Ce 20 novembre célèbre la journée internationale des droits de l’enfant. Mais comment fêter un tel jour dans un pays qui viole leurs droits fondamentaux et les stigmatisent par les propos tenus par certaines personnalités politiques, s’interroge Mimissa Barberis, blogueuse et juriste de formation. Edito.

A quoi bon célébrer ici une journée internationale des droits de l’enfant lorsque nous savons que la patrie des droits de l’homme, comme on l’appelle, a été condamnée, cinq fois, oui vous avez bien lu, cinq fois, en juillet 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir enfermé des enfants étrangers dans des centres de rétention administrative ? C’est précisément la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme par la France qui est sanctionnée : celui qui indique « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants« . Rien que cela.

En janvier 2012, par exemple, la Cour européenne a condamné la France pour le placement en rétention pendant 15 jours de deux enfants de cinq mois et trois ans avec leurs parents. Et ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres. « La France compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs migrants accompagnés« , notaient alors les juges européens. Un mois plus tard, le 20 février 2012, François Hollande, alors candidat à la présidence de la République écrivait ceci à deux associations, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers et au Réseau éducation sans frontières : « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, à mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants ». En 2015, 105 enfants ont été placés en rétention par la France. 105 enfants.

C’est cette même France qui fait partie des 191 Etats ayant ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant. C’était en 1990. L’ambition affichée par les pays signataires était celle de promouvoir et de garantir la protection universelle à tout enfant relevant de leur juridiction, indépendamment notamment de leur nationalité. Visiblement, la France semble l’avoir oubliée.

Pour quelles raisons les autorités refusent de se conformer aux dispositions de deux traités internationaux érigés par nature au premier rang de la hiérarchie des normes ? Pourquoi continuent-elles à ne pas respecter les droits fondamentaux des enfants ?

L’Etat n’est pas seul coupable ici. Certaines collectivités, au premier chef desquelles, des communes, refusent de scolariser des enfants en raison de leur origine ethnique. Ainsi, récemment, le maire de Saint-Ouen, William Delannoy, en Seine-Saint-Denis, a tranquillement affirmé qu’il refusait de scolariser des enfants roms dans sa commune. D’ailleurs, d’autres municipalités agissent de la sorte sur le territoire national. Puisque ni le droit européen ni le droit international ne suffisent, faut-il ici rappeler ce que dit le droit français, notamment le Code de l’éducation qui indique à son article L131-1 : « L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans » ? Qu’est ce que ces municipalités ne comprennent pas dans le mot « obligatoire » ? En France, en 2016, des enfants ont ainsi cours dans des camions grâce à des associations qui se battent pour donner une instruction à des mômes ostracisés par des mairies.

Comment ces enfants peuvent-ils se construire dans la dignité alors même que les autorités n’assurent pas leur protection au quotidien et nient leurs droits les plus élémentaires ? Si les autorités refusent si éhontément de respecter les droits de nos enfants, c’est bien le signe qu’il n’y a plus de limites.

Des violations graves du droit national et international qui décomplexent visiblement certains politiques à tenir des propos sans le moindre scrupule et sans le moindre respect pour les enfants de ce pays. A commencer par l’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy qui n’hésite pas, dans sa course à la primaire, à faire son marché électoral sur le dos de certains enfants en leur suggérant de prendre « une double ration de frites » à la cantine s’ils ne mangent pas de porc. Sans parler de la stigmatisation des enfants musulmans à l’école par Robert Ménard, ou bien encore la suppression de l’accueil du matin dans les écoles pour les enfants des demandeurs d’emploi, par le même maire de Béziers.

On ne dit pas n’importe quoi lorsqu’il s’agit d’enfants. Ils doivent être protégés et préservés. Les enfants d’aujourd’hui sont les citoyens de demain. Ils ne comprennent pas forcément tout, mais la violence des mots, des comportements, le non respect de leurs droits les plus fondamentaux, ils sauront s’en souvenir. Si ce 20 novembre pouvait au moins servir à le rappeler.

Mélissa BARBERIS

Articles liés