Un soir de match chargé avait lieu lundi 30 juin. Alors que l’équipe de France affrontait le Nigéria, l’Algérie rencontrait l’Allemagne pour les qualifications en quarts de finale. Hana a suivi l’ambiance depuis Montreuil.

Round 1

Il est 19 heures, le match Algérie-Allemagne ne commence que dans trois heures. Dès la sortie du métro, à Robespierre, sur la commune de Montreuil (93) les odeurs orientales arrivent rapidement aux narines. Les ruelles et les logements font penser un peu au vieux Paris, celui des années 1970, à l’époque où beaucoup d’Algériens se sont installés pour travailler dans les usines. Ce quartier n’a pas beaucoup changé depuis. Pour les nouveaux immigrés, Robespierre reste un point d’ancrage, là où tout le monde ou presque est sûr de connaître quelqu’un. 

La rue de Paris est considéré comme un quartier nord-africain. On y trouve pas mal d’épiceries, de boucherie « halal » et des cafés tenus par des Algériens. Dans le café La Havane, un groupe d’amis supporters français se sont retrouvés pour le match France-Nigéria. Le match a commencé il y a un peu plus d’une heure. Le score est pour le moment de 0 à 0. Dans ce bar, l’ambiance est loin d’être celle des supporters algériens. Ce qui n’empêcha pas les supporters français de croire en leurs joueurs.  Les supporters  français dégustent un apéritif  composé de cacahuètes et de bière. Quelques-uns crient « Allez les Bleus ».  Dans ce bar règne une ambiance plus intimiste, jusqu’au premier but de Pogba à la 79e minute. Tous veulent que la France inscrive  un deuxième but pour être sûr que  les Bleus soient qualifiés pour les quarts de final. Et c’est chose faite avec le but de Yobo. Soulagés, les supporters français chantent  « 1 et 1 et 2-o ! » en éclatant de rire.

Il reste encore quelques minutes avant le coup de sifflet final, ils encouragent Benzema de marquer un but, mais ce soir le numéro 10 n’inscrira aucun but.  Le coup de sifflet final est donné, les cries de joie raisonnent dans le bar. Pas de liesse dans la rue de Paris à Montreuil, mais tout de même quelques supporters algériens ont fait flotté un drapeau français et actionné quelques klaxons. Quelques pétards ont également  éclaté dans la rue, dans une ambiance de solidarité entre supporters des deux équipes. Anna supportrice des Bleus est contente qu’ils se soient qualifiés pour les quarts de finale. « Durant ce match, les Bleus n’ont pas super bien joué, mais je suis contente qu’en deuxième période, ils se soient réveillés ». Avec d’autres collègues à elle, elle a décidé de voir le match dans ce  bar juste après leur fin de journée de travail.  Pour a jeune femme, « On a besoin de cette part de rêve qu’apporte l’équipe de France durant ce mondial. Cela donne du beaume au cœur ». Son lieu de travail ne se trouve pas loin du bar, le second match de ce soir, elle va le regarder chez elle. Anna espère que l’Algérie se qualifie également face à l’Allemagne.  Certains de ses collègues repartent en Vélib, d’autres marchent à pieds.

Round 2

Il est 20 heures, encore deux heures de patience avant le début du match. Le soleil commence à donner  quelques signes de faiblesse. Nous sommes en plein  début de mois de Ramadan. Dans les rues, les habitants font quelques courses de dernière minute avant de rentrer chez eux le plus rapidement possible. Beaucoup s’arrêtent sur les stands pour acheter du pain arabe et des pâtisseries orientales, makrout, zlabia, m’semen et autres merveilles.  Tous ces gâteaux ouvrent les papilles. Pas mal de gens font également la queue pour acheter les boissons gazeuses typiques d’Algérie comme Ifri et Méranda. Les Algériens raffolent de ces boissons venant directement du bled. Il règne une ambiance chaleureuse et familiale dans les rues. Des jeunes ont sorti quelques chaises à l’extérieur en  réunissant autour des drapeaux afin de discuter du futur match. Certains portent aussi des t-shirts aux couleurs des Fennecs. On trouve également sur les fenêtres des habitations et des cafés des drapeaux verts et blancs suspendus. Des klaxons commencent à raisonner. Depuis mon arrivée à Montreuil, toutes ces petites choses donnent réellement le sentiment  de faire escale en Algérie. Néanmoins, certaines personnes travaillant dans le quartier  disent espérer voir l’Algérie perdre ce soir, « pour ne pas avoir autant de bruits et d’effervescence de la part des supporters dans le quartier  comme lors des derniers matches contre la Corée du Sud et la Russie. »

Le match étant diffusé sur TFI, certains patrons de café disent qu’il auront moins de clients qu’habituellement car les gens vont le regarder chez eux.  D’autant plus que nous sommes en pleine  période de Ramadan, les gens veulent se réunir en famille pour couper le jeûne. Tous les cafés ont décidé de diffuser le match. Je décide d’aller voir le match au café-restaurant L’Hôtel de Paris. Cet établissement est tenu par un algérien, Moktar, habillé de la tête aux pieds aux couleurs de l’équipe nationale algérienne. Il est 21h17, un père et son fils âgé d’environ 7 ans entrent dans le café-restaurant et prennent place. Eux ont décidé de couper le jeûne ici et de regarder avec d’autres supporters algériens. Le chef d’orchestre Moktar vérifie une dernière fois avec son personnel la mise en place des tables et des couverts. Depuis la cuisine, une odeur se propage, une odeur de chorba un incontournable du mois de Ramadan.

Moktar explique : « Nous faisons un repas familial  tout spécialement pour le Ramadan car pas mal de personnes aiment cette ambiance durant le jeûne. »  Au menu de ce soir,  du lait fermenté avec quelques dattes. Ensuite, une chorba accompagnée d’un zeste de citron. Par la suite, nous avons fait une brick  composée de pomme de terre, olives, thon, fromage râpé, œufs avec diverses herbes. Et pour terminer, un plat algérien « marka battata », accompagné de viande de veau. Il reste dix minutes avant le début de match. Les gens s’installent rapidement. Le personnel s’active en salle. Les clients regardent l’écran tout en  d’écoutant la radio qui va annoncer d’un moment à l’autre la rupture de jeûne. A peine le match lancé, les supporters sont déjà anxieux. Un client dit en arabe : « J’espère qu’il n’y aura pas un si grand écart de but entre les deux équipes. »  Boualem qui donne un coup de main à son ami Moktar dans le restaurant  confie qu’il ne «  regarde jamais les matches des Fennecs, je préfère écouter le son tout en m’occupant. Je suis fervent supporters de notre équipe nationale, mais j’ai très de peur de mourir d’inquiétude et de stress en regardant le match de ce soir. » Boualem ne va pas être déçu. Les Fennecs attaquent fort. Les joueurs algériens sont rapides dans leur jeu. Dans la salle, les clients ont coupé le jeûne et se dépêchent de manger. Les plats sont distribués sur chaque table, malgré toutes les bonnes choses sur la table. Les supporters ne quittent pas une seule seconde l’écran de télévision. En dix minutes, les plats ont été dégustés. Les tables ont été mises de côté pour laisser plus de place aux supporters algériens  qui affluent dans l’établissement.

A la 15e minute de jeu, Feghouli  shoote vers les cages allemandes, son tir passe au dessus de la barre. Puis deux minutes plus tard, Ghoulam centre vers son co-équipier Slimani, qui marque un but de la tête  en pleine lucarne de Neuve. Dans le café-restaurant, les supporters algériens explosent de joie en criant et en se levant de leur chaise. Puis, la joie s’attenue en voyant l’arbitre qui indique avec son drapeau le hors-jeu. « Ce n’est pas grave, on va marquer la prochaine fois. » Les joueurs algériens montrent de plus en plus leur confiance sur le terrain et tiennent tête aux joueurs allemands. Ce dont les supporters sont ravis. Les joueurs algériens et allemands ne cessent de faire du beau jeu. Les supporters n’ont pas une seule minute de répit. C’est un match captivant dans lequel les deux équipes se démènent. Entre deux actions, les supporters algériens boivent du thé à la menthe bien chaud.

De plus en plus impressionnants, les Fennecs donnent du fil à retordre aux Allemands. Ce sont les Algériens qui donne le ton du match et cela ne déplaisent pas aux supporters qui en prennent plein les yeux. Au coup de sifflet de la fin de la première période, les supporters algériens sortent tous rapidement du café pour reprendre leur esprit afin de décompresser en fumant pour certains une cigarette. Les supporters applaudissent et croient en leurs joueurs.  Ils parlent du gardien de but algérien M’Bolhi  qui a été déterminant dans cette première mi-temps en arrêtant  deux tirs, celui de Kroos et de celui de Gotze à la 41e minute.

Les supporters regagnent leur siège. La 2eme mi-temps s’annonce tout  aussi passionnante que la première. Dans cette période, les Allemands montrent beaucoup plus de signe de fatigue. De nouveau Slimani oblige une nouvelle fois le gardien de but allemand à sortir  de la surface de réparation en arrêtant une nouvelle attaque  à la 75e minute.  Dans cette seconde période, ce sont les gardiens des deux adversaires qui font la différence et sont de vrais boucliers. Ironie du sort, c’est le joueur Schürrle qui  marquera dans les prolongations le premier but, en faisant un geste ressemblant fortement à celui du joueur algérien Madjer, qui avait marqué un but face à l’Allemagne en 1982.

A l’extérieur, tous les café-restaurants sont submergés par les supporters algériens qui regardent avec attention les quelques minutes du temps de jeu restantes.  Les rues sont calmes. L’Allemagne mène 2 buts à 0, mais c’est sans compter sur le courage et la ténacité des Fennecs qui arrivent à réduire le score à la 120e minute de jeu grâce au tir de Djabou. Les Allemands se qualifient dans la douleur.

Quoi qu’il en est, les Fennecs ont réussi leur mondial en se qualifiant pour les huitièmes de final. Raïs M’Bolhi, le gardien de but algérien, a été impressionnant dans ce match. Il a arrêté plusieurs tirs des joueurs allemands. Tous les joueurs algériens ont été impressionnants par la qualité de leur jeu et ont tout donné pour faire honneur à leur pays et à leurs supporters.

Pour l’un des supporters, « On a vu une équipe d’Algérie majestueuse qui a donné beaucoup de mal aux Allemands tout au long du match. Les Fennecs est une équipe jeune qui à de l’avenir devant elle. Vous allez entendre parler  de ces joueurs. » Et un autre d’ajouter, « on est fiers de cette équipe et de notre entraîneur VahidHalilhodzic qui  nous a permis de rentrer dans l’histoire de la Coupe de Monde grâce à cette qualification. Merci aux 23 joueurs et à l’entraîneur pour cette joie et cette fierté. Tahia El Djazaïr ! »

Hana Ferroudj

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