Il y a un an, Adama Traoré mourait lors de son arrestation dans des circonstances encore très floues. De janvier à juin 2017, sept apprentis journalistes du Celsa ont réalisé une enquête sur les rapports police/population. Le Bondy Blog ouvre ses colonnes à leur travail. Pour clore cette série en musique, voici 29 chansons sur les violences policières.

Alors que Georges Brassens se moquait de ces « badauds de flics », décrits comme violents par Juliette Gréco, surtout lors des manifestations au cœur de la ville, en périphérie, dans les quartiers populaires, police se confond bien souvent avec confrontation quotidienne et racisme.

De là, résonnent depuis des décennies des voix qui permettent de comprendre en partie ces rapports et les dénoncent.

ÉTAT POLICIER (2000) & L’ÉTAT ASSASSINE (1995) – Assassin  – Le groupe livre un réquisitoire contre l’État français, soulignant à la fois la récurrence et l’impunité des « bavures policières ». Le titre est l’occasion de rendre hommage à plusieurs personnes décédées : Makomé M’Bowolé, Bouziane Abdel Kader, Jawad Zaouiya, Youssef Khaif, Malika ou encore Malik Oussekine.

« Les crimes policiers ou bavures policières

Il faut qu’ça cesse, il faut qu’ça cesse !

Suites inconnues pour 80% d’affaires

Il faut qu’ça cesse, Il faut qu’ça cesse !

Votre justice impartiale, on ne va pas nous la faire

Il faut qu’ça cesse, Il faut qu’ça cesse !

Condamnez vos assassins

Si vous ne voulez pas la guerre

Il faut que ça cesse, il faut que ça cesse ! (…) »

 

LA FRANCE – Sniper (2001) – Le dernier couplet dénonce notamment l’impunité des violences policières.

« À 2 ou 3, en résoi, c’est comme ça qu’ça sser-pa

Contrôle musclé, la BAC passe et demande tes piers-pa

Si j’les ai pas, là ça commence par insulter ta mère

Ta sœur, tes frères, ça dégénère et tu t’fais per-ta

(…)

Dans la rue, règlement de compte entre Cyril et Mamadou

La police est intervenue et a interpellé l’agresseur

Dans la rue, règlement de compte entre Badou et Mamadou

La police a tout vu et est restée en tant que spectateur

Donc est-ce que les gens naissent

Égaux en droit à l’endroit où ils naissent ? J’crois pas

Dans l’fond, j’travaille pour ton pays, m’bats pour ton pays

Persécution, alors que j’fais gagner de l’argent à ton pays

La France est une garce et on s’est fait trahir

Mon seul souhait désormais est de nous voir les envahir

Y’a trop de faits marquants donc j’suis obligé d’les citer

Un flic tue un homme froidement et s’trouve acquitté

Simple banalité ? Non, y a trop d’inégalités

Justice à deux vitesses, ils assassinent en toute légalité

Ils nous croient débiles mais quand ça pète dans les cités

Ils canalisent la révolte pour éviter la guerre civile

Hé ouais, c’est pour quelle raison qu’on casse tout et qu’on s’défoule

C’est qu’si les larmes coulent, le sang coule (…)”

POLICES – Saïan Supa Crew (2001) – Le collectif détaille les rapports jeunes/forces de l’ordre. La police est ici perçue comme raciste. La communication entre les jeunes et la police semble rompue.

« Ce n’était qu’un cache-cache dans une crèche

C’est pas comme si on était à 4 casés dans une caisse volée !

Ben quand les condés vinrent, ce n’était pas qu’une ronde

Hey ! 20 îlotiers + 20 CRS, ça en fait une cité bondée, hein ? !

Toutes les grilles et barrières j’ai enjambées, mon palpitant jouait du djembé

De bons flics, rien de tel pour te mettre en jambes et…

Une fois

Qu’on avait semé les messieurs au képi, puissamment j’ai crié :

 Les mecs c’est O.K., pause pipi puis-je ?

Au lieu de rentrer, on a tenté le diable, squatté le bac à l’entrée

L’attente fut courte, en 2,4,6, ils se sont pointés…

Papiers, pouilleux, passe-les !

Dis pas qu’ils sont chez toi où t’as droit à la raclée !

Non pas de “mais”, pas de “vas-y”, pas de compromis

Pas de “comprenez” , tu me suis et fais pas le con ou promis

On aurait pas dû vous descendre des cocotiers où vous étiez perchés

Bande d’animaux bons qu’à être postiers.

Ta race est sale, une raclure, même pas une moitié

Je t’emmène au QG, sous les bottins, tu crieras pitié !

Police sur ma peau lit “C’est un Blacky’, donc il peut pas être poli

Serait-ce parce que c’est un CRS que je prends le risque de traiter sa roeus ?

Ca reste en travers sa gorge, il est prêt à me rosser de coups avec son joujou Toy’s R Us !

Vas-y frappe un black par terre

Tout cela ravive en moi la flamme du Black Panther

Tout ça pour un pitbull, on me contrôle comme une petite pute

C’est vrai qu’on est pas Bill et Boule

Ces débiles me cassent les boules

Pas d’bol je suis tombé sur des condés balourds avec un bel uniforme

Les deux unis forment Starsky et Hutch

Mais je t’affirme que seuls, ils la ferment !

J’ai beau faire la morale, jamais on s’aimera

Mamadou ou Mourad montent à la tête des kisdés

Comme Amora, on se dispute comme des amoureux

On aime se détester à en mourir

Les rapports jeunes/flics puent la morue ! (…)”

L’AVOCAT DU DIABLE – Despo Rutti (2010) – L’artiste expose les problèmes économiques et sociaux rencontrés dans les quartiers populaires, qui inhibent tout futur pour la jeunesse. Allant contre les poncifs communs, le rappeur dit se faire “l’Avocat du diable” :

Pour ceux qui n’ont plus d’autre choix que l’illicite pour rester digne,

Pour la survie, pas la frime (…)

J’te parle de la rébellion économique.

Ils ne veulent nous voir qu’un ballon entre les pattes ou un balai entre les mains

Mes frères veulent voir leur progéniture de la poudre entre les narines (…)

Nous non plus on n’veut plus de la police de proximité ici

Parce qu’elle est beaucoup trop près pour rater sa cible (…)

C’est la rébellion économique,

Rangez vos flashball, trouvez nous du taff,

Rangez les tasers, appelez moi l’Avocat du Diable,

let’s go, Fuck Julie Lescaut (…) »

DEUX ISSUES – Kery James (2001) – L’artiste constate dans cette chanson le manque de possibilités offertes aux jeunes des quartiers populaires. Pour lui, elles se résument à un choix : « la mort ou la prison , 4 murs ou 4 planches« .

« Issu des quartiers meurtriers, là où le meurtre y est trop fréquent

La vie de you-voi (voyou) et ses conséquences

J’raconte les trips du ghetto, ses ambiances louches

Quand sonne le fusil à pompe, tout le monde se couche

Pas un voyou qui fasse long feu t’es prévenu

À peine tu viens d’ouvrir les yeux que t’es détenu

La mort ou la prison t’as que deux issues (…)”

LA MARCHE – featuring de Akhenaton, Disiz, Dry, Kool Shen, Lino, Nekfeu, Nessbeal, Sadek, Sneazzy West, Soprano, S. Pri Noir, Still Fresh, Taïro (2013) – Titre en lien avec le film La Marche d’Olivier Gourmet sorti à l’occasion des 30 ans de la Marche de 1983. Les rappeurs reviennent ici sur la criminalisation de leurs luttes et l’absence de prise en compte de leurs revendications. Ce qui ressort de ce titre, c’est que peu de choses ont changé en 30 ans.

« On m’a dit : Aimez la France ou quittez-la

Pour vous représenter, on a mis des Rama Yade et des Fadela

Pourquoi vouloir une bibliothèque dans vos favelas ?

Tenez : un terrain d’foot, vous deviendrez tous des Benzema

J’sais qu’c’est mort, v’là l’schéma

Ils veulent me faire croire qu’ma couleur de peau c’est que d’l’eczéma

Puis ils s’étonnent que les jeunes ont la rage

Ce soir, mon rap n’est pas un cul-de-jatte, il est prêt pour la marche (…) »

MUSIQUE NÈGRE – Kery James (2016) – Cette chanson fait figure d’œuvre de réappropriation de l’histoire noire en France. Elle passe par une dénonciation du racisme ambiant, sous-jacent à la société française.

« Un mec qui écrit pour les autres,

Ils appellent ça un nègre,

Un noir qui plane au-dessus d’eux,

J’appelle ça un aigle, (…)

Sur le boulevard de la vie,

Je suis dans l’angle mort.

Un nègre qui les défie

Est un nègre mort.

Depuis le bruit et l’odeur,

Je sens que je dérange la France,

Je fais un tour chez Guerlain,

Je mets du parfum de Violence (…) »

LE JUGEMENT – TANDEM troisième partie (2005) – Ce titre est la dernière partie d’une trilogie musicale établie par Tandem. Les chapitres 1 et 2 sont, eux, intitulés Un Jour comme un Autre et Frères Ennemis. Le procès mis en scène dans ce texte est la conclusion fatale du destin du personnage fictif de Socrate, tout juste sorti de prison, en pleine réinsertion.

« Liberté, égalité, fraternité, Messieurs les jurés

Pourquoi personne n’y croit plus dans nos cités?

L’égalité des chances : une utopie

Car on ne mène pas la même vie du 16ème à Saint-Denis

Il faut l’avouer n’accentuons pas les injustices

Au nom de la fraternité, refusons d’être complices

De l’assassinat d’une liberté

Le tout c’est d’admettre qu’un homme peut changer

Notre société ignore-t-elle le pardon ?

Peut-on condamner sur de simples présomptions ?

Notre police n’est pas infaillible

Dans cette affaire il me paraît clair

Qu’il y a de la bavure dans l’air

Alors qui va-t-on condamner ?

Le vrai coupable, ou ce noir au lourd passé ?

Le dernier témoin est formel

Le crime n’a pas de couleur ni d’origine, vous êtes informés (…) »

QUE FAIT LA POLICE ? – IAM (2013) – Le groupe marseillais estime que la police est employée à des tâches inutiles et ne traitent pas tous les citoyens de la même manière.

« Que fait la police, elle tourne des documentaires,

Et calme à grands coups de lacrymo le moindre contestataire »

QUI SONT-ILS ? – Casey (2006) – La rappeuse donne un vision d’une police raciste mais aussi plus largement, d’un racisme d’État.

Qui sont-ils ?

Ils sont nos ennemis

Qui sont-ils ?

Police, Justice, Raciste

On vous emmerde !

(…)

Gueule féroce, coupe à la brosse

Main sur la crosse, tu verbalises des gosses

Tu terrorises des vieux, tu utilises la force

Brassards de police et drapeau sur le torse

Tu fracasses des faces en légitime défense

Et rappelle qu’ “ici quand même on est en France”

Et que toi tu bosses et fais des sacrifices

“C’est pas pour l’avoir dans l’os ou l’orifice

Donc vos papiers s’il vous plait messieurs !

Ôtez les mains d’vos poches et puis baissez les yeux !

Et que personne ne bronche tout ira pour le mieux

C’est bon remballez vos tronches et puis quittez les lieux”

Déjà un an de service à ton palmarès

Des “sales manouches” des “sales bicots” et “négresses”

Les collègues t’applaudissent et une juste caresse

Et pour fêter ça tu tires en état d’ivresse (…)”

Elle enchaîne ensuite son dernier couplet sur la logique politique, comme cause de cette situation :

Puisque l’opinion publique demande

Que s’arrête le trafic et la contrebande

Beaucoup plus de flics, de prisons et d’amendes

Selon le dernier sondage de ta commande

Tu scandes, tu gueules, tu fais de grandes tirades

Sur la menace de ces gangs et puis du djihad

Parle d’escalade de violence et te ballade

Avec brigades et télés sur nos esplanades

Promets aux français malades ton aide

Leur dit que la meilleure méthode, c’est la plus raide

Afin de terminer, pour une fois, d’en découdre

Avec ces voyous qui te vendent flingues et poudre

Donc qu’ils viennent sur tes listes électorales

Et tu rétabliras l’ordre et puis la morale

Une politique virile car l’immigré s’impose

Voilà ce que ton programme présidentiel propose”

QUI CA ÉTONNE ENCORE ? – La Rumeur (2007) – Le groupe exprime le sentiment pour la jeunesse des quartiers populaires d’être des “citoyens de seconde-zone” et la réaction de violences que cela entraîne.

« Car tout porte à croire que les tier-quar

Ont toute la France contre eux, alors avant que ça reparte en queue

Et on a noyé dans des litres d’essence

Le souvenir borgne de l’innocence

En équilibre sur un fil de feu

Comme une corde à pendre au cou des fourgons bleus

C’est ni le pied ni la gloire quand tout crame

C’est même pas une réponse à la hauteur du drame

Mais c’est comme ça, c’est tout, c’est tout ce qui reste

Quand le quartier fait même peur à la peste

Ma vie, mon coeur ne flanchent pas

Mon père, ma mère, ne pleurez pas

Si on se jette dehors avec le diable au corps

C’est qu’on refuse de vivre sans honorer nos morts (…) »

 

Emma DONADA, Amanda JACQUEL, Pierre LAURENT, Constance LÉON, Liselotte MAS, Gaspard WALLUT et Fanny ZARIFI

(Re)lire tous les épisodes de #CESSEZLEFEU ici.

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