« Quand j’étais petit, je regardais Yves Mourousi et j’étais fasciné par ce personnage ». C’est l’une des premières confidences de Xavier de Moulins. De cette fascination pour ce grand monsieur de la télé française naît sa vocation pour le journalisme, une passion qui lui traverse l’esprit très jeune, « dès l’âge de sept ans », se remémore-t-il.

Issu d’une fratrie de sept enfants, le jeune Xavier grandit à Meudon-la-Forêt en banlieue parisienne. Première barrière : comment intégrer le milieu des médias quand on ne connaît absolument personne qui travaille de près ou de loin dans une rédaction ? « Ma mère était femme au foyer et mon père travaillait dans les assurances, donc ça n’avait rien à voir avec ce que je voulais faire. On dit souvent que lorsqu’on veut réussir dans ce milieu, il faut forcément avoir un père, un oncle ou un cousin qui est déjà en place. Mais je ne crois pas, assure-t-il, confiant. Il faut parfois aller au culot, avoir de la volonté et la conviction parce que quand on veut, on peut », rapporte-t-il face à la vingtaine de personnes venues l’écouter.

Deuxième difficulté : les études. Le journaliste reconnaît avoir été un piètre élève à l’école. « J’étais très problématique, voire un cas social ! », confesse-t-il dans un sourire. Une rencontre déterminante avec une enseignante va susciter chez lui un intérêt pour la littérature. « Elle s’est mise à croire en moi un peu plus que les autres et surtout plus que moi-même et elle m’a donné confiance. Elle a changé ma vie en m’offrant des livres notamment. Un jour elle m’a donné Mondo et autres histoires de Le Clézio. Le choc. Son geste d’abord et la lecture du roman m’ont foudroyé ».

Les premiers pas dans le journalisme

Son goût pour les lettres et l’écriture le pousse à envoyer CV et lettres de motivation pour décrocher des stages du haut de ses 17 ans. En parallèle à la rédaction de ses premiers papiers, il enchaîne un passage en classe préparatoire littéraire et obtient une maîtrise de lettres à la Sorbonne. Le « cas social » s’est rangé. À la même époque, le jeune Xavier entend parler d’un phénomène sans précédent qui prend de l’ampleur aux États-Unis : Internet ! Le journaliste y voit l’occasion de développer un peu plus ses compétences alors que les grandes rédactions lui ferment la porte au nez. Il choisit alors d’étudier à Paris Dauphine où il obtiendra un DESS [diplôme d’études supérieurs spécialisées, ndrl] en télécommunications. Cette formation lui permet de collaborer en 1994 au Guide du Routard et ce pendant sept ans. Il visitera de nombreux pays dont plusieurs en Asie.

Xavier de Moulins est néanmoins contraint d’arrêter son activité pour… effectuer son service militaire à La Garenne-Colombes ! « Je m’occupais d’enfants très difficiles dont plus personne ne voulait et qui avaient entre 11 et 15 ans. Je continuais d’écrire, je leur disais : ‘Laissez-moi tranquille une heure ou deux juste le temps d’écrire' », raconte-t-il. À la fin de son service militaire, le jeune homme devient pigiste régulier pour différents médias : Le Monde, Vogue, Les Inrockuptibles… En 1995 il écrit pour Faim de siècle, un magazine qui lutte contre l’exclusion et qui est distribué par des sans-abri. « Du journalisme solidaire et sociétal », résume-t-il. Il rencontre durant cette période Yves Eudes, aujourd’hui journaliste au Monde, qui le formera à la presse écrite.

L’expérience télé

Désormais à l’aise à l’écriture, Xavier De Moulins se lance un nouveau pari : la télévision. Il contacte « au culot » Alain de Greef, qui est à l’époque le directeur des programmes de Canal +. « Je regardais l’émission Nulle part ailleurs et une chroniqueuse était venue sur le plateau pour parler d’un sujet sur Internet. Elle disait n’importe quoi, je ne suis même pas sûr qu’elle comprenait ce qu’elle disait en réalité ! Alors j’ai envoyé un mail à Alain de Greef en lui disant que j’étais disponible le lundi ou le mardi suivant pour un entretien. Mais je lui ai précisé que j’étais très occupé et que je n’avais pas beaucoup de temps à lui consacrer ! » Rires dans la salle. « Et il m’a rappelé », conclut fièrement le journaliste. C’est ce culot qui l’a amené à être chroniqueur sur l’émission phare de la chaîne cryptée tout d’abord en étant la voix-off des magnétos puis à passer en plateau le 3 septembre 1999, son premier passage à la télévision. En 2001, direction « C Dans l’air » pour l’enregistrement du premier pilote de l’émission. Xavier de Moulins devait y être chroniqueur.  Mais les attentats du 11 septembre vont radicalement changer le format de l’émission.

Après un passage dans l’émission Les Maternelles où il dressait notamment un portrait décalé de l’invité, Xavier de Moulins fait la rencontre de Marc-Olivier Fogiel. « C’est à ses côtés que j’ai appris à faire de la télévision. C’était un producteur très exigeant et rigoureux mais très professionnel », rapporte le journaliste. « J’aime à penser que pour savoir où on va, on regarde d’où on vient », philosophe-t-il. Après une parenthèse de six mois dans le monde de la pub (« parce qu’il fallait bosser et pour voir autre chose »), on l’appelle pour animer l’émission Paris Dernière sur la chaîne Paris Première. « Cela m’a permis de ne plus avoir peur la caméra, de voyager, de faire des rencontres. J’ai énormément appris. Quand on fait une émission comme ça, après on peut tout faire ».

Alors qu’il se trouvait dans les Townships de Soweto en Afrique du Sud durant la Coupe du monde de football de 2010, Xavier reçoit un coup de fil de M6 (même groupe que Paris Première, ndlr) pour devenir l’un des présentateurs du journal télévisé de la chaîne, le fameux 19.45. « À force de travail », le journaliste entame cette année sa huitième saison à la présentation du JT, dont il est aussi le rédacteur en chef adjoint. À 46 ans, il est aux commandes du 19.45 (du lundi au vendredi) et du magazine 66 Minutes, qui cartonnent sur M6. Il s’est fixé une ligne intangible : rendre les informations compréhensibles : « Je suis dans un souci permanent de pédagogie pour donner les clés aux téléspectateurs ». L’un des participants de la masterclass l’interroge sur son collègue Bernard de Lavillardière. Réponse sans détours de Xavier de Moulins : « Sa manière de faire du journalisme est différente de la mienne, je trouve parfois qu’il va un peu loin. Je pense que c’est quelqu’un qui mérite mieux que l’image qu’il a… mais c’est quelqu’un d’intéressant, vous devriez l’inviter ! « .

Croquer la famille avec sensibilité

Le journaliste vedette n’en oublie pas l’écriture, passion depuis toujours. « J’écrivais beaucoup étant plus jeune, j’aimais la fiction. L’écrivain peut tout se permettre », souligne-t-il. Xavier de Moulins est l’auteur de plusieurs romans. Un Coup à prendre, sorti en 2011, a même été adapté au cinéma sous le titre Tout pour être heureux. Son cinquième roman, Les Hautes Lumières a été publié en octobre dernier. L’intrigue se déroule entre Bondy, Paris et El Jadida au Maroc. C’est l’histoire d’un couple qui ne peut avoir d’enfant. Pourquoi Bondy ? « Ce que j’aime dans la fiction c’est qu’on peut tout faire, tout imaginer. Et Bondy, j’adore ce nom ». Une obsession chez le romancier : le thème de la famille. « La famille peut être en même temps le paradis et l’enfer », sourit-il.

« Pour tenir face à l’actualité qui n’est pas toujours chouette, j’ai besoin de l’écriture, la lecture et le sport. Ce que j’aime c’est raconter des histoires. J’adore ce que je fais, c’est très complémentaire ». Le journaliste confesse s’être imposé une rigueur afin de concilier plateaux télé et écriture de romans, même si parfois la distinction n’est pas claire pour certains. « C’est très français de mettre les gens dans des cases, il est difficile pour certain de concevoir que je puisse être écrivain et journaliste, mais les mentalités évolueront… je l’espère ».

Félix MBENGA

Crédit photo : Rouguyata SALL

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