A l’instar de celle pour les femmes, des enfants, ou contre l’homophobie ou la transphobie, les réfugiés ont eux aussi leur journée dédiée, le 20 juin de chaque année.

Sensibiliser le grand public, encourager les citoyens à se mobiliser sur la situation actuelle des personnes en migration, voilà toute l’utilité d’une journée mondiale. Les besoins sont énormes et si quelques petites mains peuvent être convaincues à la suite de ce jeudi alors certains diront que je suis mauvaise langue.

Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que cette journée décrétée en 2000 par une résolution de l’ONU (la A/RES/55/76, pour les initiés) amène à une célébration de mauvais goût lorsque l’on constate le durcissement de la politique migratoire en France et partout dans le monde.

Dans le texte de cette résolution, l’ONU félicite son organisme, le Haut-commissariat aux réfugiés, de son travail pour répondre aux urgences des mouvements migratoires ou des guerres un peu partout dans le monde. La mairie de Paris, à l’approche de cette journée, communique elle aussi fièrement sur ses engagements. « Paris est une ville refuge », déclare joliment Dominique Versini, adjointe aux Solidarités et la lutte contre l’exclusion, dans un article de Libération le 14 juin dernier pour promouvoir cette journée du réfugié.

Une autocongratulation au goût amer quand on sait qu’aux portes de l’Europe, le soir du 20 juin, des milliers d’exilés dormiront dans des conditions indignes sous des bâches estampillées UNCHR et que des centaines de personnes dorment dans les rues de Paris, et se font expulser à coup de CRS lorsqu’ils deviennent trop visibles (on a tous en mémoire le camp de Stalingrad, repoussé aujourd’hui à la porte de la Chapelle).

Accueillir oui, mais pas en trop grand nombre sinon ça fait peur, et surtout que ce ne soit pas trop visible. Donner de la visibilité à ceux que l’on cherche toujours à rendre invisible, voilà une drôle d’idée. Sans compter que le réfugié est le bon migrant, celui qui a fui la guerre, celui qui a besoin d’être protégé. Les autres, les « sans pap », eux peuvent bien rester dans l’ombre.

Dans un contexte post-Seconde Guerre mondiale,  les Etats les plus puissants de ce monde avaient eu la volonté d’adopter une convention, par le biais de l’ONU, à Genève pour régir les droits des personnes exilées. Le principe de non-refoulement, le droit de franchir une frontière sans document d’identité et de pouvoir demander protection à un autre Etat s’érigeaient comme les droits inconditionnels des personnes fuyant leurs pays. Mais, près de 70 ans plus tard, les manquements à cette convention n’ont jamais été aussi criants. Pour un exemple parmi tant d’autres, le 6 juin dernier, la préfecture des Pyrénées-Orientales a expulsé une personne érythréenne vers son pays, une expulsion inédite qui confirme le tournant de la politique migratoire lorsque l’on sait que l’Érythrée est une des plus dangereuses dictatures d’Afrique.

Un réfugié sur deux est un enfant

Dans réfugié, il y a pourtant refuge : un lieu qui permet d’échapper à un danger. Or, ces réfugiés comme on aime à les appeler sont en danger même en dehors de leur pays. Sur les routes de la migration dont les Etats européens ne cessent de complexifier les possibilités de passage en négociant des accords avec des pays exploiteurs et maltraitants tels que la Libye et la Turquie, dans les eaux comme la Méditerranée où plus de 17 000 personnes sont mortes depuis 2014, dans nos rues, en bas de chez nous où des centaines de personnes n’ont pas accès à un logement. Et summum du comble, en France, même le citoyen qui voudrait donner aide ou refuge pourrait se voir traîné en justice pour délit de solidarité.

Plus de 65 millions de personnes vivent loin de chez eux, un réfugié sur deux serait un enfant, un grand nombre de ces personnes vivent dans des pays frontaliers aux leurs et ne pourront jamais parvenir aux portes de l’Europe. En France, l’année dernière, seulement 46 000 personnes ont trouvé protection en France, mineurs isolés compris. Je ne suis pas très bonne en maths, mais je crois qu’on est loin de l’envahissement rabâché par les politiques.

Bref, oui, mobilise-toi, renseigne-toi, mais pas d’hypocrisie. Les opprimés n’ont pas besoin d’une journée, ils ont besoin du respect de leurs droits les plus fondamentaux. Et c’est urgent, ça dure toute l’année et c’est un poids qui ne doit pas reposer sur tes petites épaules de citoyen.

Barbara ALLIX

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