Le campement des Coquetiers à Bobigny a été vidé de ses habitants hier matin. Ce bidonville, est l’un des plus anciens de Seine-Saint-Denis. Il a été évacué en vertu d’un arrêté municipal pris par le maire UDI, Stéphane De Paoli. Les résidants avaient été prévenus 48 heures à l’avance pour quitter les lieux. Aujourd’hui, ils sont abrités dans un gymnase à Paris.

Après plusieurs péripéties, les habitants du camp de Roms de Bobigny sont désormais logés provisoirement au gymnase « Marie Paradis » dans le 10e arrondissement de la capitale. Sur les lieux, des enfants jouent, des pères et mères de famille se reposent sur des lits, certains dégustent leur repas du midi. Des caddies et autres effets personnels ont été déposés au fond du gymnase. La fatigue peut se lire sur les visages…

Près d’eux, Andrea Caizzi, président de l’ASET 93 (Association pour la Scolarisation des Enfants Tsiganes). Debout, portant un pull vert, les mains dans les poches, il revient sur l’expulsion de la veille « hier à midi, la police a prévenu qu’à 13 heures tout le monde devait partir. Les gens ont eu peu de temps pour tout ramasser ». Selon Andrea, il y a environ une soixantaine de personnes qui ont dû quitter le camp des Coquetiers, et, parmi eux « une vingtaine d’enfants ». « Ils les ont banni de la ville, ont les a même empêché de se mettre à l’abri » ajoute-t-il.

« On a essayé de prendre le métro le plus proche pour aller au chaud car il faisait froid » raconte Nikolaï, un jeune homme d’origine bulgare. En France depuis 4 ans, il effectue son service civique avec l’association « les enfants du canal». Il parle couramment français et s’occupe de la traduction avec les familles Roms « je suis avec eux depuis hier matin à 8 heures ». Il poursuit « on a marché deux heures avec les familles sous la pluie. Les habitants étaient énervés. La police les a bloqué, on ne pouvait pas prendre le chemin qu’on voulait ». « Agressive » c’est le mot qu’il emploie pour décrire l’expulsion de la veille. Il dit aussi avoir été « poussé par un policier ».

Les Roms ont tout de même réussi à prendre le métro après avoir quitté Bobigny. C’est à République qu’ils se sont dirigés avec des responsables associatifs. Une manifestation a eu lieu pour protester contre leurs conditions et réclamer un hébergement d’urgence. « À République on a réfléchi à une solution, puis on s’est installé dans le grand hall de l’hôpital Saint-Louis à Paris » raconte Andrea Caizzi. Le responsable associatif dit avoir vu « au moins 60 CRS, 17 camionnettes et un véhicule blindé » pour les faire partir de l’hôpital. La mairie de Paris a été saisie et « vers 23 heures, ils ont décidé de nous ouvrir le gymnase ».

L’hébergement au gymnase « Marie Paradis » est provisoire. « Pour l’instant on est dans les prémices des discussions avec les services de l’État. On a bon espoir que ça se décoince » estime Dominique Bordin, coordinateur à la « mission sans abri » à l’hôtel de ville de Paris. Une discussion doit avoir lieu ce soir avec la mairie de Paris.

« C’est la première expulsion que nous avons vécu, nos enfants ont eu peur. On a bien dormi mais on n’est pas tranquille car on ne sait pas ce qu’il va se passer demain » témoigne un père de famille, assis sur un lit accompagné de sa femme et deux de ses enfants. Face à cette expulsion, ils ne comprennent pas les positions du gouvernement « c’est du racisme, ils n’aiment pas les Roms! Le gouvernement veut nous renvoyer dans notre pays. On est venu en France pour trouver du travail ». Nikolaï, qui assure la traduction, explique que ces personnes cherchent aussi à apprendre le français et que quatre enfants de cette famille sont scolarisés dans des écoles. « Les animaux ont plus de droit que les roms en France ! » s’exclame le père de famille.

Le camp de la discorde

Une partie du camp avait été évacuée en août 2013 et six mois plus tard, une fillette de huit ans avait été retrouvée morte dans un incendie survenu dans la partie restante du camp. Ce qui avait encouragé la décision de fermer le camp.

En août dernier, le nouveau maire de Bobigny, Stéphane De Paoli, avait pris un arrêté municipal dans lequel il évoquait l’insalubrité des lieux. Le problème qui se pose aujourd’hui pour les associations qui soutiennent les ex-habitants des Coquetiers, est que ces gens n’ont pas tous été relogés. Une trentaine de familles ont reçu une proposition de relogement, selon la préfecture. «Les solutions de relogement proposées par les autorités ne sont pas adaptées », dénonçait lundi Amnesty international. Ces logements « se trouvent pour certains au-delà de la banlieue parisienne, très loin des écoles que fréquentent actuellement les enfants » renforçait l’organisme. De plus, les différentes associations qui soutiennent la population Rom et plusieurs balbyniens insistaient sur le fait que ces gens s’intégraient, certains enfants étant scolarisés dans les écoles de la ville.

Mais pour d’autres, cela sonne comme une des promesses tenue par l’édile UDI. En effet, la fermeture des camps de roms faisait partie de son programme lors de la campagne municipale en mars dernier. Certains balbyniens avouaient même « que ce point considérait une motivation de plus à voter pour lui ». Plusieurs parents dénonçaient le manque d’hygiène dans ce campement et l’arrivée de vieilles maladies dans les écoles maternelles. « Le lupus et la scarlatine avaient été décelés chez certains enfants », confiait la mère d’une fille en maternelle. « Les vols d’eau dans les conduits d’immeubles (prélevée directement sur les charges des locataires), la présence de moucherons et moustiques dans les appartements, les poubelles vidées sur la voirie et sur les paliers d’immeubles, les points Relais vidés à même le sol », citent plusieurs habitants de la ville, constituaient toutes les preuves flagrantes d’insalubrité et de danger.

Mais aujourd’hui, les familles qui n’ont pas été relogées sont à la rue. La ville de Paris tranchera ce soir sur le sort des roms du campement de Bobigny. Pour le moment, ils profitent de la chaleur du gymnase pour se reposer en attendant un lendemain meilleur.

Inès El Laboudy et Imane Youssfi

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