#LaRentréeDesBâtisseurs Myriam Konaté, étudiante à Sciences Po Paris, est membre d’Ambition Campus, une association qui se donne pour mission d’aider les lycéens des quartiers populaires à intégrer les grandes écoles. Elle s’intéresse à l’héritage des périodes coloniales dans le débat actuel. Alexandre Marlot, animateur dans les quartiers prioritaires de Compiègne (Oise), organise ateliers et sorties sur les questions mémorielles. 

A l’aune d’une époque où les guerres de mémoire font rage, la France fait face à une responsabilité au regard de son histoire mémorielle. Les deux grandes guerres mondiales ayant ébranlé son destin, le pays des droits de l’homme, celui aussi des tirailleurs sénégalais, des Juifs, des Algériens et de tous les peuples dont le sort a basculé au cours du siècle dernier, doit aujourd’hui célébrer une histoire commune. Celle-ci nous oblige à un devoir de mémoire. Le devoir de reconnaissance de ce qu’ont été l’engagement d’hommes venus du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Bénin, de la Guinée, du Mali, du Burkina-Faso, du Niger, de la Mauritanie ou encore de Madagascar, dénommés de façon réductrice sous l’expression « tirailleurs sénégalais ». C’est encore aujourd’hui un combat plus d’un siècle et demi après la création de ces corps armés que le général Mangin dénommait « la Force noire ». Aïssata Seck, élue à Bondy, candidate aux sénatoriales du 24 septembre 2017, en a fait un de ses combats comme le Bondy Blog vous le racontait en novembre 2016.

Tant de questions nous animent aujourd’hui sur ces sujets mémoriels qui tirent leur existence, pour beaucoup, de l’histoire de la deuxième guerre mondiale. Certains de ce qu’on appelle « tirailleurs sénégalais » ont d’ailleurs pris part à ce conflit. Ce qui nous amène à nous interroger : comment faire face aujourd’hui à l’histoire de la Shoah et de la déportation ? Comment reconnaître les liens qui nous unissent à cette période de l’histoire ?

Dans le passé, nous trouverons des réponses, et dans le futur, l’incertitude d’une histoire où les erreurs peuvent se répéter

Plus qu’un devoir de mémoire envers tous ces peuples, ces femmes et ces hommes, c’est une double responsabilité qui nous incombe. La première, celle de puiser dans cette histoire de ceux qui ont combattu pour nos libertés, de ceux qui ont souffert ou perdu leur vie et qui méritent une reconnaissance pleine et entière.

La seconde nous oblige à ne pas se contenter d’un simple saut dans l’histoire du siècle dernier mais d’aller chercher au plus profond des racines de ce qu’ont été l’esclavage arabo-musulman, transatlantique, mais aussi du colonialisme et de l’antisémitisme tels qu’il se sont déployés par le passé. Car les hiérarchies humaines faites aujourd’hui sont celles que nous avons héritées de nos ancêtres et que l’on ne peut comprendre la nature complexe et multiforme de ces atrocités sans connaître leur raison d’être, aussi infondée soit-elle.

Dans le passé, nous trouverons des réponses, et dans le futur l’incertitude d’une histoire où les erreurs peuvent se répéter. La hiérarchie de l’horreur n’a aucun sens, la parole des témoins directement touchés restant la plus légitime comme en Birmanie, en République Démocratique du Congo et parmi tous les autres peuples qui subissent encore de nos jours l’oppression. S’intéresser à la parole africaine pour comprendre l’esclavage, à la parole arménienne, rwandaise ou cambodgienne pour comprendre les génocides reste le premier pas à faire pour construire une mémoire. Bâtir des ponts plutôt que des murs surpassant les barrières idéologiques qui nous divisent.

Myriam KONATÉ et Alexandre MARLOT
Crédit photo : Julien AUTIER

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