Benoît Hamon a tenu son dernier grand meeting à Paris, place de la République ce mercredi soir. Dans les rangs, les militants veulent y croire et se disent surtout fiers d’une chose : leur vote, c’est un vote de conviction, peu importent les prédictions sondagières. Reportage.

« Qu’Hamon ou un autre soit élu, je m’en fiche, je ne suis pas là pour lui, je sors du travail et je veux juste aller retrouver mes potes pour aller boire un verre ». Il fallait un peu de patience pour accéder à la place de la République ce mercredi 19 avril où Benoît Hamon tenait son dernier grand meeting de cette campagne électorale. Avant de laisser quiconque rejoindre la place, les gendarmes fouillent scrupuleusement les sacs et forcément ça prend du temps. « C’est un complot pour dissuader les gens d’y aller », chuchote quelqu’un dans la file en riant.

Le PS, quel PS ?

Les soutiens de Benoît Hamon place de la République à Paris, à quatre jours du premier tour de l’élection présidentielle.

Dans la foule et sur scène, on retrouve des soutiens de Benoît Hamon (oui, il en reste). Jérôme Guedj, conseiller départemental de l’Essonne et porte-parole du candidat socialiste, claque des bises ici et là. À la tribune, on aperçoit Martine Aubry, qui déclare n’avoir « jamais vu une campagne comme celle-là » et en profite pour taper sur Jean-Luc Mélenchon dont le « programme n’a pas vocation à être réalisé », mais aussi sur Emmanuel Macron et sa volonté de réformer le code du travail à coup d’ordonnances dès l’été. Ce qui lui importe, ce sont les idées et les valeurs répète la maire de Lille devant une place de la République comble (20 000 participants selon les organisateurs).

Sur la place, les drapeaux français côtoient les drapeaux européens, des bannières LGBT, ceux d’EELV, les alliés écologistes. Quand on ne le sait pas, difficile de se dire qu’il s’agit d’un meeting du candidat du parti socialiste : dans la foule, quasiment aucun drapeau du PS et le candidat Hamon lui-même évite soigneusement de mentionner sa famille politique dans son discours préférant citer « la gauche« . C’est qu’entre Le Drian chez Macron, Montebourg qui se rapproche de Mélenchon, difficile de savoir à quel parti socialiste se vouer. Les festivités ont débuté dès 17h avec des discussions organisées autour de différents thèmes (« paradis fiscaux », « LGBT », « économie sociale et solidaire »…) avec à chaque fois un chapiteau dédié et animé par les personnalités de la campagne de Benoît Hamon comme l’économiste Julia Cagé.

Nina, Safaa, et Margaux, 18 ans toutes les trois et donc primo-votantes, sont arrivées quelques minutes seulement avant la prise de parole du candidat. « Je ne sais pas pour qui je vais voter mais pas pour lui, dit d’emblée Nina. Ça ne correspond pas à mes idées ». Elles sont toutes les trois en école d’évènementiel et sont venues voir « comment se passe un meeting ». Pour les deux autres, c’est l’indécision : peut-être Hamon, peut-être pas. Il leur faut le temps de comparer les programmes confient-elles avant de se mettre en quête du chef de projet évènementiel du meeting. Comparer les programmes, Marie-Françoise, retraitée, s’y est attelée et pas qu’un peu. « J’ai même fait des tableaux comparatifs. Ça fait quelques jours maintenant que je suis sûre de voter Hamon. Je me suis dit qu’il fallait arrêter de penser à ces histoires de sondage et de calcul. Son programme est celui qui me convient le plus ».

Un discours de premier de la classe

Justement, le voilà qui arrive à la tribune pour commencer son discours de plus d’une heure. Derrière lui, en bonne place sur scène, la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Abd al Malik, Condorcet, Henri IV, Schoelcher, Primo Levi, Cioran, César, Catilina : le discours prend des airs de dissertation de culture générale et le ton se veut solennel. « J’aime ce que vous êtes, j’aime le peuple que nous sommes, j’aime le magnifique visage de la République » ou bien « j’ai tenu bon, je tiendrai bon », répète-t-il aussi à la fin d’une campagne difficile pour le candidat socialiste. « La trahison« , il sait ce que c’est, dit-il. L’intégrisme religieux, l’extrême-droite, Fillon alias « ce châtelain qu’aucune honte n’arrête », Macron et son « giscardisme relooké grâce à quelques agences de publicité » et bien sûr Mélenchon dont le projet de rejoindre l’alliance bolivarienne n’est « pas sérieux «  : tout le monde y passe.

Aux citoyens, Benoît Hamon lance un appel : « puisque vos dirigeants ne sont pas à la hauteur, soyez vous-mêmes à la hauteur » comme si l’heure de l’opposition et de la résistance était déjà arrivée. Comme lorsqu’il lance : « Je me battrai dimanche. Et je me battrai après avec la rage des lions sculptés ici place de la République ». Mais quel après ? Rien ne l’arrêtera conclut-il avant que la Marseillaise ne retentisse.

Un vote de conviction pour s’affranchir des sondages

« Je l’ai trouvé meilleur que d’habitude, il n’est pas toujours très bon mais ce soir je l’ai trouvé très bon, souligne Aline, la quarantaine. Je suis venue ici pour être avec des gens qui pensent comme moi. Dans mon entourage soit on vote Mélenchon soit on regarde les sondages et on va voter Macron mais ce coup-ci je n’ai pas envie de faire comme ça. J’ai voulu voter pour quelqu’un qui était proche de moi. Je crois à la réduction du temps de travail par exemple, donc mon vote je veux que ce soit un vote de conviction ». Convition, c’est le maître-mot de la soirée et pour beaucoup, ni Macron, ni Mélenchon ne sont une option.

Maïmouna, militante au Parti socialiste depuis plus de dix ans a toujours soutenu Benoît Hamon. « Je vais faire voter toute ma famille et tout mon entourage pour lui et tous ceux qui voudront m’écouter. Comme les sondages le donnent loin derrière, il faut lui donner un coup de main. Je vote pour lui, pour ce qu’il incarne et j’y croirai jusqu’au bout car mon cœur bat à gauche. Je me suis jamais reconnue dans Mélenchon, même si comme les commentateurs politiques le disent, il a adopté une posture plus apaisée. Le problème c’est qu’il a toujours été dans la critique et n’est pas du genre à vouloir prendre les responsabilités. C’est pour ça que je préfère Hamon ». Un peu plus loin, Mireille est plus nuancée. « J’ai voté Hamon à la primaire mais je ne suis jamais convaincue totalement, je fais juste un choix. Hamon est bon car il a des fondamentaux solides ». Robert qui l’accompagne avait donné sa voix à Manuel Valls à la primaire de la Belle alliance populaire. « Je me disais que la société n’était pas prête pour les idées de Benoît Hamon comme le revenu universel par exemple. Donc je me suis dit qu’il fallait peut-être être sage. Puis, j’ai trouvé le comportement de Valls inadmissible et surtout je ne voterai pas Macron car il n’est pas une solution mais une mystification, il vend du rêve ».

Le mot conviction est celui qui revient le plus souvent chez ces militants qui semblent s’être affranchis de la tyrannie des sondages, à moins qu’il ne s’agisse seulement du noyau dur des électeurs du candidat. Peu importe, comme à la fin de beaucoup de ses meetings, au moment où la foule se disperse tranquillement et où les militants font des selfies pour immortaliser le moment, la chanson de Macklemore et Ryan Lewis « Can’t hold us » démarre, et ce soir, l’impression qu’une parole de cette chanson a résonné plus que les autres : « Nous nous battrons jusqu’à la fin ».

Latifa OULKHOUIR

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