[PRIMAIRE DE LA GAUCHE] Alors que Benoît Hamon et Manuel Valls espèrent mobiliser pour bénéficier d’une forte légitimité à l’élection présidentielle, le Bondy Blog s’est rendu au marché de Montreuil, ville historiquement ancrée à gauche, à la rencontre de ces sympathisants de gauche qui ont fait le choix de ne pas se déplacer aux urnes ce dimanche.

« Deux euros les clémentines, deux euros ! » Sur le marché de Montreuil, clients et commerçants semblent plus préoccupés par les affaires que par le deuxième tour de la primaire de gauche. Sur les étals, fromages, jouets, vêtements, fruits et légumes séduisent les promeneurs du dimanche, en solo ou en famille.

Ici, les habitants discutent, s’apostrophent, négocient, plaisantent mais évitent de parler politique. Et beaucoup ne prêtent aucune attention au bureau de vote qui se trouve sur le trottoir d’en face, le centre de quartier Jean Lurçat, rue de la Solidarité.

Déçu par le quinquennat, Roger « ne croit plus en la gauche »

rachid

Rachid, 55 ans : « J’ai honte de dire que j’étais de gauche ».

Parmi les badauds, quelques électeurs de gauche ont décidé de ne pas se rendre aux urnes. Beaucoup d’entre eux expliquent avoir été désabusés par le quinquennat de François Hollande. Roger, un retraité de 68 ans, avoue « avoir voté socialiste en 2012 ». Il est aujourd’hui désabusé. « Tout ça pourquoi ? Hollande n’a pas tenu ses promesses et n’a pas su relever la France ». Écœuré par « une succession de mesures, du CICE à la loi El Khomri », il refuse de donner sa voix à un parti « qui le décevra à nouveau ». Même désillusion chez Mohamed, étudiant en histoire de 22 ans. « Voter ne sert plus à rien, estime-t-il. À chaque fois, on soutient un candidat avec l’espoir qu’il changera les choses, mais la déception est toujours la même ».

« Les politiques ne sont pas à la hauteur, résume Rachid, 55 ans, vendeur d’épices au marché de Montreuil. Avant, je votais par conviction. Aujourd’hui, j’ai honte de dire que j’étais de gauche ». Agacé, il évoque plusieurs décisions polémiques du gouvernement qui l’ont conduit à désormais s’abstenir.

« J’aimerais voter mais pour qui ? »

Le marché de Montreuil

Les allées du marché de Montreuil, dimanche 29 janvier

Quelques mètres plus loin, devant un stand de fromages, Amina, institutrice de 44 ans, considère que « ne pas voter est un nouveau mode d’expression. Cela signifie clairement que je refuse de contribuer au système politique tel qu’il est. (…) Un vote blanc signifie que l’on n’a pas été convaincu par un candidat mais que l’élection nous intéresse quand même, ce qui n’est pas mon cas ». A ses côtés, Pierre, son compagnon, partage son avis. « Tout le monde critique l’abstention et répète qu’il faut voter. Mais l’abstention peut aussi avoir un sens. Refuser de se déplacer pour soutenir telle ou telle personnalité politique, ce n’est pas anodin », soutient-il. Et d’ajouter que « beaucoup de ses proches ont choisi l’abstention pour signifier leur dégoût de la politique ».

Devant le stand de vêtements à l’entrée du marché, les avis semblent moins tranchés. Youssef, commerçant de 50 ans, affirme avoir eu « envie de voter et s’être intéressé aux débats ». Pour autant, il n’a été convaincu « par aucun candidat à l’élection présidentielle, sauf peut-être Macron, qui a au moins le mérite de renouveler le paysage politique ». Aline, infirmière de 32 ans, s’interroge. « J’aimerais voter mais pour qui ? Certes, les idées de Benoît Hamon sont plutôt intéressantes, mais elles sont irréalisables. Et Valls est l’héritier du quinquennat Hollande ». Thomas, son frère, étudiant en Lettres, ajoute en avoir « assez de voter contre, de choisir le moins pire ». Il se rendra à nouveau aux urnes « le jour où un candidat lui donnera à nouveau foi en la politique de sorte que voter devienne un plaisir et non plus un effort ».

Maéva LAHMI

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