MUNICIPALES 2014. A quelques semaines du premier tour des élections municipales, Didier Mignot, maire sortant communiste au Blanc-Mesnil s’est rendu chez l’habitant dans le quartier des Quatre-Tours situé dans le sud de la commune. Ces rendez-vous d’appartement, il les fait régulièrement depuis 2009. Reportage.

Ce mardi, les habitants sont conviés à 18h30 dans l’appartement du premier étage sur la place d’Artois. Deux voisines sont déjà présentes. Le maire arrive à son tour. Pour Didier Mignot, organiser des réunions chez les habitants permet de créer un échange avec les citoyens. « Nous avons besoin de prendre le temps de parler. Nous vivons dans une société complexe et nous ne pouvons pas régler les problèmes à coups de slogans et à coups de phrases courtes. Il faut donc prendre le temps de discuter avec les gens de sujets qui les concernent et ça ne peut pas se régler simplement avec une audience que je fais toutes les semaines. Ces réunions d’appartement nous permettent de prendre deux heures pour discuter, voire plus, sur des sujets importants qui concernent la vie des gens, car sur un marché ou une audience, on n’a pas le temps de bien d’expliquer les choses et de bien discuter, y compris d’approfondir les sujets » explique t-il.

Au bout d’une demi-heure, quelques Blancs-Mesnilois arrivent. En tout, quinze personnes sont présentes. Sur une petite table sont disposées dans une assiette des crêpes arabes et du thé. C’est une habitante qui les a préparées pour l’occasion. Taous ,mère de famille de 51 ans, parvient à faire de ce rendez-vous un moment convivial et familial. Et malgré les embûches qu’elle a dû traverser dans sa vie, c’est une personne qui respire la bonne humeur. Si Taous est présente ce soir-là, c’est tout d’abord pour remercier le maire de l’avoir aidée dans ses démarches pour l’obtention d’’une carte de séjour temporaire « visiteur » pour sa mère âgée de 80 ans. Ce document a permis à sa mère de rester sur le territoire français pour se soigner. Elle doit la renouveler tous les ans à la préfecture.

La voix forte et joyeuse, Taous prend la parole : « J’ai de l’affection pour la France. J’ai eu mes enfants ici. En Algérie, j’ai été une femme stérile et à cause de ça, j’ai même dû divorcer. Mais en arrivant en France, j’ai eu la santé et j’ai même pu avoir deux enfants. J’ai donné à mes enfants une bonne éducation malgré le fait de vivre dans le 93. Je suis fière d’avoir eu mes enfants dans ce pays car je considère la France comme mon deuxième pays. Ma mère a pu retourner en Algérie pour voir la tante de son père et revenir en France grâce à sa carte de visiteur. Aujourd’hui, elle est veuve et moi aussi d’ailleurs. Nous avons créé une nouvelle petite famille avec elle et mes deux enfants ». Le maire enchaîne en disant : « C’est gratifiant pour nous et c’est aussi un plaisir d’aider, surtout quand on arrive à régler des situations comme celle-ci ».

Au même moment, le maire reçoit un appel sur son portable. A l’autre bout du fil, Alain Ramos, chargé de mission retraité de la Gauche socialiste. Il l’informe de ce qui vient de se passer sur les réseaux sociaux à son encontre. Didier Mignot fait part de la nouvelle aux habitants après avoir raccroché : « Thierry Meignen (NDLR : candidat UMP à la mairie du Blanc-Mesnil) a balancé un message sur Facebook au sujet de l’assassinat du dentiste mort au Blanc-Mesnil aujourd’hui. C’est de ma faute selon Thierry Meignen car je ne fais pas venir assez de médecin à Blanc-Mesnil et je les empêche d’arriver ». Effectivement le même jour, un dentiste a été tué dans son cabinet par un homme d’une soixante d’années qui lui a tiré une balle en plein tête. Son cabinet se trouvait dans le quartier rue
Marcel Deboffe. Le tireur s’est donné la mort quelques jours après. L’homme pensait que le dentiste était l’amant de sa femme et aurait agi par jalousie.

Le maire se confie à propos de cette provocation : « Thierry Meignen utilise un drame privé, c’est grave. Ce n’est pas une manière de faire une campagne électorale. Moi aussi j’ai une famille. Elle s’en prend plein la tête alors qu’elle n’a jamais rien demandé » relate le maire. Didier Mignot fait allusion aux accusations que Thierry Meignen a diffusées dans un tract dans lequel il accuse le maire de faire du clientélisme en attribuant des logements aux personnes de son entourage, y compris à son ex-femme. Didier Migot donne sa version des faits : « A propos du logement de mon ex-femme, ce qu’a pu dire Thierry Meignen est faux. Il y a des mensonges par omission dans ce qu’il dit. Déjà, il fait entendre que ce sont des logements HLM alors que ce n’est pas le cas. Ce sont des logements de fonction destinés au statut de professeurs des écoles. Nous avons donc un patrimoine de logement que nous avons décidé de conserver pour y loger des personnes sur la base d’une commission qui est gérée par le syndicat des instituteurs, entre autres. C’est une commission pluraliste qui attribue des logements aux instituteurs qui sont maintenant professeurs des écoles. C’est donc le cas de mon ex-femme qui est elle même directrice d’école à Blanc-Mesnil, qui a effectivement eu ce logement » argumente t-il.

Autre sujet de conversation, cette fois-ci à propos d’un soutien dont aurait bénéficié Thierry Meignen pour cette campagne municipale. Les habitants souhaitent avoir quelques explications sur ce dossier. D’après un courrier daté du 10 février 2014 signé notamment de Omar Mahi, membre du PRU (Parti de l’Union Radicale) envoyé à Alain Ramos (chargé de mission retraité, Gauche socialiste), il est indiqué qu’un candidat se présentant aux municipales (dont le nom n’est pas cité)  aurait cru pouvoir se prévaloir du soutien d’Omar Mahi, responsable local du Parti de l’Union Radicale. Dans un extrait du courrier, on peut lire que « suite à cette utilisation frauduleuse du nom de notre représentant local ainsi que de celui de notre formation politique, nous faisons interdiction aux différents candidats se présentant au Blanc-Mesnil de faire référence et/ou d’utiliser le nom de monsieur Omar Mahi, celui de notre formation politique, son logo dans leurs documents et supports de propagande électorale sans notre autorisation écrite dûment validée par nos instances dirigeantes ». Dans ce même courrier, il est bien précisé que le PRU ne soutient aucun parti politique durant cette campagne. Cet exemple montre bien la méfiance de certains habitants présents ce soir.

20140218_203306-1Au fur et à mesure de la réunion, les langues se délient. Azzedine reproche à Thierry Meignen les méthodes utilisées dans cette campagne. Il raconte sa rencontre avec le candidat UMP à la Maison Pour Tous de la ville : « Je n’ai pas aimé sa manière d’approcher les gens. Ça m’a dérangé. Je ne l’ai jamais côtoyé et il a débarqué d’un coup à la Maison Pour Tous. Il est venu parler aux membres de notre association ce jour-là. Nous avons été amenés à discuter et il nous a parlé de son projet de campagne. Moi, ça m’a déplu car j’ai eu l’impression que c’était vicieux puisque dès qu’il y a des élections, ils sont gentils et dès que les élections sont passées, ils retirent leur masque. Je n’aime pas sa manière de faire. Il faut lire entre les lignes. Eux, ils s’amusent à avoir des discours pendant les élections, mais ils ne tiennent pas leurs engagements par la suite ».

En fin de soirée, le thème du logement accapare le débat. Taous fait part de sa situation . Il y a trois ans, cette mère de famille a fait une demande pour échanger son logement contre un autre. Elle vit avec sa mère et ses deux enfants. « Ma mère est handicapée et ne peut plus monter les escaliers. Moi même, je ne suis plus très jeune ». Didier Mignot explique « qu’il y a quatre réservataires : le bailleur, la préfecture, le 1 % patronal et la ville qui réservent des logements ». Taous avait fait sa demande de mutation pour aller à dans le quartier Opievoy mais le maire ne peut rien faire car ces logements sont gérés par la préfecture. « Moi, j’ai mon mot à dire sur 20 % des logements de la ville (…) Il faudrait construire 500 000 logements par an en Ile-de-France pour faire face à la demande (…) Aujourd’hui, en France, nous sommes revenus à l’époque de l’hiver 54 de l’Abbé Pierre à cause du manque de logements » soutient-il.

Au Blanc-Mesnil, le scrutin s’annonce aussi rude que celui de 2008, où les scores entre les deux candidats étaient très serrés. La liste de Daniel Feurtet et Didier Mignot avait remporté l’élection avec 43, 91% contre 43, 55% pour celle de Thierry Meignen. Quoi qu’il en soit, ce sont les habitants qui choisiront leur maire. Dans un contexte de campagne assez tendue, minée par des conflits internes, certains Blanc-Mesnilois espèrent l’organisation d’un débat entre les candidats afin d’entendre concrètement les idées et le programme des uns et des autres.

Hana Ferroudj

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