A suivre ce qui se passe du côté de mon pays d’origine, la République démocratique du Congo (RDC), ou le Congo-Zaïre, comme je l’appelle, il y a de quoi s’inquiéter. Les informations provenant des sites de journaux comme Radio Okapi, La Libre Belgique, RFI ou bien les messages envoyés par ma famille via WhatsApp, ne rassurent pas sur la situation du pays. Il faut dire que ces dernières semaines, Joseph Kabila, maître du Palais de la Nation depuis 2001 et qui n’est pourtant plus président depuis le 20 décembre 2016 date de la fin de son mandat, n’hésite pas à réprimer l’opposition, et tout particulièrement l’Église catholique. Des policiers et des militaires n’hésitent pas à gazer et à tirer jusque dans des églises, en pleine messe dominicale, comme lors des 31 décembre et 21 janvier derniers, faisant plusieurs morts, blessés et prisonniers à Kinshasa et dans d’autres villes du pays.

« Le régime de Kabila est dictatorial, exactement comme celui de son soi-disant père et celui de Mobutu »

Il faut dire que l’Église catholique a servi de médiateur entre le gouvernement et l’opposition pour trouver un accord le 31 décembre 2016, stipulant l’organisation d’élections présidentielles et législatives pour que Kabila se retire du pouvoir et qu’une alternance démocratique puisse se faire. Ce qui serait une première depuis l’indépendance « Cha cha » du 30 juin 1960. L’annonce d’élections pour la fin décembre 2018 n’a pas calmé les esprits à Kinshasa où beaucoup estiment que Kabila a fait son temps et qu’il doit partir le plus vite possible.

Un de mes cousins, qui a déménagé de Kinshasa vers Matadi, à 262 kilomètres plus au Sud-Ouest, sur le fleuve Congo, ne mâche pas ses mots envers le pouvoir. « Le régime de Kabila est dictatorial, exactement comme celui de son père et celui de Mobutu » assène-t-il, donnant comme exemples le traitement médiatique dans la télévision publique, pro-gouvernementale, et la concentration du pouvoir autour des proches du locataire du Palais de la Nation.

Ce virage dictatorial pris par le pouvoir central tente de museler l’opposition, désormais personnifiée par l’Église. En-dehors de Kinshasa, cette pratique affiche une certaine efficacité. « Les paroisses ont été encerclées par les policiers à la sortie de chaque messe le dimanche, étouffant ainsi toute initiative » souligne mon cousin. Un autre, vivant à Lubumbashi, la deuxième ville du pays, m’indique que ça n’a pas tellement bougé dans son coin par peur des troubles et de la répression policière. Cette peur fait que la parole est pesée. Il me relate des histoires d’arrestations de personnes ayant simplement écrit « Kabila, sors » lors d’une visite du président congo-zaïrois dans la ville. « Je dois aussi être prudent parce que les services des renseignements de Kabila tuent » affirme mon cousin de Matadi.

« Comme d’habitude à la veille d’une marche, l’Internet, les SMS, le signal de RFI et certaines radios locales sont interrompus »

Dans ce contexte, la diffusion d’informations et les échanges sur les réseaux sociaux sont capitaux. « Il y a quelques jours, on nous a coupe Internet et même les sms », déclare mon cousin de Lubumbashi. Mais ces coupures se font surtout quand des mouvements d’opposition au pouvoir appellent à manifester dans la rue. « Comme d’habitude à la veille d’une marche, l’Internet, les SMS, le signal de RFI et certaines radios locales étaient interrompus » ajoute mon cousin de Matadi, confirmant ainsi une critique lancée par Amnesty international en 2017  sur le blocage de l’information en RDC, et tout particulièrement sur les réseaux sociaux. Le pouvoir souhaite à tout prix censurer ce qui le gêne comme les vidéos prises durant des manifs qui montrent leur ampleur ainsi que la répression. J’ai tenté à plusieurs reprises de joindre par WhatsApp un cousin vivant à Mbuji-Mayi, la troisième ville du pays et berceau de ma famille, impossible. Même à Kinshasa, ces derniers jours la communication est quasi impossible.

Kabila ad vitam aeternam ?

Qu’en est-il de l’opposition ? Elle est fortement divisée et orpheline du leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Étienne Tshisekedi, mort le 1er février 2017 à l’âge de 84 ans. D’ailleurs, une crise s’est développée au sein du parti entre les partisans du fils, Félix Tshisekedi et ceux qui quittèrent le parti avec Bruno Tshibala, actuel Premier ministre de la RDC. En-dehors de l’UDPS, certaines personnes qui semblent incarner l’opposition à Kabila aujourd’hui, comme Vital Kamerhe ou Moïse Katumbi, étaient des alliés politiques de Kabila dans les années 2000.

Par ailleurs, le contexte ne rassure pas les opposants : la loi électorale n’est pas prête à être utilisée, il y a un manque de financement – eh oui, les élections coûtent de l’argent ! – et la Commission électorale nationale indépendante, chargée de l’organisation des scrutins, n’inspire pas confiance. Une situation qui fait que Kabila tend à vouloir rester au pouvoir ad vitam aeternam, à l’instar de Mobutu durant sa dictature. Du moins tant que les pays occidentaux, entre autres, y trouvent leur compte. C’est ce que semble souligner une consœur de La Libre Belgique à propos de l’Espagne et de la France, qui ont des intérêts économiques au Congo-Zaïre. Si Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, s’est fendu d’une réponse convenue suite aux manifestations du 31 décembre 2017, appelant à l’application de l’accord signé un an plus tôt, Emmanuel Macron, président de la République, n’en a pas pipé mot lors de ses vœux au corps diplomatique. Curieux de la part de quelqu’un qui souhaite défendre la francophonie et qui ne dénonce pas les exactions dans le pays le plus peuplé de cet espace linguistique. Comme le chantait Pepe Kalle dans les années 80, citant Mobutu et son article 15 : « Débrouillez-vous pour vivre ».

Jonathan BAUDOIN

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