Les Bleus sont champions du monde ce 15 juillet, une victoire arrachée après un très beau parcours. Au sifflet final, on s’est congratulé, on a crié et on a festoyé tous ensemble. Puis, arriva le moment où je devais prendre le métro pour rentrer chez moi. Arrivé seul en France en 2004 pour entamer des études supérieures, j’ai appris à me séparer des uns pour me retrouver chez moi. Seul car toute ma famille réside dans mon pays d’origine, le Maroc. Ce dimanche, soir je n’étais plus seul, j’étais un Bleu !

Les images du bus des Bleus sur les Champs-Elysées, le visage de Zizou, la liesse, de tout cela je n’ai rien vécu. Je n’étais pas français

La France est sacrée pour la deuxième fois de l’histoire de la coupe du monde, mais pour moi c’est une première, ma première étoile. En 1998, j’étais un jeune adolescent qui vivait de l’autre côté de la Méditerranée. Passionné de football, j’avais suivi le mondial. J’avais des équipes coup de cœur que je supportais mais l’équipe de France n’en faisait à l’époque pas partie. Après la finale de 1998, on a bien évidemment salué la victoire des Bleus au vu des liens qui unissent mon pays d’origine à la France, mais sans plus. Les images du bus des Bleus sur les Champs-Elysées, le visage de Zizou, la liesse qui s’en suivait, de tout cela je n’ai rien vécu. Je n’étais pas français.

Fils d’un arbitre de foot et petit-fils d’un basketteur, le sport occupe une place très importante dans ma vie. J’ai pratiqué en haut niveau dans un club d’athlétisme. A mon arrivée en France, j’ai poursuivi le sport en parallèle de mes études qui m’ont permis de décrocher mon master de droit. J’ai eu la chance de m’installer dans une ville qui porte en elle une histoire, celle du début du foot français. J’ai atterri chez des passionnés et connaisseurs : Reims et son Stade ont animé mes weekends. En 2006, j’ai eu la chance de pouvoir me rendre en Allemagne pour le mondial. Ce fut mon premier voyage de supporter pour les Bleus. Je ne me doutais pas que mon histoire avec les Bleus allait commencer par un mondial marqué par un coup de tête de Zizou. Puis, s’en est suivi le mondial au Brésil. Là aussi, j’étais présent lors de la défaite en quart de finale contre les Allemands au Maracana… Mais j’étais fan, j’hurlais de joie à chaque but et j’ai aussi pleuré à la défaite. Je n’étais pas encore français. Lorsque j’ai été naturalisé en 2012, j’ai enfin trouvé réponse à ma question : pourquoi tant de passion pour cette équipe ?

Cette équipe ressemble à la France

Aujourd’hui juriste et engagé dans l’associatif, j’ai bien évidemment appris à être français. Le sport y a contribué bien sûr. Je me rappelle de ces matins dans le quartier à préparer un départ pour une compétition. On venait tous d’ailleurs, de jeunes immigrés ou des fils d’immigrés nés ici sur le sol français pour qui seul le sport était une des seules motivations. On formait nos bataillons et on marchait ensemble conquérir les petits sommets. On gagnait ou on perdait mais on avait une fierté : c’était cela le sport amateur, quelque chose de fort qui nous unit.

Cette coupe du monde de 2018 résume à elle seule tout mon parcours : des jeunes qui s’arrachent pour rendre fiers les Français, des milliers de jeunes venus d’ailleurs qui se reconnaissent dans cette équipe qui ressemble à la France. Une histoire qu’on se doit de perpétuer pour ne pas oublier les batailles que l’on gagne chaque jour. La mienne, c’était pour me dire : désormais je vis bleu, je consomme bleu, je travaille bleu, je suis un bleu et non pas cet étranger.

Les Bleus, un espoir pour tous ceux qui ne cherchent qu’un avenir meilleur

Il nous fallait des repères, des symboles. Cette bande de jeunes est notre identité. Elle nous donne la force pour agir chaque jour désormais, mais elle est aussi l’espoir pour tous ceux, perdus dans le monde, qui ne cherchent qu’un avenir meilleur. L’équipe de France de 2018 aura le mérite d’être saluée pour ce qu’elle apporte à la nation comme tous les autres sportifs, qu’il se nomme Kylian Mbappé, Martin Fourcade ou Teddy Rinner. Ils sont français, ils sont champions et ils sont nos héros, comme nous sommes les supporters qui n’ont eu de cesse de brandir le drapeau.

Cette équipe nous a passionnés, nous a redonné notre place après de terribles évènements. Ces Bleus sont des porte-voix, ils sont au sommet, ils sont vus, suivis et commentés, ils seront désormais l’exemple pour toute une génération. Une génération qui vit l’exclusion, la discrimination mais qui ne perd pas espoir. La République et le sport m’ont appris une chose : ne rien lâcher et continuer à rêver, les Bleus nous ont fait rêver ce 15 juillet. Merci les Bleus de la part d’un bleu !

Anas MOUTABARRIK

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