2005-2015 : SOUVIENS-TOI ? Les blogueurs se rappellent de leur octobre et novembre 2005.
Je me souviens de novembre 2005… J’habitais dans le 93 depuis 20 ans et à Bondy depuis 6 ans, sans soucis majeurs jusque-là. Ma fille Katy*, 12 ans, se rendait très régulièrement depuis 5 ans à la cité Delattre, chez une amie : « là-bas, il y a des garçons qui font brûler des poubelles », lançait-elle, perplexe. Nous avions rarement vu des poubelles brûlées à proximité de notre maison, située dans un quartier pavillonnaire. Je me souviens du vrombissement fréquent des hélicoptères qui surveillaient Bondy. En visite chez notre mamie à Neuilly-Plaisance, Katy* a dit : « oh ! Ici, on n’entend pas les hélicoptères ! ». Quelques jours plus tard, notre amie Dalila* a téléphoné : « en Israël, on a beaucoup d’informations sur les émeutes dans le 93 ; la famille et les amis me déconseillent de venir à Noël ; on me conseille même de prendre une assurance spéciale, qu’en penses-tu ? », a-t-elle demandé à mon mari. « À mon avis, tu peux venir, je pense que ça se sera calmé dans deux mois », fut sa réponse. Finalement Dalila a passé tranquillement les fêtes avec nous, sans assurance complémentaire.
Documentaliste, je me souviens de mon affectation dans un quartier sensible, début novembre. Le collège Jean Jaurès à Villepinte. Ma découverte de la ZEP, la Zone d’éducation prioritaire. Le collège était en grève, des réunions avaient fréquemment lieu en salle des professeurs. Je ne suis pas prête d’oublier la première réunion. Les surveillants y exprimaient leur inquiétude : « on a peur. Il y a souvent des bagarres assez violentes dans la cour. On n’est pas assez nombreux. On n’est pas sûrs de pouvoir toujours contrôler les élèves. On ne se sent pas en sécurité. Il faut parler avec le Principal ». Le collège était dirigé par un jeune principal qui avait eu l’habitude d’un collège tranquille en province. Les enseignants, très engagés politiquement et très actifs, étaient eux aussi inquiets : « le principal n’est pas présent tous les matins près de la grille au moment de l’arrivée des élèves, alors que c’est très important d’y aller. Il faut qu’on prenne rendez-vous avec lui ». J’étais tout le temps sur mes gardes dans cette ville. Finalement je n’ai pas eu de problèmes dans la rue. Au CDI, nous mettions un petit fond de musique classique pour apaiser des élèves qui en avaient bien besoin. Je me rappelle de deux débuts d’incendie à l’initiative de quelques élèves ; ils ont été rapidement éteints. Au bout de quelques jours, nous avons appris par des collègues l’existence d’émeutes dans un collège à Saint-Denis, pas mentionnées sur le web. Je n’oublierais jamais ce collègue de sport qui a été agressé par des jeunes d’un quartier voisin (ils lui ont lancé des cailloux mais il a pu s’échapper). Ses collègues ne l’ont pas soutenu sous prétexte qu’il aurait dû faire grève ! J’ai quitté sans regrets ce collège au bout de 5 mois. Ouf ! Aujourd’hui, quand un professeur de maths me raconte que, dans son collège à Saint Denis, au début de chaque cours il fait poser tous les cartables près de son bureau pour éviter des vols, je sais qu’il n’exagère pas…
Marie-Aimée Personne
*Les prénoms ont été modifiés
 

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