Bobigny, jeudi 14 février, 19h30, une quarantaine de personnes fait irruption dans la Mairie, au Conseil Municipal pour souligner leurs problèmes quotidiens: insalubrité dans les quartiers, lenteur de la rénovation urbaine, fort taux de chômage des jeunes…

Ce  lundi 18 février, sept balbyniens de 20 à 25 ans seront face au juge du Tribunal de Grande Instance de Bobigny pour avoir tenté d’ouvrir le dialogue. En juin dernier, près de 200 personnes, dont des responsables associatifs, ont interrompu le conseil municipal afin de montrer qu’elles existent et de pouvoir ainsi parler, notamment des violences qui sévissent dans nos quartiers.

Après cela, Mme la Maire Catherine Peyge s’est engagée à recevoir une délégation afin de construire un dialogue. C’est donc à la fin du mois de novembre que cette délégation, après avoir attendu en vain un rendez-vous avec La Maire, s’est introduit dans le bureau de celle-ci afin de l’attendre et de parler. Manque de bol, elle ne se présente pas sur place mais ce sont des CRS qui débarquent dans son bureau. Sept jeunes sont alors emmenés au commissariat pour 48 heures de garde à vue.

Mme Peyge a porté  plainte contre eux alors qu’aucune violence n’a été relatée. Seulement des haussements de voix. De plus, parmi ces jeunes, deux qui étaient en voie de devenir fonctionnaires, ne pourront plus exercer le métier voulu, de par ces plaintes. De plus, ils risquent deux ans de prison. Tout simplement parce qu’ils ont voulu échanger avec La Maire et qu’ils ont demandé des choses concrètes, aussi bien pour eux que pour leurs quartiers. La sécurité, l’insalubrité, le fort taux de chômage des jeunes et la lenteur de la rénovation urbaine sont les sujets qu’ils ont souhaités aborder avec elle, mais il en a été autrement.

Ainsi, il y a quelques jours, l’association la Balle Au Centre a lancé un appel au rassemblement. Le message : « Nous investirons de nouveau le conseil municipal le jeudi 14 février à 19h30, jour de la saint Valentin, pour montrer notre attachement à la démocratie participative ! » Etant aussi balbynienne et me sentant concernée par ce mouvement, je me suis donc rendue sur les lieux Une quarantaine de personnes est présente au pied de la Mairie, dans laquelle se déroule le Conseil Municipal, munis de pancartes : « Les Balbyniens en colère – On lâche rien, hypocrisie quand tu nous tiens – Y’en a marre des Cocos… »

 Alors que les portes étaient ouvertes toutes la journée, elles se retrouvent fermées au moment d’entrer, pour problème technique. Mais quelques minutes plus tard, Rachid Chatri, responsable associatif de la BAC, ouvre les portes et nous entrons dans le silence le plus complet. Arrivés à l’étage, nous pénétrons dans l’enceinte du Conseil. Pour le moment, Mme Peyge fait son discours. Nous en profitons pour nous placer tout autour d’elle.

Une fois qu’elle conclut la première partie de son discours, en précisant que Nadir Dendoune a enfin été libéré, sous les applaudissements des gens présents, des responsables associatifs de la ville prennent la parole afin de demander la suspension du conseil pour pouvoir parler. Celle-ci accepte d’interrompre la séance et d’écouter. Ils se mettent donc à lire un texte rédigé spécialement pour l’évènement : « Nous citoyens de Bobigny ! Notre jeunesse est désœuvrée… Nos logements sont délabrés, insalubres… Nous sommes étranglés par l’explosion des charges locatives. Seule la Maire et ses amis bénéficient d’une sécurité totale… 99% des Balbyniens doivent se débrouiller tout seuls… » En gros, un constat global est fait.

Mais Mme Peyge semble simplement écouter et ne réagit que très peu sur les faits décrits. Tout en restant poli, calme et correct, Rachid demande clairement à ce que les choses bougent et qu’elle retire sa plainte contre ces jeunes coupables d’avoir voulu dialoguer et faire avancer leur ville. Elle restera insensible à notre présence alors les jeunes entament en chœur la Marseillaise. Elle demande ainsi du calme et précise qu’elle entend bien ce que l’on a à lui dire. Et tout naturellement, elle reprend sa séance comme-ci de rien n’était.

Dans le calme toujours, sans grabuge, la quarantaine de personnes quitte les lieux et retourne au pied de la Mairie. Les jeunes discutent : « Le message est passé. On lui a montré que nous pouvions parler et ce n’est qu’un début – Ce n’est qu’une première action. Il y en aura plein d’autres jusqu’aux élections de 2014. »

Gassama, un des jeunes jugés lundi, ajoute : « Il faut rassembler un maximum de personnes. On n’est pas assez. Mais les autres quartiers ne viendront pas à cause des tensions. Sur Facebook, quand j’écris des statuts bêtes et méchants, j’ai 100 ‘j’aime’ mais quand j’ai publié l’appel à la mobilisation, il n’y en a eu que 3! »

 Le but premier de ces citoyens est de faire retirer cette plainte inutile et surtout dégradante pour ces jeunes. Rachid Chatri va tenter d’obtenir un rendez-vous avec elle et les associations indépendantes, qui se battent pour faire valoir leurs droits, vont continuer de le faire afin de pouvoir bénéficier, comme toutes les autres associations de la ville, des mêmes privilèges et subventions. La politique participative est revendiquée par ces jeunes mais ils constatent qu’à Bobigny elle n’existe pas. La soirée se finit dans le calme mais la Police est quand même présente, mais de loin.

Inès El Laboudy

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