Le 5 mai dernier, Curtis R., 17 ans, décédait après avoir percuté un bus alors qu’il pilotait un quad sans casque, à Antony, dans les Hauts-de-Seine. Selon les premiers éléments de l’enquête, le jeune lycéen tentait de fuir un contrôle de police mais les circonstances exactes du drame restent floues. Ce dimanche, famille et amis proches de l’adolescent ont marché pour lui rendre hommage. Reportage.

« Justice pour Curtis » et « Ma force est en chacun de vous« . Voici les messages que l’on peut lire, ce dimanche 14 mai, sur les t-shirts noirs et blancs des participants à la marche en hommage à Curtis R., 17 ans, mort neuf jours plus tôt à Antony, dans les Hauts-de-Seine. L’adolescent est décédé après avoir percuté un bus en tentant de fuir un contrôle de police alors qu’il conduisait un quad, sans casque. Les agents de la Bac (Brigade anti-criminalité) affirment avoir perdu la trace du jeune homme avant la collision mortelle. Une version contredite par plusieurs témoins, dont un rapporté par le Bondy Blog  indiquant avoir vu une voiture des forces de l’ordre foncer à vive allure derrière le véhicule de Curtis. La famille du jeune lycéen, elle, a décidé de porter plainte contre X pour homicide involontaire. Une enquête a été ouverte par le parquet de Nanterre pour préciser les circonstances exactes de l’accident.

Assa Traoré, soeur d’Adama Traoré, mort en juillet 2016 après une interpellation par des gendarmes, fait partie du cortège en hommage à Curtis.

Mais ce dimanche, lors de la marche, le combat est tout autre. « Nous sommes là pour honorer la disparition tragique de mon fils et montrer la solidarité du quartier« , explique Claude R., le père de Curtis. « Soyez à l’image de Curtis, souriants et respectueux« , demande Didier B., l’oncle de Curtis, en s’adressant à la foule avant le départ du cortège, depuis le lieu du drame. Famille, amis et habitants des quartiers ont répondu présents. Pendant trois heures, 500 personnes défilent dans le calme et en silence. Certains se tiennent par la main, d’autres ne parviennent pas à contenir leurs larmes tout au long du chemin. Assa Traoré, soeur d’Adama Traoré, mort dans des circonstances encore floues après son interpellation par des gendarmes de Persan (Val-d’Oise) le 19 juillet 2016, est également venue apporter son soutien à la famille de Curtis.

Curtis est un garçon « respecté et de respectable », « toujours prêt à rendre service »

« On veut que la vérité sorte. On veut la justice et la paix. Curtis était une personne calme, souriante, sympathique, tranquille. Il ne causait pas de problème à qui que ce soit« , dépeignent David et Amone, 17 ans, amis de Curtis. « Les médias, comme Le Parisien, sont toujours du côté de la police. C’est toujours la même chose : pour eux, les policiers ne font que leur travail et les jeunes des quartiers sont tous des voyous« , lâche, dépité, Samir*, 21 ans.

« Je suis ici parce que je connais la maman. Je suis venue pour soutenir la famille dans cette épreuve. Je connaissais Curtis, ce n’était pas un gamin à problème comme on a pu le lire dans les médias et sur Internet. Il avait toujours le sourire et était toujours prêt à rendre service« , souligne une mère de famille, accompagné de ses deux enfants, qui préfère garder l’anonymat.

« Curtis était quelqu’un de respecté et de respectable« , décrit le beau-frère du jeune garçon. « Il était sportif, il a notamment fait du basket. Il était connu et s’entendait avec beaucoup de monde dans les quartiers alentours. C’est pour ça que beaucoup de personnes sont venues lui rendre hommage aujourd’hui« . Effectivement, tout au long du parcours, des gens viennent grossir les rangs de la marche pacifique. Les marcheurs passent par plusieurs quartiers de Massy et y marquent des arrêts pour respecter une minute de silence à la mémoire de Curtis.

« Nous avons besoin de connaître la vérité », mère de Curtis

Marche en hommage à Curtis, 17 ans, dimanche 14 mai 2017.

Malgré une grosse averse, les participants à la marche blanche n’ont jamais dévié de leur chemin. Toujours dans la calme, ils arrivent vers 17h30, place de France, au coeur du quartier Massy-Opéra où habitait Curtis et où se conclut l’hommage. « Au cours de la marche, j’ai craqué par moment parce que nous sommes passés devant les quartiers où j’ai grandi. J’ai craqué aussi lorsque nous sommes passés devant son collège Diderot, parce que l’établissement m’a soutenue aussi« , révèle la maman de Curtis, au bord des larmes, qui a tenu à remercier les habitants de Massy et demande à tous ceux qui peuvent témoigner de le faire pour que « la voix de la famille puisse se faire entendre« . « Nous avons besoin de connaître la vérité », dit-elle, la voix tremblante.

« Quand un enfant meurt, c’est toute la ville qui pleure », Vincent Delahaye, sénateur-maire (UDI) de Massy

« Je suis venu avec un certain nombre d’élus qui ont tenu a assister à cette marche. (…) Je voudrais d’abord délivrer un message de solidarité vis-à-vis de la famille de Curtis. Je suis d’abord très admiratif envers la réaction de cette famille. Perdre un enfant est la chose la plus terrible qui puisse arriver dans une vie. Quand un enfant meurt, c’est toute la ville qui pleure. Nous sommes à vos côtés. Cette marche est un formidable signe de solidarité et de recueillement« , souligne Vincent Delahaye, sénateur-maire (UDI) de Massy, qui avait annoncé sa venue pour la fin de la marche. L’édile de Massy, tout comme son homologue d’Antony, ont décrété des couvre-feux après deux nuits d’échauffourées à Massy, à la suite de la mort de Curtis. Durant les prochaines semaines, les mineurs de 16 ans ont interdiction de circuler sur la voie publique, entre 22 heures et 6 heures du matin.

« Je tenais à vous remercier pour votre attitude irréprochable », a poursuivi l’oncle de Curtis. On entend souvent qu’il y a eu des casses, des débordements, sachez que ces gens-là ne parlent pas en notre nom à tous ici présents. Vous êtes la voix de Curtis, vous êtes notre force à nous la famille. Vous êtes une jeunesse forte, vous êtes le futur de cette ville, le futur de la France. Le combat va être long mais on ne va pas tomber car vous êtes là« , conclut l’oncle. L’enterrement du jeune lycéen doit avoir lieu vendredi prochain. Une cagnotte a été mise en place pour aider la famille à financer les obsèques.

Kozi PASTAKIA

*Le prénom a été modifié

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