[#LÉGISLATIVES2017] Notre série sur ces jeunes qui votent pour la première fois reprend, au sujet des législatives cette fois. Certains d’entre eux ont livré leurs impressions durant cet entre-deux-tours, où l’abstention du 11 juin dernier a frappé les esprits, tout comme la perspective d’une large majorité pour le mouvement La République en marche.

Ils s’appellent Chloé Bonnet, Sarah Nicole, Atika El Mouafik, Pauline Suzanedith et Corentin Tholoniat. Lors de notre série « Toute première voix », nous leur avions consacré un article. Ils votaient alors pour la première fois à une élection. C’était l’élection présidentielle. Les législatives de ce mois de juin étant également les premières auxquelles ils sont en mesure de pouvoir voter, nous les avons recontactés pour recueillir leur ressenti : se sentent-ils concernés ? Font-ils partie des 51,3% d’absention ? Ont-ils contribué à la vague LREM ?

« Overdose de la présidentielle »

Tous ces primo-votants ont affirmé avoir voté lors du premier tour des législatives, même si pour Chloé Bonnet, la motivation n’était pas au rendez-vous. « J’ai décidé, presque au cas où, d’aller soutenir les hommes et femmes qui se présentaient dans la 6e circonscription du Val-d’Oise », précise la jeune femme de 19 ans. Du coup, ces jeunes se sentent en décalage avec l’abstention record qui a marqué le premier tour. « Ce taux d’abstention, pour moi, c’est vraiment triste », commente Sarah Nicole, militante Les Républicains. Pour cette lycéenne originaire de Tremblay-en-France, « les gens n’ont pas cherché à savoir le rôle d’un député alors qu’il est primordial de voter à ces élections », plus importantes que la présidentielle selon elle. « Ça prouve qu’il y a un grand nombre de personnes qui ne sont plus intéressées par la politique et dont la politique ne les intéresse plus », souligne pour sa part, Corentin Tholoniat, étudiant à Sciences Po, dont le sentiment est « mitigé » par rapport à ce premier tour, lui qui a voté par procuration car actuellement en Angleterre.

Pour Atika El Mouafik, une des causes de cette abstention est liée au traitement de l’élection présidentielle. « Tout le monde fait une overdose de la présidentielle et n’a donc plus envie de s’intéresser à la suite des événements », analyse la jeune électrice, habitant Stains. Toujours est-il que tous comptent voter pour le second tour, dimanche 18 juin, même si pour certains l’hésitation est de rigueur. C’est le cas de Chloé Bonnet confrontée à un duel entre le MoDem et Les Républicains dans sa circonscription. Pauline Suzanedith, originaire de Boulogne-sur-Mer, fait figure d’exception. Celle qui a voté Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle ne se déplacera pas au second tour des législatives, car elle ne veut pas choisir entre LREM et FN dans la 10e circonscription du Pas-de-Calais. « C’est comme si on proposait à une végétarienne de manger au resto pour manger soit du bœuf soit du porc », lâche-t-elle, fataliste.

« Une majorité de La République En Marche me fait peur« 

Hormis l’abstention, il y a la question d’une forte majorité pour La République En Marche, avec des projections autour de 400 députés sur les 577 sièges de l’Assemblée nationale. Une perspective qui ne rassure pas la majeure partie des primo-votants contactés par le Bondy Blog. « À terme, une majorité de La République En Marche me fait peur. S’il n’y a pas un minimum de contre-pouvoir au sein de l’Assemblée, Monsieur Macron pourra aisément installer la politique qu’il souhaite », s’inquiète Atika. Elle n’est pas la seule à formuler ce rejet d’une majorité écrasante de LREM. Pauline craint, elle, une obéissance aveugle des futurs élus LREM à l’égard du président de la République. « Je ne veux pas de députés qui doivent tout à Macron parce qu’ils seront arrivés en politique avec lui et son mouvement », ajoute-t-elle. Pour Chloé, donner une telle majorité au président de la République, c’est lui permettre d’avoir quasiment les pleins pouvoirs, ce qui n’est pas une bonne chose aux yeux de l’étudiante.

Corentin fait figure d’exception à ce sujet. Et pour cause ! Il fait partie des jeunes avec Macron. Celui qui a misé sur Macron dès le lancement de son mouvement a été très actif durant la campage présidentiel, en tant que “membre actif” de l’association “Sciences Po En Marche” et aussi du comité “En Marche” du 9e arrondissement de Paris, où il vit désormais, dans un foyer d’étudiants. Le jeune homme est naturellement ravi à l’idée d’une forte majorité présidentielle. Dans sa circonscription, la 6e de Loire, le candidat LREM Julien Borowczyk est en ballotage favorable à l’issue du premier tour. « Plus il y aura de députés En marche, mieux ce sera pour appliquer notre programme », assène-t-il.

Relancer de l’intérêt pour les législatives

Comment attirer des électeurs au second tour ? Pour Sarah, cela passe par la responsabilité individuelle, mais aussi celle de l’État, afin de sensibiliser les citoyens à ce scrutin. Cette question de la sensibilisation est également soulignée par Atika qui pointe du doigt le rôle des médias, qui « en ont fait des tonnes au sujet de la présidentielle mais qui n’ont pas clarifié les enjeux des législatives ». « Je dois dire que c’est trop flou pour moi contrairement aux présidentielles », avoue l’étudiante en information et communication à Paris 8. Même chose pour Pauline, au sujet des médias, car l’étudiante de 21 ans en sciences politiques estime qu’il y a un manque d’explication sur le fonctionnement des institutions de la Ve République, jugeant, par ailleurs, que « le Président, une fois élu, n’a pas tout pouvoir ».

Quant à Chloé, la réflexion est au niveau du mode de scrutin, actuellement majoritaire à deux tours. « Le problème du mode de scrutin et du calcul pourcentage votes/sièges interdit aux​ partis les plus petits d’avoir de l’importance et un poids réel » analyse l’étudiante, elle qui a accordé davantage d’attention pour des « petits candidats » tant à la présidentielle qu’aux législatives. Faudra-t-il une proportionnelle intégrale ou partielle pour mobiliser de nouveau les électeurs qui se sont abstenus, pour de futures législatives, le même jour que la présidentielle ? C’est peut-être une piste à soumettre aux futurs députés.

Jonathan BAUDOIN

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