Je vous écris parce que je ne veux pas revivre la même chose qu’en 2013. Je ne veux pas revivre la période du débat sur le mariage pour tous ! Une époque où je n’étais pas out, une époque où j’étais jeune, une époque où je tenais des propos contre le mariage pour tous pour que mes camarades de classes, qui me pensaient déjà beaucoup trop efféminé, ne se disent pas que je « faisais pédé » ! Aujourd’hui j’ai grandi, aujourd’hui je suis out devant certains amis, frères et sœurs, et d’autres membres de ma famille (pas encore les parents). Aujourd’hui je suis un bi qui tente jour après jour de s’assumer et je refuse de me faire insulter à longueur de journée !

Invisibles et pourtant omniprésents

En 2013, j’avais 14 ans, j’étais au collège, je n’avais pas les mots pour définir mon orientation sexuelle. En plus d’être l’une des seuls personnes racisées de mon entourage (ami.e.s, voisin.e.s, professeur.e.s) je n’avais aucune personne LGBTQ+ autour de moi, même s’il pouvait exister des représentations dans le cinéma et les séries (et encore pas tant que ça). Je me sentais seul ! En 2013 c’était l’année du débat sur le Mariage Pour Tous et le traumatisme que ces « débats » ont engendré, si on peut les appeler « débats », est encore très présent ! Un traumatisme dans lequel les médias ont joué un rôle et pas des moindres. La construction des plateaux, l’angle des débats, les éléments de langage des ultra-conservateurs utilisés par des journalistes, le fait que je n’arrivais pas encore à dire qui j’étais mais que je savais que ces plateaux sur lesquels les homophobes avaient pignon sur rues, j’étais dans la bouche et dans les esprits de chacun. Les personnes LGBTQ+ ont été effacées, nous n’avions pas le droit de cité sur ces plateaux où il y avait le choix entre ceux qui parlaient à notre place et donc nous dépossédaient de notre discours et ceux qui nous insultaient, et dans tout ça nous étions invisibles. Invisibles et pourtant omniprésents, absents des plateaux mais étudiés et décortiqués comme des spécimens dépourvus de toute humanité, effacés et à la fois insultés du matin au soir et du soir au matin.

Dans ce moment de détresse absolue il fallait survivre, survivre dans une monde, où les voisins et voisines qui ne manifestaient pourtant jamais, allaient battre le pavé parce que les gens comme moi étaient « contre-nature » ; survivre dans un monde où des amis débattaient pour savoir si les personnes comme moi pouvaient vraiment devenir papa un jour, survivre dans un monde où la Manif Pour Tous était omniprésente parce que les médias lui ont donné une place forte. Ma survie a consisté à être plus royaliste que le roi ! Pour que personne ne puissent se dire que je faisais partie de la communauté LGBTQ+, qu’ils s’évertuaient d’insulter sans cesse, je me suis mis à avoir le même discours. Pour survivre, j’ai tenu des propos contre le mariage pour tous, j’ai dit « Ok, on peut peut-être accepter le mariage, mais adopter c’est non, vous imaginez la vie des enfants ! » parce que je voulais pas faire plus pédé que je ne l’étais déjà ! Je pleure en écrivant ces mots parce que ça a été des moments d’une violence inouïe pour moi !

Cinq ans après cet océan de violence, la mémoire est encore très douloureuse. Penser à 2013 ce n’est pas penser à une victoire des droits LGBTQ+ car LMPT a eu le monopole de la mémoire. Les choses se sont relativement améliorées pour moi, mais tout n’est pas rose : la preuve je vous écris ces mots anonymement ! Tout n’est pas rose car en moins d’une semaine des torrents d’insultes envers la communauté LGBTQ+ n’ont pas cessé, Marcel Campion qui qualifie les homosexuels de « pervers » avec le soutien de certains députés LREM. Nous avons aussi Elisabeth Lévy qui dit qu’il existerait un lobby gay. Et le comble avec Jean-Marie Andrès (président de la Confédération nationale des associations familiales catholiques) qui déclare, lors de l’université d’été de la Manif Pour Tous, que « le problème c’est pas que les pédés. »

N’avez-vous donc rien retenu de la violence de 2013 ?

Dans ce climat, on voit se former des plateaux débattant de l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules, sans aucune lesbienne, par moment sans aucune femme sur les plateaux. Et en voyant cela, je m’adresse à vous les médias, à ceux qui forment les plateaux, aux journalistes dans ces rédactions : n’avez-vous donc rien retenu de la violence de 2013 ?! Quand vous laissez dire sur vos plateaux , « Ce n’est pas parce que tout n’est pas idyllique dans les couples hétérosexuels que cela rend acceptable qu’un enfant ait des parents homosexuels », comme on a pu entendre Hélène Pilichowski le dire sur LCI dans l’émission : « L’Heure de Bachelot » avec en face la porte parole de LMPT et comme contradicteur pour défendre les droits des couples lesbiens… un homme hétérosexuel !  

Pour ma part j’ai grandi,, je suis plus fort aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir des amis, des frères et des soeurs qui m’acceptent comme je suis. Des insultes et des phrases comme « le problème c’est pas que les pédés », j’arrive aujourd’hui à les encaisser. Je m’y en quelque sorte habitué alors que je n’ai que 19 ans ! Mais il existe des plus jeunes que moi, des jeunes lesbiennes, gays, bi.e.s, et trans qui n’ont personnes vers qui se retourner pour dire qui ils sont, des jeunes qui sont en mode survie H24 ! Ces jeunes vous leur faites du mal, vous les détruisez, et je pèse mes mots ! 

Invitez les personnes concernées !

Face à ça il n’y a qu’une seule solution, apprenez des erreurs que vous avez commises en 2013, car ce n’est pas à un jeune de 19 ans comme moi de vous apprendre à faire votre travail de journaliste comme il se doit ! Cessez d’invitez des homophobes sur vos plateaux, cessez de participez à leur communication. Cessez les aberrations comme des plateaux où il n’y a que des hommes ou que des hétérosexuel.elle.s pour parler de l’ouverture de la PMA !

Invitez les personnes concernées, chercher-les c’est votre travail de journaliste ! Et ci certains d’entre vous auraient la paraisse de faire leur travail, il y a dans cet article de Têtu le noms de femmes lesbiennes concernées par la question !

Cette fois-ci vous n’avez plus le droit au bénéfice du doute, si vous participez à la perpétuation de l’invisibilisation des lesbiennes et des propos lesbophobes et LGBTphobes, vous l’aurez fait sciemment et on vous tiendra comme responsable ! Les homophobes n’ont pas leur place dans le débat public et vos invités sont des homophobes notoires. À bon entendeur…

Signé : Un pédé en colère !

Crédit photo : CC-BY-SA Amanda Hinault

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