Il fallait s’y attendre, le débat sur les parents accompagnateurs des enfants lors des sorties scolaires allait ressortir. Il faut toutefois revenir sur ce débat en rappelant la législation applicable, sans constamment instrumentaliser le débat.

Souvent, les parties prenantes du débat ne sortent pas des passions, elles campent sur une position qui vise à limiter les libertés plutôt que de les proclamer, ce qui semble être contraire à l’esprit de la loi de 1905 qui proclame la liberté de conscience dès son article 1.

Souvent, ceux qui affirment que les parents accompagnateurs ne sont pas dans leur bon droit visent deux arrêts, celui du tribunal administratif de Montreuil du 22 novembre 2011 et celui du tribunal administratif de Nice en date du 9 juin 2015.

Il va de soi, qu’il faut revenir sur la chronologie des évènements qui sont complexes. La solution apportée par le tribunal administratif de Montreuil, imposant une obligation de neutralité, est en réalité obsolète dans la mesure où plusieurs éléments sont venus balayer cette décision d’un revers de la main :

D’abord, l’étude du Conseil d’Etat du 20 septembre 2013 suite à une saisine du Défenseur des droits, infirme la position du Tribunal administratif de Montreuil et estime que les parents accompagnateurs ne sont pas soumis à l’obligation de neutralité. C’est d’ailleurs le sens dans lequel vont les commentaires des professeurs de droit. En effet, Claire Marliac précise concernant cette étude que « puisque le parent d’élève ne peut être affilié à l’agent, le Conseil d’État en déduit qu’il doit être rattaché aux usagers. Il prend appui sur une jurisprudence antérieure et n’exploite pas l’ouverture proposée par la décision du Tribunal administratif de Montreuil ». Le Conseil d’Etat précise également que pour les besoins du bon fonctionnement du service public, une restriction peut être apportée.

Puis, il faut également revenir à l’audition par l’observatoire de la laïcité le 21 octobre 2014 par Madame Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de l’Education nationale. Sa déclaration au sujet des sorties scolaires fut limpide. Par cette déclaration, la ministre cherche à renouer le lien parfois rompu entre l’école et certains parents écœurés par cette décision. « Je veux réaffirmer un principe et une orientation. Le principe c’est que dès lors que les mamans (les parents) ne sont pas soumises à la neutralité religieuse, comme l’indique le Conseil d’État, l’acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l’exception. L’orientation, c’est celle de l’implication des familles dans la scolarité de leur enfant et la vie de l’école. Au moment où je veux absolument renouer le lien de confiance, qui s’est distendu, entre les parents et l’école, au moment où nous voulons multiplier les initiatives de terrain en ce sens, tout doit être mis en œuvre pour éviter les tensions. Cela suppose d’éviter les provocations et de faire preuve de discernement. Je fais confiance aux acteurs de terrain et je serai attentive à ce que cette logique d’apaisement et d’implication collective pour la réussite des enfants soit partout mise en œuvre ».

Le 9 juin 2015, le tribunal administratif de Nice amené à statuer sur une demande d’imposition de la neutralité à un parent accompagnateur a précisé que la motivation lapidaire de l’administration entrainait l’illégalité de la demande de neutralité du parent. En effet, le principal avait simplement mentionné que « nous n’avons malheureusement plus le droit d’être accompagnés par les mamans voilées ». Or, le tribunal rappelle que les parents accompagnateurs doivent être regardés comme des usagers du service public non soumis au principe de neutralité. Par ailleurs, la limite du bon fonctionnement du service public éducatif impose une argumentation motivée et circonstanciée. En conséquence, le tribunal administratif de Nice ne fait que renforcer le principe et accorder tout crédit à l’étude du Conseil d’Etat et enterre la solution proposée par le tribunal administratif de Montreuil.

C’est d’ailleurs cette solution qui est régulièrement préconisée par les rapporteurs publics au sein des tribunaux administratif. Il suffit d’avoir égard aux conclusions de Christophe Binand, rapporteur public, sous la décision du Tribunal administratif d’Amiens du 15 décembre 2015. L’accompagnement des sorties scolaires par des mamans portant le voile constitue une des manifestations de leur participation, en leur qualité de membres de la communauté éducative et de la vie scolaire. Elles n’ont pas la qualité d’agents publics et ne sont pas tenues à la stricte neutralité religieuse à laquelle ils sont astreints.

Monsieur Blanquer, vous avez affirmé que des mesures seront prises sur ce sujet. C’est la laïcité telle que prônée par la loi de 1905 qu’il faut respecter. Agissez, mais justement, pour la laïcité !

Asif ARIF

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