Connu pour son discours sans détour sur l’état de la France et le péril des politiciens, Jean-Paul Delevoye, Président du CESE, persiste et signe. Jeudi 3 avril, il rencontrait les élèves de l’école Simplon de Montreuil, fabrique atypique des entrepreneurs de la FrenchTech de demain. Visite.

Cela fait maintenant quelques années que Jean-Paul Delevoye, président du Conseil Economique, Social et Environnemental tire un bilan de la France qui est loin d’être glorieux. En effet, cet ancien Médiateur de la République, ancien ministre et qui fut maire de Bapaume (62) durant trente ans ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque l’organisation du pays ou les hommes politiques.

Selon lui, « la France fonctionne de manière centralisée et ce système a du mal à accepter l’innovation, le système centralisé est un système de résistance, le progrès apparait comme un facteur de risques. C’est pour cela que toutes celles et ceux qui innovent ont énormément de difficultés. Nous devons accepter que la France tirera sa force de son innovation. »

delevoyeEn tant que président du CESE, Jean-Paul Delevoye favorise cette innovation à travers ses visites, « mes déplacement ont pour but de faire remonter des initiatives que je trouve intéressantes » comme ce jour-là où il visite l’école Simplon à Montreuil. Une école destinée à apprendre le développement web et entrepreneuriat numérique à trente jeunes à qui l’on ne demande qu’une seule chose : être motivé.

Mais pas seulement, Jean-Paul Delevoye favorise aussi ces initiatives à travers le CESE, qu’il veut comme un « lieu de dialogue » mais surtout qui a une « influence sur le pouvoir. » « Nous portons des avis pour conseiller le gouvernement, comme sur l’économie numérique ». Ainsi, Jean-Paul Delevoye répond aux nombreuses critiques adressées au CESE ces dernières années le taxant d’inutilité et d’assemblée de privilégiés. Voilà pourquoi à son arrivée, M. Delevoye s’est donné cinq ans pour prouver l’utilité du Conseil, aujourd’hui, il est en mesure de faire le bilan : « en cinq ans, nous aurons sécurisé financièrement le CESE, clarifié les règles d’éthique de l’argent public et valorisé nos avis. Aujourd’hui, 30% d’entre eux ont une influence positive ».

Et Jean-Paul Delevoye semble préférer cette « influence sur le pouvoir » à l’exercice du pouvoir, étant donné le bilan qu’il dresse des hommes politiques. Lui qui a abandonné tous ses mandats locaux regrette qu’ en France, «les hommes n’aiment que la jouissance du pouvoir et ses artifices et non son exercice. Alors que la noblesse de la politique, c’est d’essayer d’obtenir la confiance des électeurs, le problème, c’est que nous souffrons d’un excès de politiciens, pas de politique. Les politiciens cherchent le pouvoir sans projet de société. C’est pour ça que depuis quelques années, je dénonce le fait que les hommes politiques préfèrent gagner des électeurs que perdre des citoyens. »

C’est cela qui conduit à l’abstention, cette « insurrection citoyenne » selon lui. Mais les citoyens ont aussi leur part de responsabilité dans le comportement des hommes politiques selon lui, « sommes-nous prêts à voter pour un président qui dit la vérité ? Pas sûr ».

« Les citoyens sont déboussolés, ils sentent les politiques impuissants, alors le sentiment devient du ressentiment ». De plus, il déclare, tout au long de sa carrière, avoir senti monter le sentiment de défiance des citoyens à l’égard des hommes politiques. Cela est nourri par un « sentiment d’inquiétude collective, une peur de déclassement de la classe moyenne et des jeunes qui voient leur avenir ailleurs qu’en France. »

Sa solution ? « Créer des espérances nouvelles, enclencher un état d’esprit nouveau ». Reste que cette volonté, cet esprit-là, ne sont plus au sommet de l’Etat, mais dans les initiatives locales, les citoyens ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes et sur leurs idées, à l’image des fondateurs de l’école Simplon, à qui Jean-Paul Delevoye a déclaré non sans humour « vous emmerdez le monde, et j’aime bien ça. »

Latifa Oulkhouir

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