La polémique est née au début de l’été, au festival de Cannes, lors d’une conférence de presse où un journaliste irlandais de l’AFP, Fiachra Gibbons, fait remarquer à l’équipe du film, que ce long métrage pourrait conforter l’extrême droite dans ses idées, et surtout influencer des spectateurs dans leur vision d’une partie de la société : celle qui habite les quartiers populaires. Qui plus est dans une année d’élections. Le journaliste se prendra une vague de rires de la part du casting.

Le 1er septembre la remarque du journaliste prend tout son sens puisque Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National, a tweeté en invitant à voir ce film pour voir la violence dans les quartiers de Marseille.

Pour rappel, Bac Nord est un film français réalisé par Cédric Jimenez, originaire lui-même de Marseille. Au casting, on peut y retrouver Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil, Kenza Fortas ou encore Adèle Exarchopoulos. Le film relate l’histoire vraie de trois policiers de la BAC Nord de Marseille, chargés de lutter contre le trafic de drogue dans les quartiers Nord. Une histoire qui tient ses origines en 2011, et menée du point de vue des policiers, qui adoptent des pratiques hors-la-loi pour faire face au trafic de drogue.

Vol d’argent, de produits stupéfiants, et comportement de cow-boys face à la population : des agissements qui ont finalement été dénoncés à l’IGPN. L’affaire prend alors un tournant politique en 2012, quand le Premier Ministre Manuel Valls dissout l’équipe de la Bac Nord. « Il n’y a pas de place pour ceux qui salissent l’uniforme », avait-t-il déclaré. Dix ans plus tard, parmi les 18 prévénus, 7 d’entre eux ont été relaxés, quand les 11 autres ont été finalement condamnés à des peines de sursis.

Il y’a quelque chose qui dérange dans
Bac Nord.

Alors oui, le film est dangereux d’une certaine manière car si vous le visionnez, vous comprendrez que l’on est tout le long du côté des policiers mais jamais du côté des jeunes de cités. C’est simple, on a d’un côté les policiers qui ne font que leur simple devoir en risquant la mort et de l’autre les méchants de la cité qui ne savent qu’insulter ou provoquer la police. Même si le film ne se veut pas directement pro-police, il dépeint une représentation des cités et des jeunes de banlieues dangereuse les réduisant à du trafic de drogue et à de la violence.

Les jeunes ont manifestement tous le même langage à base principalement d’insultes.

Fiachra Gibbons faisait la remarque à ce sujet en indiquant que les jeunes des cités étaient représentés « comme des bêtes ». À l’inverse du film Les Misérables de Ladj Ly où ce dernier s’attardait à montrer la violence sociale et politiques des deux côtés, Bac Nord va surtout pointer du doigt la violence qui est provoquée d’un seul côté. Même s’il est inspiré d’une histoire vraie, il y’a quelque chose qui dérange dans Bac Nord. Malgré une réalisation plutôt réussie qu’il faut reconnaître, le propos sert surtout de propagande à l’extrême droite plutôt que de s’approcher d’une description équilibrée de la réalité.

Marseille, ville encore et toujours dépeinte de la même manière

Cette année, la ville de Marseille est au cœur des projets cinématographiques. On attend notamment Stillwater avec Matt Damon, à venir prochainement. Et les grandes productions présentent souvent un bémol persistant : les jeunes marseillais brocardés dans le rôle des méchants délinquants sans profondeur scenaristique. Et Bac Nord n’échappe malheureusement pas à la règle.


La bande-annonce de Bac Nord. 

Les jeunes ont manifestement tous le même langage à base principalement d’insultes puisque tout le long du film il n’y a pas un seul jeune qui parle correctement même le jeune enfant dans la voiture ne va faire qu’insulter les policiers jusqu’à que ces derniers lui mettent du rap à la radio. Bac Nord est de ce côté là, plus dégradant que jamais. On remarque d’ailleurs que dès le début du film il y’a un message indiquant que le film relate une histoire vraie et qu’il ne se veut pas politique et pourtant, c’est tout l’inverse qui arrive. La caricature en plus.

La question est d’autant plus actuelle puisque la campagne du président de la république, Emmanuel Macron, a commencé ce 2 septembre avec une visite à Marseille pour y parler notamment de l’insécurité qui y règne. Le film aurait donc plus eu à gagner à montrer la détresse des habitants délaissés et aurait été plus authentique si les dérives de la Bac, comme on les connaît, avaient été mises en scène. Malgré la polémique, la fréquentation du film ne faiblit pas puisqu’il dépasse le million d’entrées et reste en tête du box-office.

Farah El Amraoui

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