Entre 223 000 et 480 000 personnes ont défilé hier à travers la France contre la réforme du Code du travail. Dans le cortège, le Front social de Montreuil appelait à une assemblée générale pour organiser une convergence des luttes contre le gouvernement actuel. Nous les avons suivis de la mairie à Bastille. Reportage.

À Montreuil, ce mardi matin, la place de la mairie vaque tranquillement à ses occupations. Ni foule, ni journalistes ou clameur révoltée. À peine remarque-t-on la présence de quelques petits groupes discutant en cercle vers 11h30. En tout, ils sont à peine une trentaine à avoir répondu à l’appel du Front social Montreuil pour un départ groupé à la manifestation contre la réforme du Code du travail. « On n’attendait pas forcément beaucoup de monde », assure François Maillouse, du Front social local. Quelques membres de la CGT, de SUD, du syndicat Solidaire et de la CNT (Confédération nationale du Travail) selon ce professeur au lycée Condorcet, à Montreuil. « Surtout des gens de l’éducation », précise-t-il.

Devant la mairie de Montreuil, Alexis Corbière, député de la France Insoumise dans la 7ème circonscription du 93.

À quelques mètres, Alexis Corbière, député de la France Insoumise dans la 7ème circonscription de Seine-Saint-Denis, discute avec des militants au milieu du rassemblement. « Les gens sont concernés à Montreuil et dans le 93 en général comme tous les salariés en France », estime-t-il avant de s’engouffrer dans le métro, vers 11h45. « On aurait bien aimé voir les militants de la France Insoumise au rassemblement, grince Jean-François Cabral*, l’un des initiateurs de ce rassemblement à Montreuil et professeur. Pour que leur noms soient associés à l’appel, ils étaient là »

« C’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’union »

« Je suis fainéant », le mot d’ordre des manifestants contre la réforme du Code du travail.

« Montreuil est une ville propice à l’action politique, c’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’union », regrette Julie*, surveillante de 24 ans et habitant de Romainville, une ville limitrophe, alors que le reste du groupe a formé un cercle sur le parvis pour discuter des suites à donner à la mobilisation de ce mardi. La jeune femme fait partie d’une bande d’amis impliqués politiquement dans la commune. « Peut-être que les autres ne sont pas venus un peu par snobisme. Le Front social est un peu vu comme une quinzaine de sexagénaires qui sont tous profs et discutent entre eux ».

« On a un problème, reconnaît Jean-François Cabral. Les centrales syndicales ont tendance à considérer que ce genre d’initiatives ne les concernent pas ». Dans l’idée, le Front social devait pourtant rassembler. « Nous voulons faire converger les différentes luttes qui sont menées contre ce gouvernement pour faire monter la pression et aller vers la grève générale », explique l’enseignant.

Plus de 480 000 manifestants selon la CGT, 223 000 selon le ministère

Les manifestants contre la réforme du Code du travail arrivent sur la place de la Bastille (Paris).

Lancé par la CGT, l’appel à manifester, lui, à plutôt été un succès à travers la France : 223 000 personnes selon les autorités, 480 000 selon Benoît Martin, secrétaire général de l’Union départementale de Paris, contacté ce matin. Une « très forte mobilisation », selon les organisateurs, alors même que FO et la CGT, deux syndicats de poids, ne s’y étaient pas associés.

« Baisse de l’Impôt de solidarité sur la fortune », « baisse des aide personnalisées au logement », « état d’urgence permanent », « casse du code du travail », autant de décisions qui cristallisent le mécontentement depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, aujourd’hui au cœur de la fronde.

Visant à apporter plus de flexibilité au marché de l’emploi, la réforme du Code du travail est accusée de « donner les pleins pouvoirs au patrons », en les libérant des contraintes liées à la protection des salariés dans l’entreprise. La méthode employée fait également grincer des dents. Comme promis lors de sa campagne électorale, Emmanuel Macron s’est employé à faire passer une loi d’habilitation permettant à l’exécutif de modifier le Code du travail par ordonnances. 58 % des Français seraient opposés aux ordonnances réformant le droit du travail selon un sondage publié le 1er septembre par Harris Interactive.

« Qui sème la misère, récolte la colère »

Les manifestants de Montreuil prennent le métro pour rejoindre le cortège parisien.

Il est 13 heures, une cinquantaine de manifestants décident de quitter la place de l’Hôtel de ville de Montreuil. Objectif : rejoindre le cortège parisien à Bastille. C’est le point de rendez-vous de la grosse manifestation. « Qui sème la misère, récolte la colère », scande un petit cortège qui s’engage sur le boulevard Rouget-de-Lisle, sous l’œil amusé ou bienveillant des passants. Des visages juvéniles mènent la procession, jusque au métro Croix-de-Chavaux.

Manifestation contre la réforme du Code du travail à Bastille (Paris).

14 heures, le groupe constitué à Montreuil débarque sur la place de la Bastille. Des centaines de manifestants convergent des rues qui débouchent sur la place vers le point de ralliement. « C’est fou, il n’y a aucun contrôle », lâche un des jeunes du groupe, qui s’attendait à être fouillé. La police est discrète et l’ambiance plus festive que tendue à cet endroit et à cette heure. Le cortège de Montreuil finit par se disperser dans la foule. « Chacun manifeste à sa façon », sourit le jeune homme, déjà prêt à battre le pavé le 21 septembre, pour une nouvelle mobilisation.

*Prénom modifié à la demande de l’interlocuteur

Alban ELKAÏM

Crédit Photo : Patrice BRETTE

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