[#LÉGISLATIVES2017] Blues, soulagement, ras-le-bol, lassitude… Après l’épuisante et surprenante campagne présidentielle et législative qui n’ont pas suscité l’intérêt dans les urnes, Célia Kadi et Jonathan Baudoin, reporters au Bondy Blog, nous font part de leur ressenti et leur souhait de passer à autre chose. Billets.

« Tout ça pour ça ! »

ENFIN ! C’est enfin fini ! Après des mois et des mois d’élections, primaire, puis présidentielle et enfin législatives, c’est enfin terminé. Je repense à tous ces derniers mois durant lesquels on a mangé élection, bu élection, dormi élection… Et c’est enfin fini. Premier sentiment qui me vient à l’esprit : « tout ça pour ça ! »

J’ai vécu mes premières élections et le bilan n’est pas rose. Tout a commencé par mon boycott de regarder le premier débat avec les cinq « grands » candidats et tout a fini par mon boycott de voter aux législatives. Du haut de mes 18 ans, j’ai essayé de me sentir concernée par ce grand devoir qui m’était donné cette année. Je suis partie avec l’a priori que ma petite voix ne comptait pas mais que je me devais au moins de me renseigner et d’apporter ma minuscule pierre à l’édifice. Le temps passe et voit mon implication prendre de l’importance ! Je commence à discuter politique avec mes amies puis à essayer de convaincre certains que voter c’est important, que ça compte.

Dans ma quête d’informations, j’ai retenu quelques principes : un président est élu pour 5 ans, à chaque élection ; il y a ceux qu’on appelle « les grands candidats » et les autres, « les petits candidats », et qu’entre eux, peu d’égalité ; enfin, je me suis laissée entendre qu’il fallait voter pour les grands candidats, qu’il fallait voter stratégiquement mais pas pour ce que l’on pense, que voter par conviction n’étaient qu’un détail. C’était donc ça voter… Finalement, mon intérêt des débuts a perdu de sa superbe. Partagée entre vote utile et vote d’adhésion, mon choix s’est décidé dans l’isoloir par un plouf-plouf. Après tout, advienne que pourra, pensais-je.

Élection présidentielle : un échec, le résultat est loin de représenter mon vote ni même ce que j’imaginais être la volonté de l’opinion publique. Les Français m’ont déçue, la politique m’a déçue. S’en sont suivies les élections législatives, dont l’existence m’était totalement inconnue il y a encore quelques semaines). J’ai suivi le débat qui s’est déroulé dans ma circonscription. J’ai réalisé que derrière les élus se cachaient des habitants dégoûtés de la politique et lassés par des discours politiciens. J’ai donc décidé de ne pas voter. Ces élections auront eu au moins un mérite :  celui de me convaincre de me lancer en politique un jour pour arranger tout ce bazar !

Célia KADI

« La Ve République connaît une zone de turbulences très forte : sera-t-elle capable de se maintenir ou finira-t-elle contrainte de ne plus exister »

« C’est pas demain qu’on m’ verra marcher/Avec les connards qui vont aux urnes,/Choisir celui qui les fera crever./Moi, ces jours-là, j’ reste dans ma turne./Rien à foutre de la lutte de crasse,/Tous les systèmes sont dégueulasses! » Les électeurs ont l’air d’avoir massivement écouté la chanson « Où c’est qu’ j’ai mis mon flingue ? » de Renaud et d’avoir agi en conséquence, tant pour la présidentielle (25,4%) que pour les législatives (57,36 %). En dépit même des éditoriaux volontiers accusateurs envers ces électeurs abstentionnistes, comparables à l’âne de la fable de La Fontaine Les Animaux Malades de la Peste, car il était rendu responsable de tous les maux pour avoir seulement mangé de l’herbe.

En fait, les abstentionnistes ont montré, pour qui en doutait encore, que la France est une a-démocratie, où le « cens caché » est la règle : les plus riches partent voter car ils se savent écoutés, respectés par les gouvernants ; les plus pauvres, peu motivés pour cet exercice, s’abstiennent d’y prendre part car ils savent d’avance que leurs intérêts ne seront pas défendus. Pis, ils sont réprimés en cas de contestation de l’ordre, avec une double peine s’ils ont des origines extra-européennes. Il ne faut pas oublier le racisme institutionnel s’exprimant par moments de manière très violente. Nous l’avons vu avec la mort d’Adama Traoré, le viol de Théo Luhaka… Pour les exilés, leur sort n’est guère plus enviable, mais indifférence ou vive hostilité règnent à leur encontre, à Calais ou ailleurs dans l’hexagone.

Les abstentionnistes ont quand même réussi à voler la vedette à Emmanuel Macron et à sa majorité parlementaire, qui peut trouver des appuis au sein du Parti socialiste et chez les Républicains. Le tout donnant une atmosphère de Chambre introuvable, digne de tristes dates dans l’histoire de France, 1815 ou 1871 par exemple.

La gauche radicale semble, elle, s’être renforcée : en additionnant les nouveaux élus de la France Insoumise et ceux du Parti communiste, elle arrive à faire élire près de 30 députés, dont une majorité d’Insoumis. Mais cette gauche radicale aurait pu être bien plus nombreuse à l’Assemblée nationale, et ainsi pleinement revendiquer l’hégémonie à gauche à la place du PS, si insoumis et communistes ne s’étaient pas déchirés dans la majorité des circonscriptions, faisant fuir leurs électeurs potentiels et renforçant indirectement le camp du président Emmanuel Macron. Pourtant, le nouveau pouvoir est l’un des plus mal élus, sinon le plus mal élu, de l’histoire de la Ve République, souffrant d’un manque criant de légitimité que seul le mainstream n’ose pas regarder avec lucidité. Toujours est-il que la Ve République connaît une zone de turbulences très forte et il sera intéressant de savoir si le régime sera capable de se maintenir ou d’être contraint de ne plus exister.

Jonathan BAUDOIN

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