ne compte plus que vingt-neuf médecins scolaires, soit un médecin pour 12 000 élèves. Ce jeudi, syndicats d’enseignants, parents d’élèves et associations se sont mobilisés à Montreuil pour mettre l’État face à ses responsabilités. Reportage.

« Qu’est-ce qu’on veut ? Des médecins scolaires ! » « Le droit à la santé, c’est vital. Nous voulons des visites médicales« . Les messages sont clairs, ils ont été marqués sur le sol à l’aide d’une bombe de peinture et scandés par une cinquantaine de personnes, jeudi après-midi, à Montreuil. Plusieurs organisations (SUD Education, FSU, FCPE 93 et la Ligue des Droits de l’Homme) ainsi que quelques parents d’élèves accompagnés pour certains de leurs enfants se sont rassemblés devant le tribunal administratif de la ville pour dénoncer la pénurie de médecins et d’infirmiers scolaires dans le département, le plus jeune et le plus pauvre de France.

« Le médecin scolaire, c’est parfois le seul contact de certaines familles avec la médecine »

« La situation est désastreuse. Ici, il y a des familles avec des revenus très modestes. Elles ne peuvent pas se rendre chez le généraliste aussi souvent qu’il le faudrait. La médecine scolaire, c’est parfois leur seul contact avec la médecine« , explique Yann, 32 ans, enseignant à Aubervilliers depuis une dizaine d’années. « Par manque de moyens ou de personnel formé, on a du mal à diagnostiquer les problèmes des enfants à temps et à assurer un vrai suivi. On est laissé à l’abandon« , poursuit-il.

29 médecins scolaires pour 340 000 élèves en Seine-Saint-Denis

Aujourd’hui, la Seine-Saint-Denis ne compte plus que 29 médecins scolaires, sur les 47 postes prévus, pour s’occuper des quelque 340 000 élèves, de la maternelle au lycée, selon les données du médiateur de l’Education nationale. Ce qui représente « un médecin pour 12 000 élèves« . Dans certaines villes du département, il n’y a plus aucun médecin scolaire du tout. C’est le cas aux Lilas où le docteur est parti il y a plus d’un an. « Ça faisait cinq ans qu’elle devait prendre sa retraite et qu’elle repoussait pour nous, le temps que l’Éducation nationale lui trouve un remplaçant. Aujourd’hui, le poste est toujours vacant car personne ne veut l’occuper. Ma fille n’a pas eu de visite médicale lors de son passage en CP alors que c’est obligatoire dans la loi« , déplore Lisa Tapia, représentante de la FCPE 93. « Seulement 10% des enfants ont eu le droit à cette visite médicale à l’âge de 6 ans« , selon les organisateurs de la manifestation.

« S’il n’y a plus de visite médicale, on passera à côté de nombreuses pathologies »

Comment explique-t-on une telle situation et un tel désamour pour cette profession ? « Les conditions de travail et les salaires des médecins scolaires sont ridicules. Les internes abandonnent vite cette voie lorsqu’ils se rendent comptent qu’ils gagnent mieux leur vie en tant qu’interne qu’en tant que médecine scolaire« , répond Pierrette Clozier, membre du syndicat des médecins de Force ouvrière (FO). La femme de 72 ans a de nombreuses années de pratique médicale dans le milieu scolaire derrière elle mais elle sort de sa retraite une journée par semaine pour exercer dans des établissements de Bagnolet afin de « donner un coup de main » et « par amour du métier« . Pierrette Clozier regrette qu’aujourd’hui les médecins en milieu scolaire ne fassent plus que des « examens à la demande et des urgences« . « On ne peut plus faire de la préventionS’il n’y a plus de visite médicale, on passera à côté de nombreuses pathologies (visuelles, auditives, retards de langage, problèmes de croissance…) ou on ne les traitera pas suffisamment tôt. Et les enfants vont être en difficulté dans leur scolarité« . Selon la sexagénaire, la situation ne devrait pas aller en s’améliorant en raison des futurs départs à la retraite et des postes qui devraient rester vacants.

Demande d’assignation du ministère de l’Education et plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis

Ce manque de médecins en milieu scolaire n’est pas inhérent à la Seine-Saint-Denis mais il ajoute une difficulté dans un département qui en compte déjà beaucoup. Les organisateurs du rassemblement appellent les parents à témoigner et à déposer un recours afin d’assigner le ministère de l’Education en justice afin de mettre l’Etat par rapport à ses responsabilités. « Cette mobilisation n’est que le point de départ. Nous voulons une mobilisation d’une grande ampleur. Nous réclamons un plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis« , assurent les différents intervenants au mégaphone. « Dans tous les quartiers, dans toutes les régions, un même droit à la santé , un même droit à l’éducation« .

Kozi PASTAKIA

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