MUNICIPALES 2014. Après avoir rencontré Julien Mugerin, candidat UMP à la mairie de Stains, rendez-vous a été pris avec son adversaire Azzédine Taïbi, candidat PCF à la succession de Michel Baumale.

Il est onze heures, Azzédine Taïbi nous reçoit à la mairie de Stains. Les dossiers s’empilent sur son bureau à la décoration minimaliste. A côté de son poste de travail, une table est dédiée aux entretiens. Ce bourreau de travail commence par nous parler de son engagement pour la ville de Stains qui ne date pas d’hier. Monsieur Taïbi évoque son parcours en insistant sur le temps. Il aime le prendre et ne pas se précipiter. « Avant d’être élu j’ai fait mes classes en tant que travailleur social, animateur, éducateur, directeur des structures jeunesse, etc. J’ai consacré une grosse partie de ma vie aux préoccupations de la jeunesse, à la citoyenneté dans les quartiers populaires, principalement sur le Clos Saint Lazare et Salvador Allende. J’ai souvent travaillé avec des jeunes qui décrochaient, des jeunes touchés par la drogue, ou qui avaient des soucis de comportement. »

Fort de son engagement de terrain, il devient pour la première fois conseiller municipal en 1989. Six ans plus tard, il est nommé adjoint au maire en charge des questions de la jeunesse, puis en 2001, adjoint au maire en charge des questions de la jeunesse et de l’enfance et conseiller général. Depuis 2008, il est vice-président du Conseil Général. Bien que son parcours impressionne, Monsieur Taïbi réfute l’étiquette du politicien carriériste. « Je ne suis pas un pro de la politique, j’ai fait mes classes sur le terrain. Ensuite on m’a sollicité pour être élu. J’étais un peu surpris car pour moi, ce n’était pas une vocation ni une fin en soi. J’estimais que j’apportais déjà beaucoup sur le terrain, auprès des jeunes. » 

Pour Azzedine Taïbi, il n’y a pas de miracle et la meilleure carte de visite d’un individu reste son travail. Selon lui, son parcours est le fruit d’un travail reconnu par les citoyens. Sa candidature aux municipales, en lieu et place de Michel Baumale (actuel Maire de Stains), il la perçoit comme une évolution logique au vu de son parcours. « Il y a deux ans, je n’avais pas la prétention de me porter candidat aux municipales. Les Stannoises et les Stannois m’ont beaucoup poussé. Les gens te diront ‘’on connait Azzédine depuis longtemps, on sait tout ce qu’il a fait pour nous sur le terrain’’. En fin de compte c’est presque normal et naturel » concède-t-il. Fort de ce constat, il se sent investi d’une mission. « Je sais d’où je viens, je viens d’un milieu populaire, de la classe ouvrière, je sais le parcours de combattant que j’ai mené. J’ai un devoir de respect et de dignité vis-à-vis des Stannois. Je sais que la vie n’a pas été facile pour moi, c’est un combat de tous les jours. Je sais qu’elle est encore compliquée pour beaucoup de Stannois. Je suis du peuple et mon devoir c’est de rendre au peuple tout ce qu’il m’a donné.» 

Militant au Parti communiste français de longue date Azzédine Taïbi revient sur les raison de son engagement en faveur du communisme. « C’est un choix politique, je partage les combats de ce parti, en particulier les combats contre toutes les formes de domination, contre toutes les injustices qui peuvent exister dans cette société. A l’époque de mon adhésion, c’était le seul parti qui menait une bataille contre l’apartheid contrairement à la droite qui au contraire cautionnait la politique de ségrégation et voyait Mandela comme un terroriste. Le PCF a toujours soutenu les opprimés. Pour moi, être communiste, c’est défendre des valeurs fortes : la justice sociale, la fraternité, la solidarité, la laïcité.» Azzédine Taibi entretient une vision particulière de l’engagement en politique. « S’engager dans un parti ce n’est pas s’enfermer dans une doctrine. Je me considère comme un communiste libre. Je reste très ouvert à la société. Il m’arrive d’être en désaccord avec mon parti. Dans ma liste, il n’y a pas que des communistes. Il y a des citoyens qui ne sont pas du tout encartés, et pour moi c’est important. J’ai toujours travaillé avec un esprit d’ouverture et de rassemblement. La politique ce n’est pas que l’affaire des partis, c’est l’affaire de tout le monde

Nous en profitons pour aborder « le déclin  rouge » et le fait qu’il n’y ait plus que onze mairies communistes en Seine-Saint Denis. « La région parisienne a longtemps été une région qu’on appelait la banlieue rouge avec des mairies communistes réélues avec des scores importants. Il y avait une classe ouvrière importante et bien organisée. Il y avait de la solidarité dans le champ de la vie en commun (associations de défenses pour les locataires), de la jeunesse, de l’éducation, du sport,  de la santé… On est beaucoup à avoir bénéficié d’une vraie politique de promotion sociale. La perte de terrain des mairies communistes est surtout liée à la dégradation sociale et économique. De nombreuses entreprises ont fermées en région parisienne, y compris ici à Stains. A l’époque où la droite était au pouvoir, mais également sous Mitterrand. Cette désindustrialisation a mis des milliers de familles au chômage. Ceux qui avaient encore leur emploi, et qui voyaient les autres lutter avec le chômage, se mettaient à quitter le quartier et furent remplacés par des familles précaires. Ainsi obtient-on une déstructuration totale d’un quartier, d’une ville, d’un département, d’une région. »

Un constat amer qui semble faire ressurgir de mauvais souvenir à Azzedine Taïbi qui reprend : « Je reste persuadé qu’une bonne partie de la classe politique voulait en finir avec la banlieue rouge en la diabolisant. Il y a cette tentation de la droite de dire : ‘’80 ans de mairie communiste il faut en finir’’. Derrière il y a une volonté de transformer Stains, de chasser les pauvres et que Stains devienne Le Raincy ou Levallois. C’est ça le projet de la droite. Plus on attaquera les familles les moins aisées, plus je me battrai contre ça. Je ne suis pas pour qu’on se débarrasse d’une partie de la population. Je sais que  le projet du candidat UMP [Julien Mugerin] qui vient d’arriver, qui ne connaît pas Stains et qui vient d’être parachuté, est une commande politique. C’est un projet téléguidé qu’il partage avec Éric Raoult. C’est de faire en sorte qu’on dégage tous les pauvres. Ils l’ont envoyé à Stains et tôt ou tard lorsqu’ils auront atteint leur objectif : ils vont le dégager aussi. »

Le bilan du maire sortant est décrié par l’opposition. On reproche à l’équipe municipale de Michel Baumale dont Azzédine Taïbi fait partie, le manque de concertation des habitants, l’insécurité, le clientélisme. Ce dernier s’insurge contre ces critiques. « Je suis fier du bilan de Michel Baumale et je le défends. En ce qui concerne l’insécurité, les Stannois ne sont pas amnésiques et savent qu’à Stains la police est en sous-effectif depuis l’arrivée de Sarkozy au pouvoir. Et le gouvernement actuel n’a rien arrangé. Mais nous souhaitons réellement garantir la sécurité à tous les Stannois. L’accusation de clientélisme me fait bien rire venant de la droite qui cultive l’abstentionnisme et le sentiment de division. Moi, je cultive le combat et la solidarité quand les gens de droite cultivent la fatalité. Celle qui éloigne des urnes. Si vous voulez des exemples de clientélisme, ils existent à Levallois, au Raincy où Éric Raoult refuse de construire des logements sociaux et se dit ‘’entouré de territoires occupés’’. »

Enfin le candidat de gauche à la conquête de la mairie de Stains, tient à tordre le cou au sobriquet « Monsieur Oui-oui ». « Monsieur Oui-oui ? En politique on ne tient pas plus de six mois en faisant de fausses promesses. Moi je suis sur le terrain depuis trente ans, alors si j’étais un menteur, les Stannois en auraient avalé des couleuvres ! Les chiffres ne mentent pas. Je ne souhaite pas accorder d’importance à ces futilités. »

L’entretien prend fin sur son projet pour Stains. « Moi ce que je souhaite c’est créer un nouvel élan pour la ville de Stains. Il y a beaucoup de choses qui ont été réalisées et qui vont avoir un impact certain dans les années à venir. J’ai envie de redonner un nouveau souffle à Stains. Un souffle ancré à gauche. Un souffle nouveau qui reste bien ancré dans nos valeurs républicaines, dans nos valeurs de justice sociale. Je sens qu’il y une perte de confiance. Je sens qu’il y a une défiance vis-à-vis de la politique, d’une partie des Stannois. Redonner de la confiance c’est faire en sorte qu’un élu aille sur le terrain à l’écoute de ses administrés et qu’il soutienne les batailles des Stannois. »

Balla Fofana et Tom Lanneau

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