Les températures frôlent les cinq degrés. Face à l’Hôtel de ville de Bondy, un drôle de chapiteau trône fièrement au beau milieu de la place du 11-Novembre 1918. Il n’est pas question d’un cirque ici mais… d’une librairie ! Ses deux occupantes, Audrey Neveu et Clara Da Silva, se réchauffent grâce à un petit radiateur et beaucoup de café.

C’est l’année dernière, alors qu’elles travaillent à la Fnac, que les deux femmes décident, ensemble, de reprendre une librairie de Bobigny. Le projet est avorté. Plutôt que de baisser les bras, ces deux amoureuses des lettres se lancent un défi : monter leur propre librairie. Le Bondy Blog les avait rencontrées à leurs en mars 2017. Du chemin a été parcouru depuis.

Les deux amies trentenaires ont enfin réalisé leur rêve. La librairie s’appelle Les 2 GeorgeS, pour « George Orwell le visionnaire et George Sand l’impertinente », précise Clara, vêtue d’un long manteau rouge. « On occupe la tente depuis le 1er décembre. Ça se passe plutôt bien. Les gens qui viennent nous voir sont assez curieux, nous souhaitent la bienvenue. On a un accueil très chaleureux », s’enthousiasme-t-elle.

« Une librairie à Bondy, c’est super pour la ville ! »

La tente leur a été gracieusement prêtée par la municipalité de Bondy, en attendant l’ouverture de leur librairie, la vraie, le 2 janvier, initialement prévue pour novembre. Les locaux situés rue des Frères font plus de 96m2. « Bondy Habitat nous a fait un loyer modéré pour les cinq premières années et une franchise de six mois pour les travaux qui s’élèvent à un peu plus de 70 000 euros », explique Audrey Neveu. « On a un crédit bancaire, une subvention du CNL, de la région et de la DRAC, on a un prêt d’honneur de l’ADELC et de France initiative », poursuit Clara Da Silva. De quoi débuter l’aventure entrepreneuriale sereinement.

Audrey Neveu et Clara Da Silva, les deux fondatrices de la librairie Les 2 GeorgeS.

« Ça nous tenait à cœur d’ouvrir pour les fêtes de fin d’année », soulignent-elles, pour justifier la présence du chapiteau sur la voie publique. Une boutique éphémère qui ravit les riverains. « C’est super pour la ville, ça manquait à Bondy. Avant, on devait se rendre à la Fnac de Rosny, raconte Fanny, 28 ans, agent de la SNCF, venue avec sa fille qui feuillette une BD. Un enthousiasme partagé par une autre maman accompagnée de son fils : « Un lieu de culture à Bondy, c’est important. Ces deux jeunes femmes sont des professionnelles, elles connaissent leur métier, c’est sympa de discuter avec elles. Elles nous conseillent sur des bouquins et ne sont pas là juste pour vendre des livres, mais pour nous aider à trouver quelque chose qui pourra nous plaire ». Même les plus jeunes saluent l’initiative. Comme Alexandre, lycéen de 16 ans à Jean-Renoir. « On pourra enfin acheter des livres dans notre ville et les garder chez nous… pas comme à la bibliothèque ! » lâche le jeune homme, sa planche de skate sous le bras.

En Seine-Saint-Denis, les habitants ont plus l’habitude de connaître des fermetures de librairie que des ouvertures. Le département, le moins bien pourvu de France, compte 14 librairies pour 1,5 million d’habitants.

Lieu de vie, lieu de rencontres

L’intérieur de la tente est étroit. L’espace est rempli d’objets : des bouquins surtout mais aussi des jouets, de la papeterie, de la déco… « On est une librairie généraliste. On a un peu de tout : littérature jeunesse, BD, mangas, de la littérature française, des polars, des livres de cuisine, etc. En ce moment, ce qui marche le plus c’est ce qui est pour la jeunesse. Les parents préfèrent offrir des livres plutôt que des jouets », avance Clara. Le duo souhaite également mettre à l’honneur les auteurs de Seine-Saint-Denis et la littérature féminine avec une parité entre écrivains masculins et féminins. Sans oublier des animations avec des lectures pour les enfants et des expositions avec des artistes du 93.

En attendant de pouvoir investir ses locaux, la librairie Les 2 GeorgeS vend ses livres sous une tente installée place du 11-Novembre, à Bondy.

Les curieux affluent malgré le froid, pas forcément pour acheter un livre, mais en quête d’une recommandation, d’un avis ou d’une simple discussion. Accessibles, à l’écoute, Clara et Audrey prennent le temps de conseiller chacun et de répondre à toutes les interrogations, même les plus étonnantes. « Quel est votre parcours ? » leur demande un riverain âgé d’une cinquantaine d’années. « On est libraires toutes les deux, j’ai par ailleurs suivi une formation de théâtre et de clown », répond Audrey. « Pas moi », sourit Clara. « Tu aurais dû, tu as des aptitudes ! » rétorque sa camarade.

Les difficultés, elles, sont toujours aussi nombreuses. « Il y a des contraintes manutentionnaires, on soulève des caisses 5 heures par jour, c’est fatigant. On ouvre à 9h et on ferme à 19h. On jongle avec une vie de famille, on a des enfants qu’il faut amener à l’école », énumère Audrey. Des enfants, qui, quand ils ne sont pas sur les bancs de l’école, soutiennent leur maman. « Je les ai aidées pour la décoration du coin enfant, glisse, dans un sourire, la fille d’Audrey, âgée de 12 ans. Je veux être décoratrice d’intérieur plus tard ». L’amour de l’art de mère en fille.

Ndeye SAMB

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