dépistage et de diagnostic. L’une des missions du centre consiste notamment à détecter le virus et « à débusquer les infections muettes qui facilitent la transmission du VIH et participent à sa propagation, et qui peuvent avoir des conséquences sur la fertilité féminine », précise-t-on. Dans ce cadre, des consultations sans rendez-vous, gratuites et confidentielles, sont organisées quatre fois par semaine pour les patients qui viennent de leur propre initiative.

Une fois ce diagnostic effectué, les patients infectés se voient proposer un traitement. C’est la troisième étape : le traitement. Le CeGIDD travaille en coordination avec le service dédié aux maladies infectieuses, auquel il est rattaché, pour assurer un suivi des patients atteints. « L’avantage de notre structure, c’est qu’il n’est pas nécessaire, le plus souvent, d’adresser nos patients à l’extérieur. Nous détectons les maladies puis nous les traitons ici », explique un médecin. 800 personnes âgées de 20 à 85 ans et infectées par le VIH sont suivies à l’hôpital André-Grégoire de Montreuil.

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Cécile Winter, médecin au service de médecine interne et des maladies infectieuses.

Face à l’inquiétude des patients, le personnel sait se montrer à l’écoute. Anne-Laurence Doho, l’infirmière référente du Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic du VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles, y travaille « 90% du temps ». Elle reçoit les patients, « effectue les prises de sang et les dirige selon leurs besoins ». Elle tente surtout de rassurer les plus anxieux. « Certains ne dorment pas pendant trois ou quatre jours, assure-t-elle. On leur dit de ne pas s’inquiéter et on essaie de voir comment on peut les soutenir ». Malgré cela, certaines situations peuvent devenir difficiles à gérer. Anne-Laurence Doho se souvient particulièrement d’une jeune fille que son copain avait trompée avec une personne sous traitement. « Très en colère, elle est venue au CeGIDD avec un couteau et elle menaçait de le poignarder si le résultat du test était positif, relate l’infirmière. Elle a vu le médecin (…) et finalement, le résultat était négatif ».

8 millions d’euros par an : « il faudrait davantage de moyens »

Assurer de telles missions a un prix : le conseil départemental de Seine-Saint-Denis dépense chaque année 8 millions d’euros pour lutter contre l’épidémie. « Les CeGIDD sont financés à 80% par les agences régionales de santé », ajoute Pauline Penot. Mais il faudrait davantage de moyens dans la mesure où le département est un territoire particulièrement affecté ».

« Dans les années 1990, le VIH faisait davantage recette, déplore la médecin. Aujourd’hui, l’information circule moins : les personnes qui viennent au CeGIDD découvrent souvent le dispositif par Internet. Les peurs et les idées reçues ont la dent dure : il faut continuer à sensibiliser, à dépister, à échanger ».

Maéva LAHMI

Crédit photo : Felipe Paiva

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