[PRIMAIRE DE LA GAUCHE] Arnaud Montebourg a tenu, mercredi soir dans le 19e arrondissement de Paris, son dernier meeting avant le premier tour. Devant un public déjà conquis, l’ancien ministre de l’Économie a concentré son discours sur ses thématiques de prédilection, tout en accentuant sa différence avec ses adversaires, Benoît Hamon en tête.

« C’était du grand Montebourg ! » A la sortie du gymnase Jean-Jaurès à Paris (19ème arrondissement), les militants sont ravis. Ils ont assisté au dernier meeting de leur champion, Arnaud Montebourg, avant le premier tour de la primaire de la gauche dimanche. Comme tous les derniers meetings qui se respectent, l’ancien ministre de l’Économie avait pensé cela comme une ultime démonstration de force.

« Le socialisme de Jaurès, pas celui de Valls, pas celui de Macron ! »

A défaut de Christiane Taubira, qui ne l’a pas soutenu publiquement, il a dégainé Gérard Filoche, rallié de l’avant-veille, et Guy Bedos, ex-futur président de son comité de soutien, présent pour la première fois de la campagne à ses côtés. Le premier a démarré fort la soirée, en parlant du « socialisme » comme une « idée neuve » à défendre, avant de préciser : « Le socialisme de Jaurès, pas celui de Valls, pas celui de Macron ! » Les attaques sont lancées.

Meeting de Montebourg pour la primaire de la gauche. Arnaud Montebourg.

Meeting de Montebourg, à Paris.

Un peu plus tard, le second a pris la parole en jurant que ce n’était pas prévu. Au vu de l’indigence de son propos, on veut bien croire en tout cas que ce n’était pas préparé. L’humoriste a dit qu’il était de gauche mais pas socialiste, il a glissé que Montebourg n’avait ni le physique, ni le tempérament d’un homme de gauche mais qu’il l’était bien et puis, il a rappelé qu’il était contre le racisme sous toutes ses formes, en ajoutant : « Mais je ne suis pas toujours d’accord avec la façon dont mes amis musulmans traitent les femmes. Je le dis. Je m’en fous si ça déplaît à certains ». On ignore si Arnaud Montebourg avait eu vent de ce que son soutien Guy Bedos allait tenir comme propos.

Dans son discours, Arnaud Montebourg, lui, n’a pas fait mention une seule fois du mot « islam« . Tout comme il a soigneusement laissé de côté les questions d’identité. Lui, était là pour parler travail, économie, projet de société et révolution politique. Pour convaincre, aussi, que l’élection présidentielle à venir était gagnable. « Oui, la gauche est en train de renaître, elle se relance, a-t-il affirmé. (…) La gauche est de retour ! » Et l’homme de Frangy-en-Bresse de citer Jaurès, Blum, Mitterrand, Jospin…

Hamon directement visé, le revenu universel « pas un projet de société »

Cette grande lignée de la gauche, Montebourg a montré qu’il voulait y trouver sa place. Au premier rang de préférence. En préambule de son allocution, l’ancien ministre de l’Économie a rappelé qu’il avait bâti sa carrière politique « en sachant dire non », citant ses combats depuis 1995 jusqu’à son ultime « non« , celui aux orientations politiques de François Hollande et de Manuel Valls, ayant conduit à son départ du gouvernement à l’été 2014.

Sur l’économie, Montebourg a fait du Montebourg : il a parlé « démondialisation« , « made in France », « fin de l’austérité », « redressement économique »… Il a insisté à de nombreuses reprises sur sa volonté de s’opposer au « mur des puissants », une formule qu’il avait lancée lors du deuxième débat télévisé, dimanche. Le tout avec l’accent qui est le sien, volontiers offensif. Y compris contre ses amis.

Benoît Hamon en a fait les frais, comptant comme une des cibles principales du discours de Montebourg. En vogue dans les enquêtes d’opinion, l’ancien ministre de l’Éducation s’est vu reprocher sa proposition d’instaurer un revenu universel. Montebourg a dénoncé une proposition « expérimentale pour 2022 », qui n’est « pas un projet de société ». A ce revenu pour tous, l’ancien ministre a opposé la « valeur travail », arguant à plusieurs reprises qu’elle n’était pas de droite. L’idée, en creux, était de montrer qu’à la solidarité de Benoît Hamon (que lui appelle de la « résignation« ), Montebourg préfère « le salaire juste » pour ceux qui « se retroussent les manches ».

La 6e République et la lutte contre les discriminations

Meeting de Montebourg pour la primaire de la gauche. Arnaud Montebourg.

Meeting de Montebourg, à Paris.

Le climat a beau être un peu tendu entre les deux hommes en cette fin de campagne, les sympathisants, eux, ne s’y trompent pas. « Si Hamon gagne la primaire, on sera très content aussi, explique Manon, une Parisienne de 25 ans. Ils ont quelques différences mais ils se retrouvent sur l’essentiel ». Un sentiment résumé par Gérard Filoche en début de soirée, dans une formule très applaudie : « On peut gagner cette élection dès le 22 janvier… si on a un deuxième tour entre Hamon et Montebourg et qu’on réussit à éliminer Valls ! »

Montebourg réserve d’ailleurs ses principales piques à Marine Le Pen (« la candidate de l’étranger », dont il attaque les liens avec Poutine et Trump) et François Fillon, « l’ultra-libéral » qu’il fait huer à plusieurs reprises. En une heure à peine, le député a parlé de la droite, de l’extrême-droite, de la France, d’économie, de social, d’international… Il s’est parfois enflammé, comme lorsqu’il a défendu son projet de 6e République (« c’est la fin du 49.3, Manuel ! ») ou sa vision d’un État « fort avec les puissants, bienveillant avec les plus faibles ». Des thématiques qui ont plu à l’assistance, qui a aussi applaudi lorsqu’il a eu un mot pour ces « diplômés des quartiers populaires, désespérés de la France, discriminés parce qu’ils s’appellent Hakim ou Farid » ou qu’il a appelé à « redresser le drapeau du discours du Bourget, tombé à terre, dans la poussière ». Orateur doué, Montebourg n’a pas innové ni sorti de proposition nouvelle de son chapeau mais il a eu le mérite d’enthousiasmer un public déjà acquis à sa cause.

« Je suis venu de Saône-et-Loire pour l’écouter, explique Bertrand, un retraité de 72 ans. Il était au sommet de sa forme, il est monté en puissance. Lors des débats, il était un peu en-dedans. Là, c’était lui, avec toute sa force ! » Même tonalité chez Espérance, venue d’Issy-les-Moulineaux et… ancienne baby-sitter des enfants de Montebourg. « J’étais une désenchantée de Hollande, il m’a beaucoup déçue, explique-t-elle. Là, je retrouve l’envie de voter. Montebourg est dynamique, il était enthousiaste quand il a parlé de diversité ou des quartiers populaires. Ça m’a beaucoup plu ». Enthousiaste, Montebourg n’en a pas moins perdu sa voix ce jeudi. « Je vais essayer de finir avec ce qui me reste », a-t-il glissé avec le sourire en fin de discours. Il en aura pourtant bien besoin pour marquer des points, dès jeudi soir, lors du dernier débat avant le premier tour. Un rendez-vous peut-être décisif dans cette indécise campagne de la primaire de gauche.

Ilyes RAMDANI

Crédit Photo : Julien Autier

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